Hommage à l'Oratoire du Louvre de la Fondation Raoul Wallenberg - 27 septembre 2016


Inauguration de la plaque « Maison de Vie » offerte par la Fondation Internationale Raoul Wallenberg à l’Oratoire du Louvre, le 27 septembre 2016, devant le n°1 rue de l’Oratoire. En reconnaissance de l’action de notre église en faveur d’enfants juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Intervention de M. Alexis Bulgari, représentant la Fondation Raoul Wallenberg

Mme Judith Pisar, Mme Leah Pisar, M. Isaac Revah, survivant de la Shoah ; M. Philippe Braunstein, M. le Président André Ducros, M. le Pasteur Marc Pernot, Membres de la Congrégation de l’Oratoire du Louvre, Mesdames, Messieurs, Chères Amies, Chers Amis :

Je vous prie d’accepter les vœux de Paix, de Santé et de Bonheur que vous adresse la Fondation Raoul Wallenberg, que j’ai l’honneur de représenter en ce lieu et jour. Il s’agit d’une ONG éducative ayant des bureaux et des correspondants à New York, Buenos Aires, Berlin, Jérusalem, Londres et Rio de Janeiro. Elle est présidée par l’homme d’affaires argentin-arménien Eduardo Eurnekian. Son créateur est M. Baruch Tenembaum, qui a fait partie, en 2009, des candidats au Prix Nobel pour la Paix, candidature qui voulait rendre hommage à ses efforts incessants en vue du Dialogue Interreligieux.
Plus de 300 chefs d’État, et des personnalités des sciences et de la culture, lauréates du prix Nobel, soutiennent notre Fondation. Le Secrétaire Général des Nations-Unies, Ban Ki-Moon, et Jorge Mario Bergoglio, le pape François, comptent parmi ses premiers membres.

Je me permets de rappeler ici brièvement qui fut Raoul Wallenberg : né en 1912, issu d’une prestigieuse famille suédoise de banquiers et d’hommes d’affaires, il fut envoyé à Budapest à l’été 1944 en qualité de diplomate suédois – pays neutre dans le conflit – avec pour mission d’essayer de sauver le plus de Juifs possible de l’extermination nazie. Sur place, il délivra de faux passeports, fit l’acquisition d’immeubles sur lesquels il arbora le drapeau suédois et qu’il remplit de fond en comble avec des réfugiés, accomplit maints gestes héroïques, d’une portée supérieure à tous les accomplissements les plus audacieux d’autres Sauveurs. Il parvint à préserver environ CENT MILLE Juifs de l’holocauste. En 1945, il fut arrêté par l’Armée Rouge qui avait occupé la Hongrie, et ce qui lui arriva ensuite, malgré nos répétées requêtes, n’a pas été rendu public. Même sa date de décès reste incertaine.

Depuis plus de deux décennies, la Fondation Raoul Wallenberg, attentive à la composante pédagogique d’évènements historiques spécifiques, donne des présentations dans le monde entier, notamment dans les écoles, qui mettent en exergue ce que l’on pourrait appeler le «côté lumineux de l’Holocauste». Nous considérons en effet que les exploits de ceux qui ont aidé des êtres humains en détresse, doivent perdurer bien au-delà des témoignages écrits, et se convertir en source d’enseignements pour les générations présentes et futures. La solidarité, et le courage civique, sont les piliers éthiques qui régissent le travail de la Fondation Raoul Wallenberg, non seulement par rapport à ce qui advint à l’époque de l’Holocauste, mais également en recherchant et en rendant hommage à d’autres épisodes similaires du passé et du présent.
Son actuelle bannière est le programme éducatif « MAISONS DE VIE », qui a comme objectif recenser, rendre hommage et diffuser les gestes d’institutions ou d’individus qui aidèrent les persécutés pendant l’Holocauste. Dans cette optique, des plaques libellées « MAISONS DE VIE », marquent les lieux, publics et privés : des couvents, des monastères, des églises, des écoles, même des maisons particulières, où des victimes des Nazis et de leurs alliés purent trouver abri, nourriture, médicaments et Amour fraternel. Plus de 70 ans après la fin du conflit mondial, cette initiative vise à REMERCIER tous ceux qui se trouvèrent en première ligne et risquèrent tout - notamment leur vie – afin d’aider leur prochain, qu’ils voulaient voir comme un être humain, un frère ou une sœur, non pas comme une race inférieure qu’il fallait coûte que coûte exterminer.

Déjà de nombreuses plaques ont été dévoilées auprès d’institutions religieuses en Italie : à Rome, Florence, à Leonessa, à Lastra a Signa ; en Grèce, sur l’île d’Ereikousa. Bientôt, ce sera le tour de lieux en Belgique, Hongrie, Pologne, Danemark. Aujourd'hui, c’est au tour de la France.
Il est essentiel de souligner que la plupart des rescapés furent des enfants et que la grande majorité des MAISONS DE VIE était des institutions catholiques. Ce fait est révélateur car il pourrait rétablir la vérité quant au rôle joué par le Saint-Siège au cours de la Shoah (1933-1945).

Venons-en à ce lieu lumineux qui nous accueille aujourd’hui. En 1933, le Ministre Protestant Paul Vergara devient pasteur de cet Oratoire. Résistant, pendant l’occupation, avec son épouse Marcelle, il a œuvré sans relâche pour sauver des Juifs.
Le 12 février 1943, en particulier, le pasteur et son assistante Marcelle Guillemot (à ne pas confondre avec son épouse du même nom) distribuèrent une circulaire aux membres de la Congrégation, demandant à chacun des membres, de se présenter le lendemain aux bureaux de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France, un organisme fondé par le gouvernement sous l’occupation, en 1941) pour faire sortir un enfant Juif pour une journée. Il faut savoir que les parents de ces enfants avaient déjà été déportés, et que ces enfants avaient été placés par la Gestapo dans des maisons de l’UGIF en attente de leur propre, inévitable déportation.
L’opération fut bien préparée, et SOIXANTE-TROIS jeunes Juifs de 3 à18 ans ne retournèrent jamais à l’UGIF. Ils furent emmenés au centre communautaire « La Clairière », aujourd’hui halte-garderie, toujours située 60 rue Greneta dans le deuxième arrondissement, mais également ici, dans ce lieu saint, à l’Oratoire du Louvre, puis cachés auprès de familles de volontaires de la Congrégation.
Quand la Gestapo découvrit le subterfuge, elle dépêcha plusieurs agents au centre communautaire, mais ils trouvèrent les lieux vides. Les Vergara durent se réfugier dans la clandestinité.
Outre ces 63 enfants, le couple Vergara sauva aussi une dizaine d’autres personnes, membres des familles Jaskiel et Waxberg. Un appartement dans le 18è arrondissement fut notamment loué à cet effet, où les Waxberg, parents et deux enfants, munis de faux papiers, vécurent sans être inquiétés jusqu’à la fin de la guerre.
En 1988, Paul et Marcelle Vergara ont été déclarés « JUSTES PARMI LES NATIONS » au Mémorial du Yad Vashem à Jérusalem. Marcelle Guillemot l’a été l’année suivante, en 1989. Il s’agit là de la plus haute distinction honorifique délivrée par l’Etat d’Israël à des civils. Afin de la mériter, il faut : ne pas être Juif ; avoir sauvé au moins un Juif de l’Holocauste ; ne pas avoir accepté de récompense ou compensation matérielle et avoir placé sa propre vie en danger, l’assistance aux Juifs étant considérée un crime par les nazis.

En France, près de 4.000 personnes ont été formellement identifiées comme « Justes », mais leur nombre est incontestablement supérieur, car de nombreux Sauveurs voulurent rester dans l’anonymat.
Dans la crypte du Panthéon, on peut aujourd’hui lire l’inscription suivante : « Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Nommés « Justes parmi les Nations » ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites et des camps d’extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d’humanité ». (Hommage de la Nation aux Justes de France).
Que le courage, la foi et la détermination de Paul Vergara, de Marcelle Vergara et de Marcelle Guillemot soient honorés à jamais ! Qu’il en soit ainsi ! Nous tenons à remercier le pasteur Marc Pernot, et le Président du Conseil presbytéral de l'Oratoire du Louvre, André Ducros, qui ont accepté de recevoir la plaque commémorative «MAISON DE VIE» que nous allons dévoiler dans quelques instants.

Alexis Bulgari

 

Intervention de M. Philippe Braunstein, historien

Aurions-nous été résistants ? Le serions-nous, si la situation l'imposait, comme l'ont été ceux que nous allons évoquer ? Pasteurs de l'Oratoire du Louvre, paroissiens connus ou anonymes, c'est par eux et dans ces lieux qu'ont été conçus et pratiqués des actes de résistance à l'oppression :
· résistance spirituelle par la prédication continue entre 1940 et 1944
· résistance civique par une attitude confessante, face à l'humiliation de la défaite et à ses conséquences, la collaboration avec l'occupant et la persécution des Juifs en France
· résistance politique, par des actions clandestines, qui ont fait de la Clairière, centre social des Halles, créé par l'Oratoire du Louvre, un des sièges secrets du Conseil National de la Résistance.

Engagements payés cher, parfois jusqu'à la mort : le pasteur Vergara plonge dans la clandestinité en 1943, son épouse est incarcérée, leur fils de 17 ans est déporté à Buchenwald, leur gendre est mort à Mathausen en 1944 ; Suzanne Spaak, qui avait imaginé le sauvetage des enfants juifs à la Clairière est fusillée par les Allemands en août 1944.

Comme l'ensemble des Français, les protestants parisiens étaient divisés; mais depuis 1936 et les Conférences de l'Oratoire, le temple était devenu un lieu d'appel à la vigilance morale et républicaine et les pasteurs Bertrand et Vergara ne cessaient de prêcher pour une défense spirituelle de la démocratie. En 1940, leur détermination fut totale; elle s'est exprimée par des textes, qui furent publiés, par des lettres officielles, et par des prédications qui leur ont permis, du haut de la chaire, face à une assistance qui comptait des Allemands, d'exprimer des appels à la résistance sur le thème : « opposer à la violence les armes de l'esprit » ou « mieux vaudrait une France morte que vendue ».
Le 16 juin 1940, premier culte dans Paris occupé depuis l'avant-veille. Le pasteur Bertrand donne pour consigne à l'organiste titulaire, Marie-Louise Girod, si des troupes allemandes défilaient rue de Rivoli avec musique militaire, de jouer le Psaume 68, dit le « psaume des batailles », qui avait été cher aux Camisards au XVIIème siècle : « Vous tirerez tous les jeux et remplirez le temple d'un tel vacarme que personne n'entende rien ».

Le 10 juillet, jour où sont votés les pleins pouvoirs au maréchal, le pasteur Bertrand écrit : « le mal n'est pas d'être vaincu, le mal est de perdre son âme »
Le dimanche 14 juillet 1940, en chaire, le pasteur Bertrand parle longuement de la France et déclare : « Il y a des silences qui sont à la fois des lâchetés et des mensonges. Il ne saurait y avoir place pour de tels silences dans la chaire de Jésus Christ ».
Le 16 mars 1941, le pasteur Vergara prêche sur le thème de la constance de Job, un véritable manifeste politique : Job, d'abord assommé par la douleur de l'épreuve, se réveille et argumente violemment contre ceux qui le plaignent en légitimant son malheur .

Vergara fustige ceux qui appellent les chrétiens à tout accueillir les mains jointes, comme si la violation du droit devait être acceptée avec humilité et patience : inutile d'objecter le texte de Saint Paul sur la soumission aux pouvoirs établis : « car il n' y a pas à se soumettre au législateur lorsqu'il est le ministre du démon pour notre perte » ; inutile de se référer à la fameuse phrase du Christ : « rendez à César ce qui est à César », « car il y a des biens que nous n'avons pas à rendre à César, parce qu'ils ne lui ont jamais appartenu ».

Dans son rapport d'activité lu le 30 mars 1941, le pasteur Bertrand fixe les devoirs d'une église chrétienne. « L'Eglise doit tenir son mot d'ordre de Dieu seul ; si elle dévie de ce principe, elle est esclave des hommes... C'est ce que les prophètes d'Israël auraient appelé son « adultère » ; certes, « Le christianisme n'a pas de patrie; mais le chrétien en a une... et des devoirs sacrés envers le peuple dans lequel Dieu l'a fait naître... Il n'y a pas de contradiction entre ces deux exigences de la vie chrétienne, car le devoir de l'Église envers l'âme nationale, c'est de la rendre capable de résister aux entraînements d'une démagogie haineuse ou égoïste... »

L'année suivante, lorsque tous les juifs âgés de 6 ans et plus sont astreint à porter une étoile jaune à partir du 7 juin 1942, le pasteur Bertrand, vice-président de la Fédération protestante de France, rédige une lettre que le président Boegner lit et remet au chef de l'État, seule protestation connue d'une Eglise contre le port de l'étoile jaune, atteinte à la dignité des personnes.
Et le 7 juin qui est un dimanche, Bertrand prêche sur la première épitre de Pierre : « Si quelqu'un parle, que ce soit comme il convient à la parole de Dieu » : « Depuis ce matin, nos compatriotes israélites sont assujettis à une législation qui froisse dans leur personne et dans celle de leurs enfants les principes les plus élémentaires de la dignité humaine... Nos paroles sont pratiquement inopérantes ? Nous ne le savons que trop... L'Eglise de Jésus Christ ne saurait se laisser guider par des considérations subalternes ; il y a des choses qui doivent être dites, elle les dit. Il y va de quelque chose de plus que son honneur, il y va de l'honneur de Dieu ».

Puis la protestation est adressée à l'ensemble des pasteurs et par conséquent à l'ensemble des fidèles de France ; elle devient collective, publique et nationale : « Tous les hommes sont, par droit de naissance, enfants de Dieu et les races sont toutes l'objet de la même sollicitude de Dieu. Le péché de l'homme se manifeste en orgueil de race, en haine de race, en persécutions et en exploitations d'autres races. L'Eglise est appelée par Dieu à s'exprimer sur ce sujet sans équivoque ».

Puis c'est la rafle du Vel' d'Hiv', les 16 et 17 juillet 1942 : le pasteur Bertrand prend sur lui d'écrire au délégué général du gouvernement de Vichy auprès des autorités d'occupation : « Une Eglise chrétienne manquerait à sa vocation si elle laissait semer des germes de haine sans élever la voix au nom de Celui qui a donné sa vie pour abattre toute séparation entre les hommes » ; il déclare porter seul la pleine responsabilité de cette lettre devant l'Église comme devant les autorités.

Désormais d'autres formes d'intervention ont pris corps ; elles exigent silence et clandestinité. Les pasteurs de l'Oratoire appellent les chrétiens à porter la souffrance des autres, sans dire « A chacun suffit sa peine » et les engagements pris par nombre d'anonymes attestent la puissance de l'exemple donné par la parole et les actes des pasteurs en temps de guerre.

Philippe Braunstein


Intervention de M. Marc Pernot, pasteur à l’Oratoire du Louvre

Merci à chacun de vous de vous être rendu disponible pour ce temps de mémoire.
Merci à la Ville de Paris et à ses services d’avoir autorisé la pose de cette plaque.
Merci à Philippe Braustein pour cette évocation des pasteurs de l’Oratoire.
Mais surtout, cher Monsieur Alexis Bulgari, merci pour vos paroles, merci pour votre présence.
Et à travers vous, l’Église protestante de l’Oratoire du Louvre remercie avec émotion la Fondation Raoul Wallenberg que vous représentez.

C’est un peu confus que nous avons reçu cette distinction.
En effet, Raoul Wallenberg est une immense figure, un faiseur de miracles pour sauver un nombre incalculable de personnes.
Comment est ce que l’église de l’Oratoire du Louvre pourrait être reconnue comme digne d’être associée à ce nom de Wallenberg ?
Mais peut-être est-ce une bonne idée néanmoins.
Justement parce qu’un héros comme Wallenberg est trop hors de notre portée pour nous identifier à lui. Alors que ces personnes de l’Oratoire qui ont donné un coup de main étaient des personnes normales qui se sont senties concernées. Et que ces exemples là peuvent servir de miroir pour nous mêmes et nous encourager à des gestes qui sont à notre portée, aujourd’hui.
Je ne rappellerai même pas l’épisode du 16 février 43 où le pasteur Paul Vergara et la directrice de le Clairière Marcelle Guillemot organisèrent l’évasion de quelques dizaines d’enfants juifs dont les parents avaient déjà été capturés. Même cela nous semble difficile à imiter. Ils ont reçu pour cela le titre de « juste parmi les nations ».

Mais le tire de Maison de vie que décerne ici la fondation Raoul Walenberg est donné collectivement aux anonymes de l’Église de l’Oratoire, à ces familles, à ces personnes individuelles dont nous sommes incapable de donner la liste car elles ont considéré comme normal de participer au sauvetage d’enfants juifs, comme sans aucun mérite, considérant que c’était ne pas le faire qui aurait été anormal, inhumain.

Je connais une des ces familles qui ont recueilli de ces enfants. Et je peux vous dire que c’est une famille tout à fait normale puisque c’est ma famille, et c’est en toute modestie que je le dis, car je ne n’y suis pour rien, évidemment, étant né 15 ans plus tard, et qu’il y a plein de familles comme cela à l’Oratoire. Et qu’elles ne s’en sont pas vanté, ni caché.
Mes grands parents se sont donc vus confier par les pasteurs de l’Oratoire des enfants à plusieurs reprises. Pas seulement le 16 février 1943 mais pendant plusieurs mois, presque un an. Parfois un seul, parfois une fratrie entière, pour quelques jours à chaque fois le temps de leur trouver une façon de les faire sortir de Paris et de les mettre à l’abri quelque part.
Des enfants de tous les âges, tantôt un peu grands, tantôt des nourrissons qui pleuraient tout le temps, ce qui rendait l’opération plus risquée. Car le concierge était un peu collabo et antisémite, et dans ces immeubles parisiens ont entend tout ce qui se passe d’un étage à l’autre, et qui connaît réellement ses voisins ?

Il fallait donc garder les enfants à la maison, discrètement. Car chaque passage dans l’escalier, devant la loge ou dans la rue était un risque pour tous. Mes grands parents ont fait une seule exception à cette règle de prudence pour aller au culte de Pâques ici, le 25 avril 1943. Ils sont sortis avec leurs propres enfants et la petite de 7 ans qui leur était confiée à ce moment là. Elle a été fort impressionnée par le pasteur dont juste le haut du corps apparaissait dans la chaire de l’Oratoire, avec cette voix forte que devaient avoir l’orateur à cette époque où il n’y avait pas de sono, et la petite racontait par la suite « je l’ai vu le bon Dieu, il n’a pas de pieds et il agite les mains ».
Cette petite devenue grande est repassée dans les années 80 avec se propre fille pour rendre visite à ma grand mère.
Un autre de ces enfants est passé aussi, après guerre, pour remercier.
Nous ne connaissons pas leurs noms.
Sans doute un parmi tous ces enfants a essayé de faire donner la médaille des justes à mes grands parents, mais il fallait remplir des papiers pour la recevoir... et mon père a jeté ces papiers sans les remplir en disant qu’ils n’avaient pas fait cela pour recevoir un prix.

Voilà l’histoire d’une famille de l’Oratoire tout ordinaire, ni plus pieuse ni plus dévouées, ni plus courageuse que les autres, et cela ne nous appelle pas à la fierté, puisque nous n’y sommes pour rien et que ces familles elles mêmes considéraient leur geste comme normal.
Mais cette normalité même nous renvoie bien évidemment à notre vie quotidienne, pour avoir un regard modeste mais néanmoins prophétiques, et faire simplement ce que nous pouvons, à notre mesure.

Monsieur Alexis Bulgari, merci donc à la Fondation Raoul Wallenberg de distinguer ces familles anonymes de l’Oratoire du Louvre.

Il y a bien des sources d’inspiration qui ont motivé ces héros que votre fondation nous permet de découvrir.
Un peu d’humanité suffit.
Un peu d’idéal peut aider.
Ces familles de l’Oratoire étaient aussi aidées par leur foi, et par leur recherche d’interpréter la Bible comme nous concernant directement, nourrissant un sentiment de libre responsabilité.
Par exemple ce Psaume de la Bible, vieux de 3000 ans qui appelle à lever son regard, et à se laisser inspirer par Dieu des actes de solidarité :

Psaume 121, Psaume des montées.

1 Je lève mes yeux vers les montagnes...
   D'où le secours me viendra t-il ?

2 Le secours me vient de l'Éternel,
   Qui fait les cieux et la terre.

3 Il ne permettra pas que ton pied chancelle,
   Celui qui veille sur toi ne sommeille pas,

4 Voici, il ne sommeille ni ne dort,
   Celui qui veille sur Israël (celui qui veille sur ses enfants).

5 L'Éternel est celui qui veille sur toi,
   L'Éternel est ton ombre à ta main droite.

6 Pendant le jour le soleil ne te frappera pas    
   Ni la lune pendant la nuit.

7 L'Éternel te garde de tout mal,
   Il garde ton être,

8 L'Éternel garde ton départ et ton arrivée,
   Dès maintenant et pour toujours.

Bien entendu, ce projet ne se réalisera pas sans la participation de chacun.

Pasteur Marc Pernot


Voir aussi la prédication du dimanche 2 octobre 2016 « L’Éternel est avec toi, vaillant héros » (L’histoire de Gédéon, Juges 6)