De la Guerre
De la Guerre
Séance Théophile du mardi 11 février 2025
Théophile - Séance du mardi 11 février 2025
Conférence de France Farago dans le cadre du cycle Théophile organisé par
Béatrice Cléro-Mazire, pasteure à l'Oratoire du Louvre, Jean-Pierre Cléro, professeur de philosophie, et France Farago, philosophe
De la Guerre
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Introduction par Béatrice Cléro-Mazire : La guerre dans la Bible
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Table des matières
1. Introduction. p.2
2. Les différents types de guerre. p.4
3. Carl Schmitt (1888-1985) : la distinction ami/ennemi p.5
4. La question de la juste guerre. p.5
Cicéron (106-43 av. J.C), saint Augustin (354-430), saint Thomas d'Aquin (1225-1274) p.6
5. Le droit et la guerre. p.7
Droit à la guerre càd le droit de déclarer la guerre (Jus ad bellum) p.8
Droit dans la guerre (jus in bello) p.8
6. La guerre est une relation d'Etat à Etat p.9
Spécificité de la guerre. p.9
Le droit de la guerre chez Rousseau. p.10
La visée de la guerre. p.10
7. Guerre et politique. p.11
Clausewitz (1780-1831) : La politique comme matrice de la guerre. p.11
8. La fin et les moyens de la guerre. p.13
Carl Schmitt p.13
9. Les mutations militaires contemporaines : la cyberwar p.14
10. Conclusion. p.16
TEXTES p.17
L'idée de conquête et l'Europe. p.17
SUN-TSE (ou : SUN TSU) : p.17
Hugo GROTIUS (1583-1645) p.18
Samuel von PUFENDORF (1632-1694) p.19
LEIBNIZ (1646-1716) p.19
Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) p.19
Maréchal FOCH (1851-1929) p.20
Michael WALZER (né en 1935) p.20
Harry TRUMAN p.21
GANDHI p.21
Bibliographie p.22
Romans témoignages p.22
La guerre dans la Bible
Étude de l’article de Thomas Römer
par la Pasteure Béatrice Cléro-Mazire
in : La guerre dans la Bible hébraïque, entre histoire et fiction, dans le livre Guerre et religion sous la direction Jean Baechler - éd. Hermann, 2016
La guerre est omniprésente dans la Bible.
Que ce soit dans l'Ancien Testament ou dans le Nouveau Testament.
Comme dans les conceptions communes du Proche Orient ancien, le Dieu national de chaque peuple est impliqué dans les guerres humaines.
Le mot hébreu pour dire guerre est milhama qui est dérivé de la racine : l-h-m. De la même racine est dérivé le mot lehem : le pain. La guerre serait-elle vitale comme le pain ?
Dans la pensée hébraïque, la guerre n'est pas l'opposé de la paix ; mais la guerre et la paix sont toutes deux opposées au chaos et au désordre.
La guerre apparaît donc comme le moyen de rétablir l'ordre et l’harmonie.
Le Dieu créateur mène une guerre contre les forces du chaos.
Dans le récit mythique Enuma Elish (« lorsqu’en haut »), le couple primordial enfante plusieurs générations de dieux quel finissent par faire de l' ombre aux parents primordiaux que sont Apsou et Tiamat. Apsou, qui veut tuer ses enfants est lui-même tué par Enki. Tiamat qui veut venger Apsou, est elle-même tuée par Mardouk.
C'est Mardouk qui devient le roi des dieux et il crée la terre avec la dépouille de Tiamat.
C'est donc un combat entre les dieux qui donne naissance au monde.
Un héritage de ce concept se trouve dans la Bible, dans le Ps 74,12-16 :
Psaume 74 : 12-17
12 Toi pourtant, Dieu, mon roi dès l’origine,
Et l’auteur des victoires au sein du pays,
13 tu as maîtrisé la Mer par ta force,
Fracassant la tête des dragons sur les eaux ;
14 Tu as écrasé les têtes du Léviathan,
Le donnant à manger à une bande de chacals.
15 C’est toi qui as creusé les sources et les torrents,
Et mis à sec des fleuves intarissables.
16 A toi le jour, à toi aussi la nuit :
Tu as mis à leur place la lune et le soleil ;
17 Tu as fixé toutes les bornes de la terre ;
L’été et l’hiver, c’est toi qui les as inventés ! »
Adonaï YHWH crée en luttant contre les forces du chaos.
Dans les textes bibliques comme dans tous ceux du proche orient ancien, l'autorité des rois est légitimée par la guerre que se fait au nom du dieu national. En cas de crise, famine ou défaite militaire, le roi peut être détrôné con il est considéré comme celui qui a échoué.
De même, si la population se retrouve en crise, le Dieu national et mis en cause.
Dans l'imaginaire de ces peuples, la défaite militaire s’explique par l'abandon par le dieu.
D’ailleurs, la règle du herem ( mise à part ou anathème) montre combien le peuple et son dieu sont liés. En cas de défaite, on pille et on saccage les temples et on emmène la statue du dieu vaincu dans le sanctuaire du dieu vainqueur
1 Samuel 15 : 1-3
1 Samuel dit à Saül : C'est moi que le Seigneur a envoyé pour te conférer l'onction, afin que tu sois roi sur son peuple, sur Israël. Ecoute donc ce que dit le Seigneur.
2 Ainsi parle le Seigneur (YHWH) des Armées : J'ai décidé de faire rendre des comptes à Amalec pour ce qu'il a fait à Israël, quand il s'est mis sur son chemin tandis que celui-ci montait d'Egypte.
3 Va maintenant, attaque Amalec et frappe d'anathème tout ce qui lui appartient : tu ne l'épargneras pas ; tu mettras à mort hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs, moutons et chèvres, chameaux et ânes ».
(Cf. Stèle Mesha )
Dans la logique du hèrèm, c'est la divinité qui donne la victoire . Donc, tout le butin revient au dieu : hommes, femmes, enfants, animaux.
Dans la Bible la guerre est affaire de récit.
Et il arrive parfois que le même combat armé donne des récits divergents :
C’est le cas du récit du conflit entre les judéens et les assyriens dans le Deuxième Livre des rois
2 Rois 19 : 35-37
35 Cette nuit-là, l'ange du Seigneur intervint dans le camp assyrien, et il y fit mourir 185 000 hommes. Le matin les survivants, à leur réveil, découvrirent tous ces cadavres.
36 Alors Sennakérib, le roi d'Assyrie, leva le camp et repartit pour Ninive, sa capitale, où il resta.
37 Un jour qu'il était prosterné dans le temple de Nisrok, son dieu, deux de ses fils, Adrammélek et Saresser, l'assassinèrent de leur épée ; puis ils s'enfuirent au pays d'Ararat. Un autre de ses fils, Assarhaddon, lui succéda. »
Dans les annales de Sennachérib, la Judée a perdu ses villes fortes et seule Jérusalem reste debout mais assiégée. On est loin d’une victoire.
« Quant à Ézékias du pays de Juda, qui ne s’était pas soumis à mon joug, j'assiégeai avec des machines de guerre et je pris 46 de ses villes et un nombre immense d'endroits fortifiés et de villages qui en dépendaient. J'en emmenai 200 150 personnes, hommes et femmes, des chevaux, des mulets, des ânes, des chameaux, des bœufs et des brebis sans nombre ; je les déclarai butin de guerre. Quant à lui, je l'enfermai dans Jérusalem, sa ville royale, comme un oiseau dans sa cage.»
On retrouve le même procédé littéraire dans l’histoire de la guerre de conquête vers Canaan.
La première partie du livre de Josué est une invention littéraire des scribes de Juda du septième siècle avant J-C, alors qu'ils sont confrontés à la propagande et à la rhétorique guerrière de l’Assyrie.
On trouve des parallèles aux récits de Josué :
Josué 10 : 11
« Alors qu’ils fuyaient devant Israël… Yhwh, du ciel, lança des pierres contre eux jusqu’à Azéqa et ils moururent ;plus nombreux furent ceux qui moururent par les pierres »
Dans les écrits assyriens, notamment dans la lettre au Dieu Assour du roi Sargon II :
« Le reste du peuple s’était enfui… Hadad poussa un grand cri contre eux ; à l’aide d’une pluie torrentielle et des pierres du ciel, il annihila ceux qui restaient. »
Autre exemple de ce récit idéologique plus qu'historique que Thomas Romer décrit ainsi :
« C’est alors que Josué, parlant au nom de Dieu, exige le massacre des habitants de la ville :
Josué 6 : 16-17, 20-21, 27
16 Et pour la septième fois, les prêtres sonnèrent des cors. Josué dit au peuple : “Criez, car Yhwh vous a donné la ville.
17 La ville sera vouée à l’interdit pour Yhwh, elle et tout ce que s’y trouve ; seulement Rahab la prostituée vivra, elle et tout ce qui est avec elle dans sa maison, car elle a caché les messagers que nous avons envoyés…
20 Le peuple cria, on sonna du cor ; lorsque le peuple entendit le bruit du cor, le peuple poussa un grand cri, le mur tomba sur lui-même, le peuple monta vers la ville, chacun devant soi et ils s’emparèrent de la ville.
21 Ils vouèrent à l’interdit tout ce qui se trouva dans la ville, l’homme comme la femme, l’adolescent comme le vieillard ; le taureau, l’agneau, l’âne, on les passa au fil de l’épée…
27 Yhwh était avec Josué et sa renommée était grande dans le pays.
Ce récit qui décrit le massacre de toute une population sur ordre de Yhwh n’est pas le compte rendu historique de la conquête de Jéricho par des tribus israélites. En effet, de nombreuses fouilles effectuées dès les années 1950 ont démontré l’impossibilité de lire le récit de Josué 6 comme un récit historique. Ses auteurs sont identiques à ceux du Deutéronome, qui cherchaient à riposter théologiquement à la menace assyrienne.
En affirmant la supériorité de Yhwh sur l’Assyrie et ses dieux, les auteurs de la version Josué 1-12 transforment Yhwh en un dieu aussi guerrier et militariste que l’est Assur. C’est peut-être à l’époque de Josias qu’on a conçu pour la première fois l’installation d'Israël dans le pays comme le résultat d’une conquête militaire. Josué 1-12 est alors à lire comme un texte idéologique et non pas comme un rapport historique. »
On remarquera que le terme guerre est presque totalement absent de la Genèse. Abraham et les patriarches sont plutôt porteurs de l’idée d’une cohabitation pacifique avec les voisins. A tel point que la fiction des lignées des patriarches permet une fraternité de principe avec les tribus voisines : les moabites et les ammonites descendent du neveu d’Abraham : Lot.
Ismaël et Quetourah descendent d’Abraham par Hagar. Quant aux philistins, ils sont accueillants en cas de besoin.
La littérature apocalyptique renferme des combats nombreux et aussi spectaculaires qu’ils sont impossibles dans la réalité. Ce sont souvent des textes qui correspondent à des moments où la résistance contre l’occupant est presque impossible si ce n’est par la spiritualité. On retrouve cela dans Daniel, ou dans Joël ou encore dans Michée ou Esaïe.
Certains textes bibliques envisagent une fin de la guerre à la fin du temps, comme dans un passage transmis dans deux livres prophétiques différents (Esaïe 2 : 2-4 et Michée 4 : 1-5) :
Michée 4 : 3-4
3 … De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre, et on n’apprendra plus la guerre.
4 Chacun d’eux habitera sous sa vigne et sous son figuier, et il n’y aura personne pour les troubler – c’est la bouche de Yhwh des Armées qui parle.
Dans le livre de Joël, on retrouve la démarche inverse : l’idée de la fin de la guerre laisse place à une guerre eschatologique :
Joël 3, 1-2, 10 et 12
1 En ces jours-là, en ce temps-là, quand je rétablirai la situation de Juda et de Jérusalem,
2 je rassemblerai toutes les nations, et je les ferai descendre dans la vallée de Josaphat [Yhwh juge] ; là, j’entrerai en jugement avec elles au sujet d’Israël, mon peuple, mon patrimoine qu’elles ont dispersé parmi les nations, et au sujet de mon pays qu’elles se sont partagé. […]
10 De vos socs, forgez des épées, de vos serpes, forgez des lances. […]
12 Que les nations se mettent en branle ; qu’elles montent vers la vallée de Josaphat : c’est là que je vais siéger pour juger toutes les nations d’alentour. »
Le dernier livre de la Bible s’achève sur un combat cosmique :
Apocalypse 19 : 11-21
11 Puis je vis le ciel ouvert, et un cheval blanc apparut. Celui qui le monte s'appelle « fidèle » et « véritable » ;
12 il juge et il combat avec justice. Ses yeux flamboient comme du feu et il a de nombreuses couronnes sur la tête. Il porte un nom inscrit qu'il est le seul à connaître.
13 Il est vêtu d'un manteau couvert de sang. Il s'appelle « la parole de Dieu ».
14 Les armées des cieux le suivaient, montées sur des chevaux blancs et vêtues d'un fin tissu de lin, blanc et pur.
15 De sa bouche sort une épée aiguë destinée à frapper les peuples. Il les conduira avec une autorité de fer, et il écrasera le raisin dans le pressoir de l'ardente colère du Dieu souverain.
16 Sur son manteau et sur sa jambe ce nom était inscrit : « roi des rois et Seigneur des seigneurs ».
17 Ensuite je vis un ange debout dans le soleil. Il cria avec force à tous les oiseaux qui volaient très haut dans les airs : « Venez, rassemblez-vous pour le grand repas de Dieu !
18 Venez manger la chair des rois, des chefs de l'armée et des puissants, la chair des chevaux et de leurs cavaliers, la chair de tous les hommes, libres ou esclaves, petits ou grands. »
19 Puis je vis la bête, les rois de la terre et leurs armées, rassemblés pour combattre contre celui qui monte le cheval et contre son armée.
20 La bête fut capturée, ainsi que le faux prophète qui avait accompli des signes impressionnants en sa présence pour égarer ceux qui avaient reçu la marque de la bête et qui se prosternaient devant sa statue. La bête et le faux prophète furent jetés vivants dans le lac de soufre enflammé.
21 Tous leurs soldats furent tués par l'épée qui sort de la bouche de celui qui monte le cheval, et tous les oiseaux se nourrirent de leur chair.