Culte du dimanche 21 mai 2023

Deutéronome 31

Culte du 21 mai 2023
Prédication de Rabbin Pauline Bebe

Vidéo de la partie centrale du culte

Culte à l'Oratoire du Louvre

 21 mai 2023
451ème jour de la guerre en Ukraine
« La faiblesse comme force »

Culte présidé par la pasteure Béatrice CLERO-MAZIRE
Prédication par le rabbin Pauline BEBE
Avec Sarah KIM, organiste co-titulaire, à l'orgue

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Orgue

Annonce de la grâce
La grâce et la paix nous sont données de la part de Dieu notre Père en son fils Jésus, notre frère.

Accueil
Bienvenue à toutes et à tous, bienvenue à ceux qui nous rejoignent sur les réseaux sociaux. Bienvenue à notre invitée, Madame la rabbin Pauline Bebe, qui nous a fait l’honneur de répondre positivement à notre invitation.
Chère Pauline, que vous soyez ici aujourd’hui est pour nous très important, votre présence redit nos liens avec le judaïsme, et particulièrement dans ce temple de l'Oratoire du Louvre, qui fut reconnu "Maison de vie" par la Fondation Raoul Wallenberg parce qu’elle a accueilli pendant le Shoah des hommes, des femmes et des enfants, menacés de mort parce qu’ils étaient juifs. Aujourd’hui vous allez nous partager votre lecture de textes qui sont notre trésor commun. Nous saluons ce matin les amis de la synagogue de la rue Mourgue dans le 10ème arrondissement, le Centre Mayaan de la Communauté juive libérale de Paris. Pauline, bienvenue dans notre communauté.

Répons : « Bénissons Dieu le seul Seigneur » (Ps. 134, str.1) [cliquer ici]

Louange
Chant pour ceux qui montent à Jérusalem, de David.
Oui, il est bon, il est agréable
pour des frères d'être ensemble !
C'est comme le parfum de l'huile précieuse
versée sur la tête du grand-prêtre Aaron ;
elle descend sur sa barbe,
puis jusqu'au col de son vêtement.
C'est comme la rosée
qui descend du Mont Hermon sur les montagnes de Sion.
Car c'est là, à Sion, que le Seigneur
donne sa bénédiction, la vie, pour toujours !
[D’après le Psaume 133]

Psaume : Le Psautier français n° 92 « Oh ! que c'est chose belle », strophes 1 à 4 [cliquer ici]

Volonté de Dieu
« Ainsi parle l’éternel à la maison d’Israël cherchez-moi et vous vivrez »
[Livre du prophète Amos]

Répons : « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute » (L&P n°193, str.1) [cliquer ici]

Repentance

Père aux cieux ! Comme un père envoie son enfant dans le monde, ainsi tu as mis l'homme sur la terre; il est séparé de toi comme par un monde, il ne te voit pas de ses yeux, ni n’entend ta voix de ses oreilles terrestres. Le voilà ici-bas et la route est devant lui…
Si longue à l’heure inerte du découragement qui ne veut pas attendre, si malaisée à l'instant pénible de l'impatience qui lui refuse tout répit : Donne alors à l’enfant du courage dans ce vaste monde, du courage quand tant de fausses routes semblent s’offrir à lui et que la bonne est si difficile à connaître, du courage quand l'angoisse et le chagrin semblent trouver des alliés dans la fureur perverse des éléments, dans l'horreur des événements, dans la misère déprimante des hommes : Donne lui alors du courage pour se souvenir et croire que de même qu’un père envoie son enfant dans le monde, tu as mis de même l'homme sur la terre. _ Dieu de miséricorde ! Comme de l'enfant prodigue en trouvant le chemin du retour, a trouvé tout changé, jusqu'à l'esprit de son frère, mais non son père, dont l'amour l'accueillit, à sa rentrée, par un festin ; dont le cœur paternel lui rendit, à lui l'enfant perdu, l'assurance aisée du convive : quand de même un homme retourne à toi, donne lui alors de l'assurance sur le chemin de la conversion […] Qu’il ait au moins le front de se croire attendu du Miséricordieux qui s'inquiète et craint sa perdition.
[Soren Kierkegaard, Journal]

Répons : « J’aime mon Dieu, car il entend ma voix ». (Ps. 116, str.1) [cliquer ici]

Annonce de la grâce
L’Éternel Dieu vit en nous.
Que son Esprit nous anime !
Sa force transforme notre faiblesse,
Sa miséricorde nous relève de notre misère,
Sa vérité confond nos mensonges,
Sa liberté ouvre nos différentes prisons.
C'est pourquoi le dernier mot à notre sujet ne sera pas le nôtre, mais le sien,
Celui de son pardon et de son amour.
Il nous redit ce matin : « Ma grâce te suffit »

Répons : « Combien grande est ta gloire » (Ps 92 selon L&P n° 38 str.2) [cliquer ici]

Confession de foi
Voilà ce que nous pensons et croyons.

Notre paix ne réside pas dans la certitude de nos formulations
mais dans l’émerveillement devant ce qui nous arrive et nous donné.
Notre destinée ne réside pas dans l’indifférence et l’avidité,
mais dans la vigilance et la solidarité à l’égard de tout ce qui vit.
L’accomplissement de notre existence ne vient pas de ce que nos sommes
et de ce que nous possédons,
mais de ce qui dépasse infiniment nos capacités de compréhension.
Conduits par ces convictions, nous croyons en l’Esprit de Dieu.
Il surmonte ce qui divise les gens, il les attire vers ce qui est saint et bon,
Pour qu’ils louent et servent Dieu,
en chantant et en faisant silence, en priant et en agissant.

Nous croyons en Jésus, un homme empli de l’Esprit.
Il est le visage de Dieu qui nous regarde et nous remue.
Il a aimé les êtres humains et il a été crucifié.
Mais il vit au-delà de sa propre mort et de notre mort.
Il est, pour nous, un exemple béni de sagesse et de courage.
Il rapproche de nous l’amour éternel de Dieu.

Nous croyons en Dieu, l’Éternel,
Il est amour insondable, le fondement de notre existence.
Il nous montre le chemin de la liberté et de la justice,
et nous appelle à un avenir de paix.
Bien que faibles et vulnérables, nous nous croyons appelés,
solidairement avec le Christ, et avec tous ceux qui croient,
à former une Église qui soit signe d’espérance.
Car nous croyons dans l’avenir de Dieu et du monde,
La patience divine nous offre du temps pour vivre, pour mourir
Et pour ressusciter dans le royaume qui est et qui vient.
Dieu y sera pour l’éternité tout en tous.
À Dieu soit la louange et l’honneur,
Dans le temps et l’éternité.
Amen.
[La Fraternité des Remonstrants, aux Pays-Bas]

Répons : « Grand Dieu, nous te bénissons » (L&P n°69, str.1) [cliquer ici]

Doxologie : « Gloire à Dieu dans les cieux et sur la terre, et d’éternité en éternité ».

Prédication : La faiblesse comme force

« Alors Moïse appela Josué et lui dit en présence de tout Israël : sois fort et vaillant car c’est toi qui entreras avec ce peuple dans le pays que l’Éternel a promis à leurs ancêtres », en hébreu וַיִּקְרָא מֹשֶׁה לִיהוֹשֻׁעַ, וַיֹּאמֶר אֵלָיו לְעֵינֵי כָל-יִשְׂרָאֵל חֲזַק וֶאֱמָץ, Vayikra Moshé Leyoshua vayomer elav leinei kol Israel hazak veematz, Deutéronome 31, 7. « Sois fort et vaillant », tel est le souhait prononcé par Moïse lorsqu’il transmet sa mission à son successeur. חֲזַק וֶאֱמָץ, Hizkou veimstou, « soyez forts et courageux », dit l’Éternel au peuple d’Israël un verset auparavant (v.6). Et ainsi l’impératif s’est transmis de génération en génération jusqu’à la teba, l’estrade de la synagogue — moins haute que celle-ci ! — chaque fois que quelqu’un est appelé à la Torah pendant l’office, en récitant les bénédictions avant et après la lecture pour revivre à nouveau la révélation du mont Sinaï. En descendant du mont Sinaï et de l’estrade, on s’entend dire ces mots étranges de félicitations : hazak veemats, hizki ve’imsti, « soyez forts et courageux ». Au lieu de reconnaître un événement passé et s’en féliciter, c’est un peu comme si tout était encore à venir, puisque nous sommes les garants du texte, de la transmission. Un peu comme si l’on nous disait : la vie est tissée d’épreuves, et il faut s’armer de courage. Une fois redescendu du mont Sinaï, de l’exaltation de la Révélation, le courage est de mise lorsque l’on est dans la vallée, à l’épreuve du quotidien, du banal et des chemins battus.

De la nécessité d’être vaillant, brave et courageux face aux vicissitudes de la vie, l’écho s’en retrouve à l’infini dans la bouche des poètes, comme Rudyard Kipling qui s’adresse à son fils :
    Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
    Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
    Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
    Sans un geste et sans un soupir ; […]
    Tu seras un homme, mon fils.

Courage, ténacité, dignité, sont ces mots qui sont répétés comme des clefs de réussite face à l’adversité. Et lorsque les larmes coulent de nos yeux et déversent leurs vagues qui déferlent d’un cœur trop plein, on s’en excuse, honteux d’avoir laissé paraître quelque chose de l’intime, un défaut de faiblesse qui mettrait notre cœur à nu. L’être de raison, apprend-on, doit savoir contrôler ses émotions ou les dissimuler, il ne doit pas se laisser aller, car la raison permet l’analyse, la compréhension et la maîtrise du moment.  Être fort est par conséquent synonyme d’une forme d’indifférence à ce qui nous entoure, la capacité à ne pas réagir sur le moment, à rester impassible, voire insensible ; rester de marbre est souvent considéré comme une force qui ignore les murmures du cœur. « Il sait se contenir, dit-on, ne pleure pas, entend-on des parents dire à leurs enfants qui expriment trop bruyamment leurs émotions.  « Quel est le véritable héros ? », disent les Pirkei Avoth, le Traité des Principes, aux premiers siècles de notre ère : eizehou guibor, hakovesh eth yitzho, « celui qui maîtrise ou domine ses passions ».

Montrer sa vulnérabilité est en effet considéré comme une faiblesse, une preuve de fragilité. Être fragile est considéré comme un défaut, être fort une source d’admiration. Mais est-ce véritablement le modèle que nous dessine nos traditions ? Devons-nous être des super-héros invincibles ? Et les héros bibliques dont nous devons nous inspirer le sont-ils ? Sont-ils toujours « forts et vaillants » ? Devons-nous nous montrer impitoyables et insensibles dans nos relations avec les autres ? Quant au Tout-Autre, à Dieu, se place-t-Il au-dessus, par-delà, en deçà de toute émotion ?

Un midrash, texte rabbinique qui commente la Genèse, peut nous apporter des éclaircissements dans cette quête (Midrash hagadol, bereshit, vayeshev 38). Il nous explique que la vision de la perfection n’est pas la même chez Dieu et chez l’être humain, en citant un verset du prophète Isaïe 55, 8 : כִּי לֹא מַחְשְׁבוֹתַי מַחְשְׁבוֹתֵיכֶם, ki lo mahshevotai mahshevotekhem, « car mes pensées ne sont pas vos pensées, vos chemins ne sont pas mes chemins ». « Un être humain, s’il a un vase, poursuit-il, aussi autant qu’il est entier, il en est heureux, du jour où il se brise, il n’en veut plus. Mais le Saint béni soit-Il n’est pas ainsi, s’il voit quelqu’un de hautain, il n’en veut pas, s’il est brisé, il dit, il est à moi, קָרוֹב יְהוָה לְנִשְׁבְּרֵי-לֵב, karov Adonaï le mishberei lev, car l’Éternel est proche des cœurs brisés (Psaume 34, 19) ». Dans ce magnifique midrash, on nous dit que le Saint béni soit-Il aime les cœurs brisés, non pas que la brisure éveille la pitié divine ou une supériorité mal placée, mais parce que la brisure et la fragilité sont le propre de l’humanité. L’être humain se berce d’illusion quant à un idéal de perfection qui ne comporterait aucune faille, or toute création passe nécessairement par une brisure. Le blé éclot de son enveloppe, la fleur sort de son bourgeon, le papillon de sa chrysalide, l’être humain de l’utérus. Il n’est pas de création sans séparation et sans brisures, sans déchirements. Et qui dit brisures, dit fragilité.

On raconte que Michel-Ange ayant sculpté Moïse le trouvait si parfait et vivant qu’il se mit à lui parler. Mais comme la sculpture restait de marbre et ne répondait pas à l’artiste, ce dernier se fâcha et laissa tomber son marteau sur le genou de Moïse en l’entaillant. L’entaille y resta gravée comme la marque de la faille que contient toute création humaine — mais divine aussi. Car le texte de la Genèse nous explique que Dieu s’est arrêté de créer le sixième jour pour laisser la place à l’être humain de parfaire sa création לעשות, laasoth, « faire » en hébreu. L’œuvre divine n’est donc pas complète, ni parfaite dans le sens où nous l’entendons habituellement — qui ne nécessite aucun changement. Elle reste inachevée. Et si Dieu peut limiter sa toute-puissance, alors certainement, c’est un modèle d’inspiration pour nous qui sommes créés בְּצֶלֶם אֱלֹהִים, betselem elohim, « à l’image de Dieu ».

La capacité de lâcher prise, de ne pas contrôler la réalité qui nous entoure, de ne pas prévoir l’avenir, le retrait divin est une preuve de force et de fragilité en même temps. Être perfectible est préférable à être parfait car la perfection signifierait l’immobilité et la mort. L’utopie de la perfection peut s’exprimer sous une forme d’excès et de totalitarisme, car tout perfectionniste a son idée subjective de la perfection qu’il souhaite imposer à lui-même et aux autres. Ainsi, on nous dépeint un Dieu qui laisse la place, qui ne finit pas son œuvre pour permettre à ses créatures de la parfaire. Dieu aime se laisser surprendre, car dans le cas contraire Dieu n’aurait pas donné à l’être humain la capacité d’être libre et responsable. L’Être divin ne contrôle pas tout, sinon il n’aurait laissé aucune place à l’être humain, qui n’aurait été qu’une marionnette prise entre ses fils.

Ainsi, lorsque Adam et Ève consomment du fruit de la connaissance du bien et du mal, le fruit de l’arbre de la vie et de la mort, cédant à leur désir, désobéissant à Dieu, ils goûtent par la même occasion au fruit de la vulnérabilité. Ils savent désormais qu’ils sont fragiles et cette fragilité les humanise. S’ils se cachent au regard divin dans le jardin d’Éden, c’est qu’ils ont conscience d’eux-mêmes, de leurs imperfections, qu’ils reconnaissent leurs parts d’ombre et de lumière ; l’ombre étant nécessaire à la lumière, et le bien peut naître de l’ombre comme de la lumière. Le midrash fait couler des larmes sur leurs joues ; précieux cadeaux divins que ces perles fragiles pour soulager leur peine, la marque humide de leur finitude, la récompense du lien entre l’intime et l’infini.

Ne pleure-t-on pas de joie ou de tristesse lorsque notre cœur et notre âme rencontrent l’infini, lorsque nous sommes surpris ou tristes devant une réalité qui confronte nos rêves, les limite ou les déploie ? Mais si nous cessons de rêver, de peur de ne pouvoir retenir nos larmes, nous nous dépouillons en même temps de notre peu, de notre peau d’humanité. La peau de chagrin ne doit pas se rétrécir. Cette peau si fine qui est à la fois frontière et laissez-passer, elle aussi, fragilité et force, et que le poète Yehouda Amihai décrit ainsi :
    Multiplie les vagues, multiplie les yeux, marbé galim marbé einaim
    Multiplie les épreuves, multiplie le sel, marbé inouim marbé melakh
    Multiplie la tristesse, chante les nuits, marbé atsevouth shar baleiloth
    Multiplie les coquillages, le sable le sable tout, marbé tsdafim marbé hahol hahol hakol
    Pour dire : continue à vivre, peroush hadavar lehamshikh lihyoth
    Qu’est notre vie ? ma hayenou ?
    Quelques centimètres, kama centimetrim
    De folie et de chair tendre, shel terouf verakh bassar
    Entre le squelette dur de l’intérieur, shebein hasheled hakashé bifnim
    Et l’air dur dehors,
ouvein haavir hakashé bahouts

La chair n’est jamais dure, et même si nous arborons des masques de dureté, ils finissent par tomber ou dégouliner de larmes, qui au lieu de déborder creusent leurs sillons dans nos cœurs, à l’intérieur.

Tous nos héros bibliques ont ainsi leurs défauts. Que penser de la folie d’Abraham ou de ses mensonges, de la jalousie de Sarah, de la cécité d’Isaac et du fait qu’il se laisse tromper, de Rebecca et de Jacob qui manipulent Ésaü, du roi David qui envoie son général d’armée à la guerre pour prendre sa femme Bethsabée dont il est tombé follement amoureux, de Salomon qui multiplie les femmes et les chevaux, de Moïse qui ne sait pas parler et se met en colère ? Mais ce sont nos héros, parce Abraham ment pour ne pas blesser, parce ce qu’il se rend compte de ses excès, parce qu’Isaac ressent ce qu’il ne voit pas, parce que Rebecca agit pour l’avenir, parce que David écoutera les remontrances du prophète Nathan, parce que Salomon construira le Temple, parce que Moïse est humain et aime son peuple. Grâce à ces failles, en en tenant compte, en les acceptant, ils se redressent et ils avancent, ils sont encore plus grands dans leur humanité, dans leur faiblesse. Et nous invoquons sans cesse dans la tradition juive, zekhouth avoth, « le mérite de nos ancêtres », sur lequel nous nous appuyons et que nous prenons en exemple, et pourtant ce sont des êtres comme nous burinés d’ombre et de lumières.  « Là où tu trouves l’humilité, tu trouveras la grandeur » résume ainsi rabbi Yohanan, maître du IIIème siècle, dans le Talmud Meguilla 31a.

Et rebbe Shlomo de Karlin de commenter : « la plus grande source d’erreur est d’oublier que nous sommes des princes. Nous disons avinou malkenou, "notre père, notre roi", cela signifie que nous sommes tous membres d’une famille royale et que nous devons agir comme si nous l’étions, et la marque de la royauté est l’humilité. L’honneur n’est pas celui que nous recevons mais celui que nous donnons ». L’humilité n’est pas une façade, un faux semblant, elle est la capacité de reconnaitre que nous tâtonnons sans cesse et que parfois, mais seulement parfois, nous réussissons à trouver le bon chemin. Lorsque les rabbins discutent du nombre de mitzvot, « commandements » que nous devons suivre, dans le traité Meguilla, ils partent de 613, mais ils finissent par arriver à une seule, celle exprimée par le prophète Michée 6, 8 : « ce que l’Éternel demande de toi, rien que de pratiquer la justice (עֲשׂוֹת מִשְׁפָּ, assoth mishpath), d’aimer la bonté (אַהֲבַת חֶסֶד, ahavath hessed), et de marcher humblement devant ton Dieu (וְהַצְנֵעַ לֶכֶת, עִם-אֱלֹהֶיךָ, veatsnéa lekheth im elohékha). »

C’est cette reconnaissance de notre fragilité qui nous permet aussi d’aimer. וְאָהַבְתָּ, veahavta, « tu aimeras », nous dit la Torah, « l’Éternel ton Dieu, l’étranger qui séjourne dans tes portes et ton prochain comme toi-même. » Comment aimer sans s’ouvrir à la possibilité d’être blessé, comment aimer sans être vulnérable ? L’amour aussi, dans notre relation à l’autre nous rend pleinement humain, celle qui selon les philosophes Martin Buber ou Emmanuel Levinas nous fait rencontrer Dieu. Aucune carapace, aussi étanche soit-elle, ne pourra nous protéger de la violence d’une relation à l’autre faite d’appropriation plutôt que de respiration. Marcel Proust le décrit si bien dans À la recherche du temps perdu « il est curieux qu’un premier amour, si, par la fragilité qu’il laisse à notre cœur, il fraye la voie aux amours suivantes, ne nous donne pas du moins par l’identité même des symptômes et des souffrances, le moyen de les guérir ». Comme si les épreuves dans les relations étaient autant d’étapes pour nous persuader de notre constante fragilité. En matière humaine, l’immunité n’existe pas. S’ouvrir au visage de l’autre consiste à s’exposer. On ne peut amorcer un dialogue avec un visage fermé. Entrer en relation, c’est exposer son visage, sa vulnérabilité, sa fragilité. Au plus intime des sentiments, dans un cœur à corps loin des phares, s’échangent les mots d’amour et de poésie. Et lorsque l’un détourne son visage de l’autre alors qu’il a connu la plus grande extase, la joie laisse place à la souffrance mais là aussi se trouve notre plus belle humanité.

Comment y faire face, comment construire ? C’est la leçon de Rabbi Akiva qui se promène parmi les ruines du Temple, détruit par les Romains en 70. Tandis que ses étudiants se lamentent, lui chante la reconstruction de Jérusalem. À travers les débris, il entrevoit la lumière de l’espoir, il sait que des pierres qui jonchent le sol, sortiront un nouveau Temple. Il ne s’agit pas de nier la présence des ruines. La beauté des ruines nous attire, les vestiges du passé, témoins de vies qui se sont déroulées, d’amours qui se sont déclarés, de soupirs échangés, de projets élaborés, tout cela se lit dans les pierres ; mais entre les pierres brisées, dans ces espaces de faille, ou de paille pour les métaux, dans les vallées des larmes, le soleil brille d’un avenir en promesse. Comme la terre doit être retournée pour pouvoir planter encore, nous sommes אָדָם‎, adam, « êtres humains », pris de אֲדָמָה, adama, « la terre », et ce n’est que la terre labourée qui germe à nouveau, que les cœurs mouillés de larmes qui sont capables de percevoir des arcs-en-ciel prometteurs. הַזֹּרְעִים בְּדִמְעָה-- בְּרִנָּה יִקְצֹרוּ, hazorhim bedim’a berina yiltsorou, « Ceux qui ont semé dans les larmes récolteront dans la joie » dit le Psaume 126, 5. לַכֹּל זְמָןעֵת [...] עֵת לִפְרוֹץ וְעֵת לִבְנוֹת, lakhol zeman [...] eth lifrots ve’eth livenoth « il est un temps pour tout […] un temps pour détruire, et un temps pour rebâtir » dit l’Ecclésiaste 3, 1-3.

Une fois que nous avons accepté notre propre fragilité, nous pouvons mieux envisager celle de l’autre. La fragilité est le point de départ aussi de la nécessité de s’entraider. La Torah nous enjoint d’aimer l’étranger, la veuve et l’orphelin. Et les enfants nous appellent à cet au-delà de soi « Quoi de plus vulnérable que le nouveau-né, écrit Hanz Jonas, dont la simple respiration adresse un "on doit" irréfutable à l’entourage, à savoir qu’on s’occupe de lui » (1992, p. 180). La fragilité de l’autre, le prochain qui peut être plus fragile là où je suis plus fort, ou l’inverse, induit le devoir de s’occuper d’autrui, le souci de l’autre. Elle intime la solidarité ; c’est parce que nous ne sommes pas tout-puissants que nous avons besoin les uns des autres.  Nos forces et nos faiblesses ne sont pas toutes les mêmes. Nous réagissons différemment aux événements que nous vivons. Projeter son propre modèle sur les autres, est aussi une forme de violence. Si l’autre est autre, il ne réagit pas comme moi ; si je ne suis pas capable de l’imaginer, je ne fais que m’aimer moi-même en l’autre ; l’autre devient alors une image caricaturée, un miroir dans lequel, narcissique, je m’admire plutôt qu’une perspective qui me remet en question.

Le modèle de la fragilité est souvent celui de l’enfant ou du nourrisson. Il n’est pas étonnant alors que Dieu prenne sa force chez les nourrissons, comme le dit le Psaume 8, 3 : מִפִּי עוֹלְלִים, וְיֹנְקִים-- יִסַּדְתָּ-עֹז, mipi ‘ollelim veyonekim yssadeta ‘oz « par la bouche des enfants et des nourrissons tu as fondé ta force. » Quelle manière merveilleuse de nous dire que dans le balbutiement, le babillage, l’apprentissage de la vie, dans ce qui vient de naître et de venir au monde, dans les cris de joie et les larmes, on trouve la force du divin, du dépassement, du merveilleux, dans sa vulnérabilité aussi.

L’extraordinaire éducateur pédagogue Yanucz Korciak, nous dit de saluer l’émotion de l’enfant, ne jamais se moquer, ne jamais profiter de nos centimètres supplémentaires ou de notre suffisance pour surplomber ces petits êtres. « L'enfant mérite que l'on respecte ses peines, même si leur cause n'est que la perte d'un caillou. » Le caillou doit être essentiel à nos yeux aussi. Sa peine est grande et mérite notre compassion entière.

La représentation de Dieu, s’il en est, n’échappe pas non plus à cette fragilité. D’abord dans les regrets exprimés lors de la création du monde lorsque l’être humain se comporte mal. Et même dans le fait que Dieu créé l’être humain parce que Dieu se sent seul. De la solitude de Dieu que l’être humain vient combler ; comment comprendre que Dieu ne se suffise pas à lui-même ? Parce que Dieu est en quête de l’être humain, comme le dit si bien Abraham Heschel. Les deux partenaires improbables, insensés et dépendants l’un de l’autre, peuvent ainsi commencer une conversation retranscrite en partie dans la Torah mais aussi dans nos livres de prières et plus encore dans nos cœurs. Ils peuvent commencer des fragments de dialogue amoureux.

La fragilité n’est-elle aussi pas le point de départ nécessaire à la remise en question ? Même Dieu se remet en question et c’est certain, l’être humain n’a cessé de remettre Dieu en question. Mais nous-mêmes, si nous ne sommes pas prêts à reconnaître nos failles, notre fragilité, que faisons-nous ? Loin de toute idée de performance, d’efficacité, de productivité, nous nous tenons debout en caressant tous les possibles. Les brisures, loin d’être des condamnations sont des lignes d’écriture que nous pouvons lire et relire pour mieux s’appuyer sur elles et en faire des lignes de force. Les montagnes sont des accidents qui nous éveillent à la beauté, à l’émerveillement, nos rides racontent des histoires, de nos âmes froissées peuvent sortir des oiseaux qui renaissent comme les bourgeons du printemps après un rude hiver.

Nous pouvons être fiers de nos blessures si nous les lisons plutôt que de les couvrir, elles sont autant d’apprentissage, comme les perles qui se forment à partir d’impureté, s’en se complaire dans un enfermement de tristesse, sans s’y abimer, sans pleurer sur notre sort mais en laissant les larmes couler pour qu’elles se transforment en joie.https://oratoiredulouvre.fr/ora1811/dashboard

La שְׁכִינָה, shekhina, « la Présence Divine » pleure aussi quand elle voit que ses créatures s’abiment et s’entretuent, laissant cours à la violence et à la destruction. Les larmes divines rencontrent les larmes humaines et ensemble les flots s’unissent et se mêlent pour constituer la rosée nécessaire à la vie. Car notre idéal, l’image de Dieu en nous, n’est pas celle de l’indifférence ni de la toute-puissance. Être fort, ce n’est pas retenir nos larmes, c’est assumer notre vulnérabilité, notre capacité de créer, d’aller vers l’autre et d’aimer. Et ainsi tout en goûtant ces perles de rosée qui nous soulagent, nous pouvons nous dire hizkou veimtsou, non pas soyons « forts et courageux », mais que la faiblesse et la vulnérabilité constituent notre humanité !

Rabbin Pauline Bebe

Orgue 

Psaume : Le Psautier français n°23 « Dieu, mon berger, me conduit et me garde », Strophes 1 à 3 [cliquer ici]

Annonces et Collecte
Orgue

Prière d’intercession

Notre Père
Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ; pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal, car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire, aux siècles des siècles. Amen.

Bénédiction

Répons : « Confie à Dieu ta route » (L&P n°309, str.5) [cliquer ici]

Orgue - Sortie

Paroles des chants du dimanche 21 mai 2023

Psaume : Le Psautier français n° 92 « Oh ! que c'est chose belle », strophes 1 à 4.

[Pour écouter, cliquer ici]

1 - Oh ! que c'est chose belle
De te louer, Seigneur,
De chanter ta splendeur
Au milieu des fidèles ;
Quand le jour vient à naître,
D'annoncer ta bonté,
Et ta fidélité
Quand la nuit va paraître.

2 - Tes œuvres surprenantes
Ont réjoui mon cœur,
Et je dirai, Seigneur,
Leur sagesse étonnante.
Tes pensées sont profondes ;
Plus il les étudie,
Plus l'homme est interdit :
Ta main garde le monde.

3 - Si les méchants fleurissent
Comme l'ivraie des champs,
Et si des arrogants
Les projets réussissent,
C'est pour qu'ils disparaissent
Par la mort emportés
Et que soient dévoilés
Les plans de ta sagesse.
 
4 - Tu oins d'une huile fraîche
Le front de ton enfant ;
On le voit rayonnant,
Vigoureux comme un cèdre.
Sa gloire et sa richesse
Sont d'orner ta maison ;
Tes fruits, chaque saison,
Combleront sa vieillesse.

Psaume : Le Psautier français n°23 « Dieu, mon berger, me conduit et me garde », Strophes 1 à 3

Strophe 1
Dieu mon berger me conduit et me garde,
J’entends sa voix et vers lui je regarde ;
Il me fait paitre en de verts pâturages,
Au long des eaux sous la paix des ombrages ;
Et pour qu’en moi son amour s’accomplisse,
Il me conduit aux sentiers de justice.

Strophe 2
Quand il faudra marcher dans la nuit sombre,
Quand de la mort je traverserai l’ombre,
Je n’aurai  point de peur en ma détresse
Car tu te tiens auprès de moi sans cesse ;
Même au travers de la vallée obscure
C‘est ton bâton mon Dieu qui me rassure.



Strophe 3
Tu viens dresser la table de la fête,
L’huile odorante a parfumé ma tête,
Un vin de joie en ma coupe déborde,
Nul n’ôtera ces biens que tu m’accordes.
Accompagné chaque jour,  d’heure en heure
Dans ta maison je ferai ma demeure.

Paroles des répons du temps de l'Église

Après la salutation
Répons : « Bénissons Dieu le seul Seigneur » (Ps. 134, str.1)

Bénissons Dieu le seul Seigneur,
Nous qu’il choisit pour serviteurs.
Levons nos mains dans sa maison,
Pour bénir et louer son nom.

Après la volonté de Dieu
Répons : « Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute » (L&P n°193, str.1)

Parle, parle Seigneur, ton serviteur écoute :
Je dis ton serviteur, car enfin je le suis.
Je le suis, je veux l’être, et marcher dans ta route,
Et les jours et les nuits.

Après la prière de repentance
Répons : « J’aime mon Dieu, car il entend ma voix ». (Ps. 116, str.1)

J’aime mon Dieu car il entend ma voix,
Quand la frayeur ou le tourment m’oppresse,
Quand j’ai prié au jour de ma détresse,
Dans sa bonté, il s’est tourné vers moi.

Après l’annonce de la grâce
Répons « Combien grande est ta gloire » (Ps 92 selon L&P n° 38 str.2)

Combien grande est ta gloire, en tout ce que tu fais, 
Et combien tes hauts faits sont dignes de mémoire !
Tes œuvres sans pareilles  ont réjoui mon cœur,
Je veux chanter, Seigneur, tes divines merveilles !

Après la confession de foi 
Répons : « Grand Dieu, nous te bénissons » (L&P n°69, str.1)

Grand Dieu, nous te bénissons, nous célébrons tes louanges,
Éternel, nous t’exaltons, de concert avec les anges,
Et prosternés devant toi, nous t’adorons, ô grand Roi !
Et prosternés devant toi, nous t’adorons, ô grand Roi !

Après la bénédiction 
Répons : « Confie à Dieu ta route » (L&P n°309, str.5)

Bénis ô Dieu nos routes, nous les suivrons heureux,
Car toi qui nous écoutes, tu les sais, tu les veux.
Chemins riants ou sombres, j’y marche par la foi,
Même au travers des ombres, ils conduisent à toi.

Lecture de la Bible

Deutéronome, chapitre 31, versets 1 à 8. Traduction Jacques Kohn.

וַיֵּלֶךְ, מֹשֶׁה; וַיְדַבֵּר אֶת-הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה, אֶל-כָּל-יִשְׂרָאֵל. וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם, בֶּן-מֵאָה וְעֶשְׂרִים שָׁנָה אָנֹכִי הַיּוֹם--לֹא-אוּכַל עוֹד, לָצֵאת וְלָבוֹא; וַיהוָה אָמַר אֵלַי, לֹא תַעֲבֹר אֶת-הַיַּרְדֵּן הַזֶּה. יְהוָה אֱלֹהֶיךָ הוּא עֹבֵר לְפָנֶיךָ, הוּא-יַשְׁמִיד אֶת-הַגּוֹיִם הָאֵלֶּה מִלְּפָנֶיךָ--וִירִשְׁתָּם; יְהוֹשֻׁעַ, הוּא עֹבֵר לְפָנֶיךָ, כַּאֲשֶׁר, דִּבֶּר יְהוָה. וְעָשָׂה יְהוָה, לָהֶם, כַּאֲשֶׁר עָשָׂה לְסִיחוֹן וּלְעוֹג מַלְכֵי הָאֱמֹרִי, וּלְאַרְצָם--אֲשֶׁר הִשְׁמִיד, אֹתָם. וּנְתָנָם יְהוָה, לִפְנֵיכֶם; וַעֲשִׂיתֶם לָהֶם--כְּכָל-הַמִּצְוָה, אֲשֶׁר צִוִּיתִי אֶתְכֶם. ו חִזְקוּ וְאִמְצוּ, אַל-תִּירְאוּ וְאַל-תַּעַרְצוּ מִפְּנֵיהֶם: כִּי יְהוָה אֱלֹהֶיךָ, הוּא הַהֹלֵךְ עִמָּךְ--לֹא יַרְפְּךָ, וְלֹא יַעַזְבֶךָּ. {ס} וַיִּקְרָא מֹשֶׁה לִיהוֹשֻׁעַ, וַיֹּאמֶר אֵלָיו לְעֵינֵי כָל-יִשְׂרָאֵל חֲזַק וֶאֱמָץ--כִּי אַתָּה תָּבוֹא אֶת-הָעָם הַזֶּה, אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר נִשְׁבַּע יְהוָה לַאֲבֹתָם לָתֵת לָהֶם; וְאַתָּה, תַּנְחִילֶנָּה אוֹתָם. וַיהוָה הוּא הַהֹלֵךְ לְפָנֶיךָ, הוּא יִהְיֶה עִמָּךְ--לֹא יַרְפְּךָ, וְלֹא יַעַזְבֶךָּ; לֹא תִירָא, וְלֹא תֵחָת.


Moïse alla ensuite adresser les paroles suivantes à tout Israël, leur disant : « J'ai cent vingt ans aujourd'hui, je ne peux plus vous servir de guide ; d'ailleurs, l'Éternel m'a dit : "Tu ne traverseras pas ce Jourdain." L'Éternel, ton Dieu, marche lui-même devant toi ; c'est lui qui anéantira ces peuples devant toi pour que tu les dépossèdes. Josué sera ton guide, comme l'Éternel l'a déclaré. Et le Seigneur les traitera comme il a traité Sihôn et Og, rois des Amorréens, et leur pays, qu'il a condamné à la ruine. Il mettra ces peuples à votre merci ; et vous procéderez à leur égard, en tout, selon l'ordre que je vous ai donné. Soyez forts et vaillants ! Ne vous laissez effrayer ni intimider par eux ! Car l'Éternel, ton Dieu, marche lui-même avec toi ; il ne te laissera pas succomber, il ne t'abandonnera point ! » Alors Moïse appela Josué, et lui dit en présence de tout Israël : « Sois fort et vaillant ! Car c'est toi qui entreras avec ce peuple dans le pays que l'Éternel a juré à leurs pères de leur donner, et c'est toi qui leur en feras le partage. L'Éternel lui-même marchera devant toi, lui-même sera à tes côtés, il ne te laissera fléchir ni ne t'abandonnera : sois donc sans peur et sans faiblesse ! »

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