Réinterpréter notre regard sur la religion

Conférence débat du 11/01/2025 dans le cadre du cycle "Brunch libéral"
Conférence du Pasteur Christophe Cousinié, EPU des Hautes Vallées Cévenoles
Introduction par la pasteure Béatrice Cléro-Mazire

Conférence débat du 11 janvier 2025 dans le cadre du cycle "Brunch libéral" animé par la pasteure Béatrice Cléro-Mazire.

Conférence du Pasteur Christophe Cousinié, EPU des Hautes Vallées Cévenoles
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Ferdinand Buisson : La Religion, la Morale et la Science, Fischbacher, Paris, 1900, pp 107-109

Mais sortons de nous-même, au contraire, oublions-nous un instant. Voici l’ombre et le silence de la nuit. Seul, libre un moment de mes soucis, je lève la tête et je découvre le spectacle des cieux. Je regarde et il me semble que je vois, comme si je la voyais pour la première fois, là-bas au fond du noir espace, cette étoile qui scintille. Je regarde encore, comme fasciné par ce phare allumé sur l’autre rive d’un Océan si immense qu’il faudrait à la lumière, qui va vite, plusieurs années pour le traverser. Et ma pensée achève de me faire voir ce que je vois par mes yeux. Il est donc vrai : ce simple point igné, c’est, à une distance inexprimable, un soleil, un monde énorme, autour duquel sans doute d’autres mondes tournent. Et quand je suis arrivé à me le représenter, cet univers lointain, je regarde à côté et en voici d’autres, à droite, à gauche, en avant, en arrière, partout des mondes peuplant l’immensité, partout des soleils qui roulent à travers des espaces sans fin, qui brillent et qui brûlent depuis quand et jusques à quand ? Des millions, des milliards de mondes comme le nôtre, obéissant à des lois à des forces qui sont en partie celles que je connais, mais comment n’y en aurait-il pas d’autres ? Et, cette fois encore, c’est un autre mot de Pascal qui me monte au cœur : « Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? »

D’une irrésistible intuition, J’ai senti mon néant ; je m’étonnais d’être tout à l’heure, je m’en étonne encore plus maintenant que je me mets à la place dans un pareil ensemble. Atome, raccourci d’atome, il n’y a pas de mot pour dire ce que je deviens à mes propres yeux quand j’ai eu ainsi la vision du monde.

Et en même temps, à l’instant même où je m’abime, où je disparais, quantité imperceptible dans l’infinité des êtres et des mondes, tout à coup je m’aperçois que je pense, et que ma pensée va par-delà tous les mondes, qu’il y a quelque chose en moi qui est apparenté avec cet infini, quelque chose qui représente dans l’infiniment petit que je suis l’infiniment grand de l’ordre universel, quelque chose qui est sans doute de la même essence que les lois universelles de l’univers, puisqu’il les comprend.

Ce n’est pas moi quoi ai fait le monde, ce n’est pas moi qui me suis fait, mais l’esprit qui est hors de moi. Je ne sais pas quelle est la force qui anime tous ces mondes, ni quelle est la force qui m’anime, moi, mais je sais que celle-ci est une étincelle de celle-là. Quelle que soit l’une et quelle que soit l’autre, il y a communication entre elles.

Avoir cette sensation, si rapide ou si sommaire qu’on la suppose, c’est avoir la sensation religieuse. Je dis sensation, et ce mot n’est peut-être ni si impropre ni même si métaphorique qu’on pourrait le croire, car enfin ce n’est pas d’une abstraction qu’il s’agit, ni d’un système métaphysique, ni d’un rêve plus ou moins esthétique, il s’agit là de la réalité même ; que je sois là, moi, et que le monde soit là, qu’ils existent ces soleils dont la lumière arrive jusqu’à moi, qu’il y ait par conséquent une relation, si lointaine qu’on voudra, entre le grand tout et le fragment d’âtre que je suis, c’est bien la réalité, cela. C’est bien le sens du réel qui m’étreint à la gorge quand tout à coup je me réveille du rêve ordinaire où l’habitude me berce, pour prendre conscience en un clin d’œil de ce qu’est le monde et de ce que j’y suis.