Exposition sur la vie et l'œuvre d'Albert Schweitzer

Exposition sur la vie et l'œuvre d'Albert Schweitzer samedi 15 et dimanche 16 septembre 10h à 18h,
pour les journées du patrimoine à l'Oratoire du Louvre
145 rue Saint honoré Paris 1er

Voici les textes de l'exposition qui étaient illustrés de documents venant de la Maison d'Albert Schweitzer à Gunsbach

1) La vie d'Albert Schweitzer

1875 Le 14 janvier : naissance d’Albert Schweitzer à Kaysersberg en Alsace, alors sous la domination allemande. Sa famille s’installe Gunsbach, où le père d'Albert est nommé pasteur; il y exercera son ministère pendant cinquante ans, jusqu'à sa mort.

1891 Premier concert public dans l'église Saint-Étienne de Mulhouse : tient l'orgue pour le Requiem de Brahms; direction Eugène Munch.

1893 Prend des leçons d'orgue à Paris avec Charles-Marie Widor, organiste de l'église Saint-Sulpice. Entre à l'université de Strasbourg : facultés de théologie et de philosophie. Sa thèse en philosophie porte sur « La philosophie de la religion chez Kant », et en théologie sur « L’Histoire de la dernière Cène dans ses rapports avec la vie de Jésus et l'histoire du christianisme primitif »<

1902 Enseignant à la faculté de théologie de Strasbourg, après y avoir été pasteur.

1905. Annonce à ses proches qu'il a décidé de devenir médecin en Afrique. Commence ses études de médecine (1905-1913). Membre très actif de la «Société J.-S. Bach » à Paris, il donne de nombreux concerts d'orgue en France et à l’étranger.

1912 Épouse Hélène Bresslau, infirmière.

1913 Doctorat en Médecine. Départ de Gunsbach pour Lambaréné au Gabon et construction de l'hôpital.

1915 Découverte de la maxime du respect de la vie, alors qu'il effectue un voyage sur le fleuve Ogooué.

1917-1924 : Rapatrié avec sa femme et interné dans des camps en tant qu’Allemand, il est libéré grâce à l’intervention de l’organiste Widor. Malade suite à cet internement, il travaille comme médecin à Strasbourg, pasteur à l'église Saint-Nicolas puis à Gunsbach avec son père, conférencier et concertiste international. Il peut alors s'acquitter des dettes contractées pour son hôpital et envisager le retour à Lambaréné.

1924 Reconstruction puis agrandissement de son hôpital à Lambaréné, séjours entrecoupé de tournées de concerts et de conférences en Europe.

1952 Communication à l'Académie des Sciences morales et politiques à Paris : «Le problème de l'éthique dans l'évolution de la pensée humaine. »<

1953 Prix Nobel de la Paix (pour 1952)

1957 communications nombreuses sur « le problème de la bombe atomique ». Mort de sa femme.

1965 meurt à Lambaréné le 4 septembre<

Principaux thèmes des livres écrits par Albert Schweitzer (plus de 60) :

Philosophie et littérature (Kant, Goethe, Decay et la philosophie de la civilisation)

Études religieuses (vie de Jésus, étude psychiatrique de Jésus, la mystique de l’apôtre Paul)

Mémoires (sur son professeur de musique, sur son enfance, sur Lambaréné)

Jean Sébastien Bach et l’orgue

Histoires africaines

Les penseurs de l’Inde

Paix ou guerre atomique

2) Albert Schweitzer : Le pasteur-Le prédicateur-Le philosophe

Albert Schweitzer fut pasteur, prédicateur, philosophe, organiste, médecin. Parmi toutes ses activités le pastorat et la prédication furent le moteur de sa vie, sa vocation fondamentale.

« Pour moi, la prédication était un besoin inné »
Albert Schweitzer trouvait « merveilleux de pouvoir parler à une assemblée, tous les dimanches, des grands problèmes que pose à nous tous notre existence. » Il disait encore « j’éprouvais une grande joie à prêcher. »

« Mais le pasteur qui leur prêche l’Evangile doit s’expliquer à lui-même le sens original des paroles de Jésus, afin de s’élever à travers la vérité historique jusqu’à la vérité éternelle. »

Ma vie et ma pensée

« Cet effort stimulant de l’action »
« Que vaudrait un homme qui n’agit pas, qui n’utilise pas ses dons et ses forces et toutes ses possibilités pour apporter son aide là où les hommes en ont besoin ? Le sursaut de joie que nous éprouvons après une bonne action, où nous avons tout mis en œuvre pour nous rendre efficaces, est une source de vie indispensable à notre âme. Sans ces moments où l’homme, grâce à l’action, sent qu’il est intégré à l’univers spirituel, son âme dépérirait. Beaucoup sombrent dans le marasme de l’indifférence, tout simplement parce qu’il leur a manqué au départ cet effort stimulant de l’action. Mais quant à vous, n’oubliez pas que, dès maintenant, vous devrez garder les yeux ouverts pour devenir les hommes d’actions de demain dans le Royaume de Dieu. »

Vivre

«  Nous avons la certitude que le monde ne peut nous amener à la connaissance de Dieu, qui est personnalité morale. Nous regardons en face la terrible énigme que le monde représente pour nous et nous luttons pour ne point douter de Dieu. Nous osons avouer que les forces agissant dans le monde sont à bien des égards fort différentes de celles que nous attendrions de la part d'un Créateur bon et parfait. Nous osons avouer que maints aspects de la nature et de nous-mêmes s'imposent à nous comme quelque chose de mauvais. »

A. Schweitzer, Les religions mondiales et le christianisme

3) Albert Schweitzer musicien, organiste

La musique, en particulier celle de Bach, fut une des grandes passions d’Albert Schweitzer, avant de devenir aussi une source de financement pour l’hôpital de Lambaréné

« Les heures que j’ai passées à la tribune d’orgue, comptent parmi les plus belles de ma vie »
« C’est en octobre 1893 que je suis pour la première fois monté à la tribune de Saint-Sulpice pour entendre Charles Marie Widor, dont j’étais devenu l’élève, jouer sur l’orgue admirable de cette église. Les heures que dans la suite, au cours d’une longue série d’années, j’ai passées sur cette tribune, comptent parmi les plus belles de ma vie. »

A. Schweitzer, Lettre à Marcel Dupré

« J'ai passé bien des nuits sur des projets d'orgues qu'on m'avait demandé d'examiner ou de modifier. J'ai entrepris bien des voyages pour étudier sur place s'il fallait restaurer des orgues anciennes ou les remplacer par des neuves. J'ai écrit des centaines de lettres, à des évêques, des doyens, des présidents de conseil, des maires, des pasteurs, des facteurs d'orgues et des organistes; tantôt pour les persuader de restaurer un bel orgue ancien, au lieu de le remplacer par un nouveau, tantôt pour les supplier de ne pas penser au nombre de jeux mais à leur qualité… Que de fois toutes ces lettres, tous ces voyages et ces consultations n'ont servi à rien ! »

A. Schweitzer, Ma vie et ma pensée

« Bach, comme tout ce qui est sublime dans la religion, n’appartient pas à l’église mais à l’humanité »
« Pour Bach, la musique est un service divin. Son activité artistique et sa personnalité sont fondées sur sa piété. S’il peut être compris, c’est de ce point de vue seulement. Pour lui, l’art était une forme de religion, et pour cette raison, il n’avait rien à voir avec le monde et les succès mondains. Il se suffisait à lui-même. Pour Bach, la religion est un élément de la définition de l’art en général. À ses yeux, tout grand art, même profane, est religieux dans son essence. Les sons pour lui ne meurent pas, mais montent à Dieu comme des louanges dépassant toute parole. »

A. Schweitzer, Bach, le musicien poète

4) Albert Schweitzer Médecin

Albert Schweitzer était professeur à l’université de Strasbourg, organiste et écrivain : il a tout quitté pour devenir médecin en Afrique équatoriale.

« Cette nouvelle activité consisterait, non à parler de la religion d’amour, mais à la pratiquer »

« J’étais professeur à l’université de Strasbourg, organiste et écrivain : j’ai tout quitté pour devenir médecin en Afrique équatoriale. Pourquoi ? Divers écrits et témoignages oraux de missionnaires m’avaient révélé la misère physique des indigènes de la forêt vierge. »

« Plus j’y réfléchissais, plus j’avais peine à comprendre que nous, Européens, fussions si médiocrement préoccupés de la grande tâche humanitaire qui nous incombe en ces lointains pays. »

« Il me semblait que la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare s’applique fort bien à nous. Le riche, c’est nous. Les progrès de la médecine ont mis à notre disposition un grand nombre de connaissances et de moyens efficaces contre la maladie et la douleur physique ; et les avantages incalculables de cette richesse nous semblent chose toute naturelle. Le pauvre Lazare, c’est l’homme de couleur. Il connaît autant et même plus que nous la maladie et la souffrance, et il n’a aucun moyen de les combattre. Nous agissons comme le mauvais riche, dont l’insouciance vis-à-vis du pauvre assis à sa porte était un péché, parce qu’il ne se mettait pas à la place de son prochain et ne laissait pas parler son cœur. »

A. Schweitzer, À l’orée de la forêt vierge

« Ce que mes amis trouvaient de plus déraisonnable dans mon projet, c’est qu’au lieu de partir pour l’Afrique en qualité de missionnaire, je voulais y aller comme médecin : c’est-à-dire m’imposer à l’âge de trente ans de longues et laborieuses études. Je ne doutais pas un instant que ces études exigeraient de ma part un immense effort, et je contemplais les années à venir avec anxiété. Mais les raisons qui m’avaient déterminé à suivre la voie que je m’étais tracée en qualité de médecin pesaient d’un tel poids dans la balance que les considérations des autres ne comptaient pas. »

« Je voulais devenir médecin pour travailler sans parler. Pendant des années je m’étais dépensé en paroles. J’avais exercé avec joie mon rôle de professeur de théologie et de prédicateur Cependant, cette nouvelle activité consisterait non à parler de la religion d’amour, mais à la pratiquer. »

A. Schweitzer, Ma vie et ma pensée

5) Albert Schweitzer et le colonialisme

Un domaine où Albert Schweitzer a parfois été controversé, taxé de paternalisme. Il a pourtant dénoncé avec une grande vigueur les travers du colonialisme, appelé aux respects des droits de tout homme, participé à faire évoluer les mentalités des Occidentaux vis-à-vis des populations d’Afrique et d’Asie.

« Nous devons recréer l'harmonie pour ces crimes étouffés dans le silence nocturne de la jungle »

« Notre culture divise les gens en deux classes : les hommes civilisés, un titre accordé à ceux qui effectuent le classement ; et les autres, qui ont seulement forme humaine, et qui pourraient périr ou être jetés aux chiens, pour ce que les « hommes civilisés » en ont à faire !… »

« Ah ! la belle civilisation qui sait parler en termes si édifiants de dignité humaine et de droits de l’homme et qui en même temps bafoue et foule aux pieds la dignité humaine et les droits de l’homme chez des millions d’êtres, dont le seul tort est de vivre au-delà des mers, d’avoir une autre couleur de peau et ne pas pouvoir se tirer d’affaire tout seuls. Belle civilisation qui ignore son vide et sa misère, son verbiage et sa grossièreté étalés devant ceux qui traversent les mers et qui voient ses agissements là-bas, quelle autorité a-t-elle pour parler de dignité humaine et de droits de l'homme. »

« Je ne vais pas énumérer tous les crimes perpétrés au nom de la justice. Des gens ont volé les indigènes de leurs terres, en ont fait des esclaves, libérant sur eux la vermine de l'humanité. Pensez aux atrocités commises sur ces populations rendues serviles I ... I et tout ce que nous avons fait... Nous les décimons, puis par un trait de stylo, prenons leurs terres si bien qu'ils n'ont plus rien du tout... »

« Et dorénavant, lorsque vous parlez de missions (chrétiennes), laissez ceci être votre message : Nous devons restaurer l'harmonie pour tous ces crimes lus dans les journaux. Nous devons recréer l'harmonie pour ces crimes, encore pires, à propos desquels nous ne lisons rien dans les magazines, ces crimes étouffés dans le silence nocturne de la jungle...»

A. Schweitzer, Vivre

 6) Albert Schweitzer et la civilisation

Son engagement philosophique va guider ses engagements. Il militera pour l’arrêt du développement des armes nucléaires avec ses amis Albert Einstein et Bertrand Russel. Ces engagements vont lui valoir de recevoir le prix Nobel de la Paix.

« Un tourbillon d'activités »
« Actuellement, nous sommes livrés à des exigences anarchiques d'activité. L'esprit activiste de notre époque ne cesse de nous harceler, sans pour autant nous amener à une vue plus lucide des problèmes concernant le monde et notre propre vie. Sans trêve ni répit, il nous embrigade au service de tel but ou de telle réalisation. Il nous entraîne dans un tourbillon d'activités qui nous accaparent, nous empêchent de nous poser des questions et de nous demander ce que ce prélèvement incessant de sacrifices peut avoir de commun avec le sens à donner au monde et à notre vie. »

A. Schweitzer, La civilisation et l'éthique

« L’esprit est un agent puissant de transformation du monde »
« Nous ne continuerons pas non plus à laisser passer pour éthiques les idéaux de bas étages de la force brutale, du déchaînement des passions, du nationalisme, promulgués par de pitoyables politiciens et maintenus en honneur par une propagande étourdissante. »

« L’esprit est un agent puissant de transformation du monde ; nous l’avons vu à l’œuvre comme esprit du mal, et il a eu cet effet incroyable de nous faire oublier nos aspirations à une culture spirituelle ; il nous a rejetés dans la barbarie. Plaçons maintenant notre espoir dans un pouvoir équivalent et opposé de l’esprit, capable de ramener les individus et les peuples à une mentalité créatrice de civilisation. »

A. Schweitzer, Paix ou guerre atomique

« Amener à nouveau les hommes à devenir des êtres pensants signifie donc leur faire retrouver leur propre pensée, afin qu’ils essaient d’y puiser la connaissance dont ils ont besoin pour vivre. »

« C'est aux individus à prendre plus fortement conscience de la grandeur de leur mission et à remplir de nouveau la fonction qu'ils sont seuls à pouvoir assumer, à savoir mettre sur pied un idéal éthique et spirituel. Si cet appel n'est pas entendu par un grand nombre d'individualités, rien ne pourra nous sauver. »

A. Schweitzer, La civilisation et l'éthique

 7) Albert Schweitzer et le respect de la vie

Schweitzer a raconté comment lui était venue son idée fondamentale de respect de la vie. C'était sur le fleuve Ogooué, dans la lumière du soleil couchant, à la vue d'un troupeau d'hippopotames que le bateau avait dérangés et dispersés. « Soudain, sans que je l'aie pressentie ou cherchée, l'expression « Ehrfurcht vor dem Leben » « le respect de la vie » s'imposa. La porte de bronze avait cédé. La piste était apparue à travers la jungle. Je savais maintenant que la conception du monde qui nous incline à dire oui au monde et oui à la vie, avec tous les idéaux de civilisation qu'elle porte, se trouve fondée dans la pensée. »

«Ce qu'est la vie demeure pour nous non seulement une énigme, mais un mystère - nous n'en savons quelque chose que par intuition… De là le respect pour la vie, un sentiment qu'il arrive même au matérialiste le plus convaincu d'éprouver lorsqu'il évite d'écraser un ver de terre sur la chaussée ou d'arracher sans raison une fleur. Et ce respect est la note fondamentale de toutes les civilisations. »

A. Schweitzer, La civilisation et l’éthique

« Toute volonté de vivre autre que la sienne. »

« Affirmer la vie c'est rendre plus profonde, plus intérieure sa volonté de vivre et c'est aussi l'exalter.

L'homme qui pense éprouve le besoin de témoigner le même respect de la vie à toute volonté de vivre autre que la sienne. »

« L'homme ne peut cependant réaliser complètement ce désir, car il est, lui aussi, soumis à cette loi mystérieuse et effroyable: il est contraint de vivre aux dépens d'autres vies, de commettre continuellement des destructions et des actes nuisibles à la vie. »

A. Schweitzer, Ma vie et ma pensée

« Le respect de la vie est le moteur qui fait progresser l'homme. »

« Telle l'hélice qui brasse l'eau pour actionner le navire, le respect de la vie est le moteur qui fait progresser l'homme.»

« Le bien, c'est de maintenir et de favoriser la vie ; le mal, c'est de détruire la vie et de l'entraver. »

A. Schweitzer, La civilisation et l’éthique

 8) Une vie

« Avoir de la religion veut dire pour moi être homme, simplement homme, dans l’esprit de Jésus » A. Schweitzer, Lettre du 18 Juin 1908 à Gustav Von Lüpke
 « actifs ou souffrants, nous devons faire preuve du courage de ceux qui ont lutté et sont parvenus à cette paix qui surpasse toute connaissance »

 « J'ai connu dans ma propre existence à certains moments tant de soucis, de détresse et de chagrin, qu'avec des nerfs moins solides je me serais effondré. J'ai peine à porter la lourde charge de fatigue et de responsabilité qui, depuis des années, pèse sur moi sans répit. Je ne garde pas grand-chose pour moi-même de mon existence. Mais la bonne part qui m'est échue, c'est de pouvoir être au service de la pitié, de constater la réussite de mon activité, de recevoir de nombreux témoignages d'affection et de bonté, d'être entouré de fidèles collaborateurs qui prennent part à mon oeuvre comme si elle était la leur, de jouir d'une santé qui me permet d'entreprendre les travaux les plus durs, d'avoir une nature équilibrée et une énergie qui se dépense avec calme et réflexion, d'accueillir toute chance qui m'échoit comme un bienfait auquel je dois un sacrifice par reconnaissance. »

« Je suis profondément ému de pouvoir travailler en homme indépendant à une époque où la dépendance est le.sort de tant de gens, et aussi de pouvoir, tout en accomplissant une besogne matérielle, continuer à vivre dans le domaine de l'esprit. »

 « Je considère avec calme et humilité le travail à venir, afin d'être prêt à y renoncer un jour, s'il le faut. Mais, actifs ou souffrants, nous devons faire preuve du courage de ceux qui ont lutté et sont parvenus à cette paix qui surpasse toute connaissance. »

A. Schweitzer, Ma vie et ma pensée