2016-2017 N°4 - La transcendance intérieure par Denis Guénoun

Denis Guénoun « La transcendance intérieure ou Une réflexion sur le temps, à partir du livre XI des Confessions d'Augustin »
Cycle Philosophie et Théologie 2016-2017
Conférence N°4 du 3 janvier 2017

La transcendance intérieure

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La transcendance intérieure
(Sur Augustin et la pensée du temps)
par Denis Guénoun

À l’Oratoire du Louvre, le 3 janvier 2017
Cycle « Philosophie et théologie » (2016-2017)

Depuis bientôt sept ans, je vis un compagnonnage presque permanent avec un texte : le livre XI des Confessions d’Augustin. Voici pourquoi. En 2010, un concours de circonstances a conduit à la réalisation d’un spectacle de théâtre, à partir de cet écrit. Ce spectacle est encore joué 1. Il est interprété par un comédien exceptionnel, Stanislas Roquette, et j’en ai effectué la mise en scène. Or les principes que nous avons adoptés, l’acteur et moi-même, font qu’après les répétitions initiales, nous avons continué le travail tout au long de ces années, avec des remises en jeu et un « filage » intégral précédant chaque reprise. Comme j’assiste à toutes les séances, afin que nous puissions les commenter ensemble, j’ai entendu au moins 200 fois l’intégralité de ce texte au cours des dernières années 2. Jamais une fréquentation aussi continue et répétée ne m’a lié à aucun écrit, quel qu’il soit.
 
Ce lien, étroit, est lui-même un chapitre d’une histoire plus longue : les Confessions sont entrées dans ma vie de façon brutale voilà une quarantaine d’années, après un deuil très proche, et je les ai retrouvées en diverses occasions personnelles ou publiques, jusqu’à la séance de ce soir, qui m’a fait relire l’intégralité de l’œuvre – non seulement le livre XI, après ces centaines de fois, mais l’ouvrage entier, dans la très importante édition bilingue critique publiée par la Bibliothèque Augustinienne. Pourtant, il est essentiel de le dire, je n’ai aucunement la qualification d’un spécialiste d’Augustin, en histoire, philosophie ou théologie. Simplement, cet ouvrage est venu prendre dans ma vie, personnelle, de réflexion et de théâtre, une place aussi unique qu’imprévue. Et après tout, me direz-vous, un livre comme celui-ci n’est pas adressé à ses seuls spécialistes.

 

Certains ici savent que les Confessions, un des écrits les plus célèbres de la culture mondiale, s’organisent selon un agencement inattendu. L’ouvrage est composé de treize « livres », gros chapitres aux longueurs variables. Il semble avoir été écrit peu avant l’an 400 de notre ère, alors qu’Augustin avait passé la quarantaine. Les neuf premiers de ces treize livres déploient un récit de la vie personnelle de l’auteur jusqu’aux alentours de sa trentième année. Cet ensemble, qui forme la plus grande partie du texte, a joué un très grand rôle dans la constitution du genre littéraire que nous appelons aujourd’hui l’autobiographie. C’en est un des tout premiers exemples, et peut-être le premier aussi net. Puis, à partir du livre X, l’ouvrage semble changer brusquement d’axe. Il n’est plus consacré à un récit, mais à l’examen de problèmes spirituels, intellectuels ou exégétiques envisagés pour eux-mêmes. Dans ce second groupe, le livre XI occupe une place centrale. Il développe une analyse philosophique poussée de l’essence du temps. Venons-y donc, puisque c’est notre objet aujourd’hui.

Dans sa plus large part, le livre XI se saisit de la question ainsi formulée : qu’est-ce que le temps ? 3 Or, l’abord de ce thème est précédé par une longue introduction, qui envisage un autre problème, un peu décalé, au point que leur enchaînement logique n’est pas très net. Dans cette section préalable, Augustin s’interroge sur l’acte de création divine de l’univers, se demandant comment Dieu a procédé pour faire naître le ciel et la terre,
c’est-à-dire l’ensemble de tout ce qui est 4. Pourquoi notre auteur fait-il ainsi précéder son étude du temps de la position de cette question distincte ? C’est, semble-t-il à la première lecture, parce que l’acte de création de l’univers met en relation une réalité temporelle (le monde) avec une autre instance (le créateur) qui échappe, lui, à toute temporalité. Le rapport entre le monde et son créateur s’exprime alors comme lien entre le temps et l’éternité. Donc la naissance de l’univers pose la question de la naissance du temps, au sein d’un milieu non-temporel. Un commencement a lieu dans un élément (l’éternité) qui, par essence, ignore tout
commencement et toute fin. Laissons de côté, pour l’instant, l’analyse qu’Augustin consacre au paradoxe de cette origine 5.

La condition temporelle est ainsi posée comme celle de la créature 6. Le temps est le mode d’existence du créé, assujetti au commencement, à la fin, à l’apparition et à la disparition, donc au changement ou, pour le dire dans la langue ancienne, à la génération et à la corruption. Or, dans cette confrontation entre le temps et l’éternité, le temps est marqué par un manque d’être 7. Il pâtit d’une contamination par le non-être, par le néant. Ceci tient à deux raisons principales. D’une part, de façon classique pour la pensée ancienne – en particulier la philosophie grecque, dont Augustin est un héritier – seul ce qui est immuable est pleinement. Le caractère muable, la mutabilité, suppose une implication dans le non-être. Tout simplement, expliquent les Anciens, parce que si quelque chose arrive de nouveau dans l’être, précédemment cela n’était pas. Donc le changement est une affectation de l’être par le non-être, une émergence depuis un non-être qui perce dans l’être. De façon symétrique, ce qui est pleinement ne peut cesser d’être non plus : dans ce cas évidemment le néant l’affecte aussi, puisque l’être, cessant d’être, y tombe. La plénitude d’être est considérée alors comme intrinsèquement immuable – c’est la thèse de Platon.

Mais Augustin ajoute un développement différent pour éclairer ce lien du non-être avec le temporel 8. Le temps est supposé divisible en trois domaines, passé, présent, et avenir. Or, le passé n’est pas, puisqu’il a cessé d’être. De même, le futur n’est pas non plus, du fait qu’il n’est pas encore. Donc, au sens strict, ni le passé ni le futur ne sont. Quant au présent lui- même, son être propre est intenable. Car si le présent était pleinement, sans aucune compromission par le non-être, il ne pourrait cesser d’être présent, pour la raison qu’on vient de dire, et serait donc éternel. Ce ne serait alors pas un temps. En effet, pour être un temps, et non l’éternité, à l’instant où il est présent, le présent doit basculer dans le passé. Si le présent est un temps, c’est en tant qu’il passe, et donc, dit Augustin, parce qu’il tend à ne pas être. De ce fait, l’être du présent est comme sous l’ombre du non-être qui approche, il n’est que dans ce mode contradictoire où, à peine posé comme être, il tend à n’être pas 9. Ainsi le temps, par ses trois composantes, passé, présent, futur, est-il contaminé par un être en défaillance, ou affecté par sa menace. Le temps, comme temps, est marqué d’un défaut d’être ou d’un être en péril qui touche et affecte son principe essentiel.

Avec une telle approche, on est tenté de penser que la transcendance, le divin – la plénitude de l’être – se posent tout entiers du côté de l’éternité, et que le temps, condition de la créature, souffre d’un moins d’être, d’un être moindre, d’une carence ontologique. Ce serait là une position globalement platonicienne, un platonisme continué – et en effet la formation et le milieu philosophiques d’Augustin sont baignés de cette référence à Platon et ses successeurs. Mais une autre dimension du texte vient, me semble-t-il, enrichir ce premier schéma. Pour la faire apparaître, il nous faut suivre un peu la réflexion d’Augustin sur le temps et son essence paradoxale.

Sentant l’essence du temps, et même son existence, lui filer entre les doigts – puisque ni le passé ni le futur ne sont, et puisque le présent n’est qu’en s’engloutissant dans l’être disparu – Augustin se raccroche à un fait, qui paraît assumer la consistance du temps, sa réalité : le constat que nous le mesurons sans cesse, le temps, pour parler sans difficulté apparente d’un temps plus ou moins long, d’un temps deux fois ou trois plus étendu qu’un autre, etc. Or, dit Augustin, on ne peut mesurer ce qui n’est pas 10. Donc la mesure semble constituer la pratique consistante à partir de laquelle la réalité du temps va nous être confirmée, et peut-être éclairée. Mais, tentant ainsi d’approcher le temps à partir de sa mesure, Augustin reste lié au fait que toute mensuration considère le temps dans un rapport à l’espace. Au départ, il ne s’en défend pas, et s’exclame : « si les choses futures et passées sont, je veux savoir où elles sont » 11. Être, c’est être quelque part. L’existence ne peut être saisie que dans un lieu. Ce lien avec l’être spatial, Augustin le retrouve dans la mesure du temps. Une célèbre thèse ancienne, formulée par Aristote, a posé que « le temps est le nombre du mouvement 12 ». Ainsi considéré, le temps est lui-même la mesure du déplacement, lequel, lui, a lieu dans l’espace. Mais Augustin ne tarde pas à s’aviser qu’en mesurant ainsi le temps, nous ne mesurons que des espaces parcourus ou traversés, plus ou moins étendus, sans avoir réellement accès à une mesure du temps pour lui-même. Et il cherche alors à s’extraire de cette spatialisation, pour trouver ce qui fait le propre du temps, sans son indexation sur une topographie. La tentative annonce ce que développera, quinze siècles plus tard, Bergson – par exemple dans l’Essai sur les données immédiates de la conscience 13. Penser le temps par rapport à un déplacement, quel qu’il soit, c’est, dira Bergson, le dissoudre dans une dimension spatiale, et donc le manquer dans ce qu’il est pour lui-même, dans sa réalité proprement temporelle. Mais pour Bergson cette dépendance est inscrite dans l’idée même de mesure, de comptage. Augustin, lui, ne renonce pas à mesurer.

Pour s’affranchir de cet ancrage dans l’espace, Augustin s’intéresse alors à une autre sorte de mensuration. Il porte son attention sur les durées des sons, et en particulier ceux que nous émettons nous-mêmes 14. En prononçant une syllabe, dit Augustin, nous avons le sentiment de sa plus ou moins grande longueur. Or ce sentiment est paradoxal. Pour l’éclairer, évoquons ici le cas d’une mélodie. Lorsque nous chantons une mélodie, nous ne chantons à chaque instant qu’une seule note. Pourtant, dans cette note prise en elle-même, la mélodie n’existe pas. La mélodie ne consiste dans aucune note isolée. Où est donc le sentiment de la mélodie, lorsque nous chantons ? Puisque nous ne chantons qu’une note à la fois, dont la mélodie est absente ? À aucun moment nous ne chantons la mélodie comme telle, mais seulement une note, et aucune note ne contient la mélodie. Cependant, pense Augustin, en chantant une note, nous portons la mémoire des notes précédentes, et l’anticipation des notes qui vont venir. La mélodie n’est constituée, en chaque point du temps, que par ce rapport entre une note réelle, effectivement chantée, et des notes qui ne sont pas, anciennes ou futures, mais se présentent à notre esprit par ses facultés de mémoire ou d’expectative. À chaque instant, la mélodie n’existe donc pas comme objet, mais comme division intérieure à notre conscience – entre souvenir et attente –, comme tension interne en chaque point de notre âme, ou comme ce qu’Augustin nomme distensio, tension ou distension intérieure à notre esprit, animus. Distensio animi, telle est l’essence du temps selon Augustin 15.

Il saisit par là l’essence du temps comme réalité interne, donnée spirituelle, et aucunement comme fait objectif, externe à notre conscience. C’est un basculement considérable, dont les effets seront énormes dans l’histoire de la pensée. On est surpris de voir à quel point cette mutation, qui s’annonce timidement chez d’autres auteurs mais se produit de façon résolue chez Augustin, aura des effets profonds et irréversibles après lui, jusqu’à Kant et Bergson, pour ne citer qu’eux 16. Ces auteurs, comme beaucoup d’autres qui les ont précédés ou suivis, sont des lecteurs attentifs ou passionnés d’Augustin, et précisément des Confessions, et plus précisément encore de ce livre XI auquel nous nous intéressons ici, dans lequel cet énorme changement intellectuel est comme condensé, accompli dans sa pureté. Ainsi Kant, dans la Critique de la raison pure, oppose-t-il le temps et l’espace comme ce qu’il appelle deux « formes a priori de la sensibilité ». Ce qui veut dire qu’il ne définit pas l’espace et le temps comme données objectives, mais comme formes de l’expérience du sujet. Et l’espace est alors posé comme forme du sens externe 17. L’espace est la modalité dans laquelle nous expérimentons ce qui est extérieur, comme extérieur. Extérieur, c’est-à-dire spatial. Tout ce qui nous apparaît comme externe se donne dans un espace, et tout ce qui est spatial nous est livré dans le mode de l’extériorité. Extériorité et spatialité se recouvrent, au point d’être équivalentes. À l’opposé, le temps est conçu comme la forme a priori du sens interne 18. Ce que nous percevons comme interne nous est donné comme temporel. Le temporel est le mode de l’intériorité. Nous ne saisissons notre intériorité (si nous la distinguons de l’extérieur) que comme un processus se déployant dans l’élément du temps. Dans cette approche, le temps est notre sentiment de nous-mêmes, en tant qu’intérieurs à notre esprit. Le temps est la sensibilité que nous avons de nous. Je ne prétends pas que la thèse soit indiscutable, mais constate seulement qu’elle a marqué profondément l’évolution de la pensée, et que l’origine de cet énorme développement se trouve dans Augustin, et dans le segment de livre que nous fréquentons ce soir.

(Par parenthèse, je voudrais dire que c’est ce point de la pensée d’Augustin dans le livre XI qui, pour la confection de notre spectacle, nous a passionnés, Stanislas Roquette et moi-même, comme problème de théâtre, problème scénique 19. Car nous avions à exprimer sur scène cette difficulté, croissante dans le texte, cette impuissance progressivement manifestée par Augustin, à saisir la réalité du temps depuis des lieux. Or, au théâtre, le spatial est le scénique. La scène est l’existence théâtrale de l’espace (qu’on appelle souvent espace scénique), une sorte de métaphore de l’espace en général : le volume scénique, dans sa tridimensionnalité – cubique ou sphérique –, y est traité comme une figure de la spatialité, de la condition spatiale des humains. Du coup, nous nous trouvions devant le défi d’avoir à présenter l’échec de l’enquête d’Augustin dans l’espace, sa plongée dans l’intériorité, le non-spatial, la temporalité pure. Mais sortir de l’espace, en scène, c’est sortir de scène, ce qui reste déconseillé pour l’acteur, surtout au moment crucial du spectacle, quand la solution du problème s’exprime dans son acuité. Figurer l’intériorité sans quitter la scène, tel est le défi qui nous a beaucoup captivés. En outre, cette ambivalence spatio-temporelle du théâtre s’engage dans la condition même de l’acteur. Le spatial pour lui, c’est d’abord son corps, qui est sa première scène, l’espacement de son discours, de son texte, de son existence dans le rôle et le jeu. Il y met en jeu son âme, sa réalité spirituelle, son intelligence – et donc son intériorité, sa temporalité intérieure. Manifester l’essence pure du temps, au théâtre, ne demanderait donc pas seulement, dans cette logique, de sortir de scène, mais aussi d’abandonner le corps. Injonction doublement périlleuse. Y avons-nous convenablement répondu, c’est ce que vous pourriez nous dire si vous souhaitiez venir voir notre spectacle.)
 

Fermons la parenthèse théâtrale. Pour Augustin, disais-je, l’essence du temps ne peut être saisie que comme tension ou distension de l’âme, écartement temporel de l’instant dans son vécu propre, et donc événement se produisant tout entier dans le mode de l’intériorité, dans le champ spirituel intérieur à la vie psychique. Ici se noue le problème annoncé plus haut, qui concerne plus spécifiquement la théologie, et donc notre soirée dans son intérêt situé entre philosophie et théologie. Car l’intériorité dans la pensée d’Augustin, et précisément dans les Confessions, est une affaire complexe.

Au livre III de l’ouvrage, figure une formule devenue d’une célébrité presque universelle, au moins pour les philosophes et théologiens. Je cite la phrase en entier, même si un membre en a été surtout retenu : Tu eras autem interior intimo meo et superior summo meo. Ce qu’on peut traduire par : « Mais tu étais plus interne que le dedans de moi, et plus élevé que le sommet de moi. » La transcendance est posée comme le plus intérieur de l’intérieur, le dedans du dedans, le cœur du cœur. Evidemment, cette formule ne trouve son sens complet qu’avec l’autre partie qui la contrebalance : le dessus du dessus 21. Mais restons-en, pour ce qui nous occupe, à cet intérieur au-delà de l’intérieur. Cette expression induit que, pour Augustin, on n’accède pas à la transcendance seulement par un surpassement, un surmontement de soi. Mais aussi par un approfondissement, un creusement, une plongée au-dedans. Dans cette plongée, ne se donne pas ultimement un soi dans le soi, le soi-même dans le soi-même, mais il s’y livre quelque chose qui est plus intérieur que le moi. Le moi n’est pas le dernier mot de l’intériorité – ce à quoi des psychanalystes trouveront un écho. La transcendance, l’excès, le dépassement, sont aussi internes. Ce qui conduit à penser que si le temps est le mode propre de l’intériorité, comme Kant le pensera après Augustin et à partir de lui, il ouvre aussi un certain accès à la transcendance. Il y a une transcendance du temps, dans le temps ou par le temps : une transcendance intérieure. Il faut alors complexifier la position initiale que nous avions cru pouvoir lire, selon laquelle la transcendance se tient tout entière dans l’élément de l’éternité. Pour Augustin, l’éternité est transcendante, bien sûr. Mais le temps, dans sa condition de défaut d’être, ménage aussi une voie vers le divin. Le manque d’être ouvre aussi à Dieu. Le divin, Dieu lui-même, se trouve (à tous les sens du mot) au fond d’une carence d’être, il creuse le manque d’être jusqu’à en dégager le fond sans fond.

Comment peut se comprendre cette articulation étrange, entre le temps et l’éternité, qui ne se contente donc plus de poser le temps comme chute hors de l’éternel (ce qu’il est assurément, pour Augustin), mais en fait, à rebours du modèle platonicien, une voie de trouage au terme sans terme duquel l’éternité peut s’inscrire ? Je propose, pour l’éclairer, deux hypothèses, dont je dois dire qu’elles ne paraissent pas, littéralement, dans le texte augustinien, mais constituent plutôt la lecture ou traversée que j’en suggère, comme un augustinisme personnel, pas tout à fait fondé en rigueur historienne, mais où je vous livre mon accès intime, ou pour tout dire, dans ce domaine, ma foi.

La première de ces deux suggestions consiste à interpréter dans ce contexte la formule biblique selon laquelle l’homme a été fait par Dieu à son image 22. (Il faudrait dire : l’homme et la femme, car vous vous souvenez que la formule est immédiatement suivie de son complément sidérant : homme et femme il les a faits, Dieu étant ainsi engagé dans cette ambivalence). Avec cette affirmation stupéfiante, ce n’est pas Dieu qui doit être conçu par ressemblance avec l’humain, dans un anthropomorphisme qu’on n’aura jamais fini de réduire, où Dieu paraît comme figurine humaine, réduction contre laquelle Augustin n’a cessé de se battre et de se débattre – mais au contraire l’humain qui est à penser dans son excès par rapport à lui-même, sa semblance divine, sa transcendance, sa transhumanité 23. Dans l’hypothèse que je vous soumets, ce qu’Augustin appellerait alors à penser serait cette transcendance – cette image de Dieu dans l’humain – comme intériorité. C’est par son dedans infini que l’humain, aussi, se transcende. Pas seulement, sans aucun doute, et c’est là que le balancement de la formule augustinienne prend sa force : la transcendance convoque l’humain à se dépasser vers le haut, à s’élever au-dessus de soi. Mais elle s’inscrit aussi en lui comme creusement, comme forage. Dans cette veine, si j’ose dire, on peut coupler les deux formules (l’homme image de Dieu, et Dieu plus intérieur à moi que moi), et dire qu’en partie au moins, si l’homme est à l’image du divin, c’est en tant qu’intériorité. L’image de Dieu dans l’homme, c’est l’intérieur – image non spatiale, image sans image donc, purement interne, image noire. Dieu a fait l’homme à son image, en tant qu’il l’a fait comme homme intérieur 24. Ce que l’humain trouve au plus profond de soi, plus profond en soi que le soi lui-même, c’est la profondeur, l’intériorité, le puits dans l’être. Les humains forment à la surface du monde des milliards de puits qui creusent l’être vers l’infini. Telle est ma première hypothèse.
La seconde vient la compléter. Car on peut se demander par quelle modalité concrète Dieu entre et se situe ainsi au plus profond de moi, plus intérieur à moi que l’intime de moi-même. Il ne suffit pas de le dire, ni de se plonger en soi dans un complaisant vertige pour trouver le divin au fond du fond, au fond sans fond de l’introspection. Il ne s’agit aucunement de cela. L’introspection, comme son nom l’indique, est un regard, et tout regard est vers l’espace. Il ne s’agit pas de trouver ici, et encore moins de contempler, un espace intérieur. L’intérieur augustinien n’est pas un espace, mais une trouée hors de l’espace, un non-espace, qui ne se regarde pas. À la rigueur on y plonge, mais il ne s’offre pas à être contemplé.

Pour mieux entendre cette intériorité, au moins telle que je vous la chante, il faut alors faire une halte autour d’un aspect des Confessions que j’ai, jusqu’ici, laissé de côté. Certains d’entre vous auront pu s’étonner que je n’aie encore rien dit de l’extraordinaire dispositif littéraire dans lequel se présente l’ouvrage. Je l’ai abordé comme un traité, qui discute une question après l’autre – ce qu’il est en effet. Mais il ne s’offre pas ainsi à la lecture. Les Confessions, de la première ligne à la dernière – et donc le livre XI au même titre – sont une adresse. Tout est écrit à la deuxième personne. Tout s’y déploie dans l’interpellation d’un interlocuteur, désigné par le pronom tu. Le procédé n’est pas sans précédent, ni sans postérité. Jeune adolescent, je me souviens d’avoir été fasciné par la parution du roman La Modification, de Michel Butor 25, qui présentait l’invention d’être écrit tout entier à la deuxième personne du pluriel, le personnage principal étant pointé par le pronom « vous ». C’était en 1957. De même le roman Un homme qui dort, de Georges Perec, est-il écrit intégralement dans l’invocation d’un protagoniste tutoyé 26. Eh bien, on peut dire que ces  innovations littéraires, considérables, avec d’autres qui en sont voisines, ont pour antécédent un livre écrit à la fin de notre IVème siècle. D’ailleurs, parmi les héritiers des Confessions, cette manière a connu des avatars célèbres, comme l’envoi inaugural des Essais de Montaigne, ou celui des Fleurs du mal, où le lecteur, interpellé fraternellement par un « tu », vient prendre discrètement, mais directement, la place occupée chez Augustin par Dieu 27. Cependant le tutoiement augustinien a aussi des ascendants directs : et en particulier le livre biblique des Psaumes. La plupart des psaumes sont écrits à la deuxième personne, et comme le feront les Confessions, dans une adresse directe à la transcendance. Le lien est même plus étroit et plus intime. Car les Confessions, au fil de leur texte, sont tissées, tramées d’innombrables citations, pour la plus grande part bibliques, si abondantes que pour s’y référer la lecture s’interromprait presque à chaque ligne. Or, ces citations, dans leur immense majorité, sont empruntées au livre des Psaumes. Au point qu’un commentateur autorisé 28 a pu évoquer les Confessions comme une sorte de grand psaume de quelques centaines de pages. La proposition est suggestive, tant la parenté se montre forte : par le ton, l’invocation permanente, l’alternance de louange et de craintes, le style poétique, qui n’exclut pas les écharpes de pensée, etc.

Tout ceci n’exprime que ce fait, très simple, mais pourtant ébouriffant : les Confessions se présentent comme une grande, longue et sublime prière. Or, s’il est vrai, comme c’est souvent affirmé, qu’Augustin y a inventé, ou en tout cas donné sa forme durable, au genre de l’autobiographie, cela signifie que notre livre occupe, dans l’histoire des lettres et de la pensée, une place nodale pour la découverte, le percement, l’excavation de l’intériorité. L’intérieur de l’âme n’est pas un donné. Certaines civilisations semblent l’effleurer à peine. La nôtre s’est, en grande partie, appliquée à lui conférer son épaisseur, à la constituer. Et d’ailleurs nombre d’historiens affirment que l’individualité elle-même n’apparaît pas comme un acquis initial dans l’histoire humaine, mais que le statut de l’individu se forme historiquement, de façon de plus en plus dense, à mesure qu’on avance dans les temps modernes. Si c’est vrai, l’intériorité individuelle ne cesse de s’élaborer. Le christianisme d’une part, la Réforme de l’autre, assument un rôle éminent dans sa constitution. Et Augustin, par ce livre, y prend une place, antécédente mais décisive. Dans les Confessions, le sujet humain se construit, de façon innovante, comme discours et monde intérieurs. On peut lire d’un bout à l’autre l’œuvre d’Aristote, en y trouvant de nombreux humains, et souvent l’âme humaine, mais celle-ci reste décrite à la manière d’une chose, comme un organe considéré du dehors. De même, dans les épopées fondatrices, en Grèce et ailleurs, paraissent des héros, qui sont des silhouettes agissantes plus que des subjectivités. La dramatisation théâtrale ultérieure activera fortement la subjectivation : ce qui différencie l’Ajax de Sophocle de son ancêtre homérique, c’est sa teneur subjective. Mais elle reste peu de choses au regard de l’approfondissement, du creusement, de l’intériorisation auxquels procède Augustin dans notre ouvrage. Au long de leurs centaines de pages, immense monologue dramatisé, les Confessions déploient le débat, le sentiment, le paysage et l’histoire d’une vie intérieure probablement sans précédent. La spiritualité augustinienne (dans ce livre), l’image humaine de Dieu qu’elle expose, fouillent le trou d’une intériorité jusqu’alors inouïe.

Or cette intériorité se délivre comme appel. Double appel : envoi lancé par le texte à son interlocuteur, et interpellation qu’il reçoit, déclare recevoir, à laquelle il entend répondre. Le "je" des Confessions, si fort, si sensible, actif et passif à la fois, ne se forme dans le langage que par son interlocution avec le tu qui l’instaure et le commande. Les premiers mots de l’ouvrage (empruntés à un psaume) sont : Tu es grand, Seigneur, et bien digne de louange 29. La première personne grammaticale ne surgira que dix lignes plus loin. Tout au bout du livre, la dernière phrase s’entame par : Qu’on te demande à toi, que l’on recherche en toi, que l’on frappe chez toi 30. La deuxième personne du dialogue est la première et la dernière du texte, qui le tient de part en part, le fonde et le porte – et c’est vrai du livre XI comme des autres. Voici l’hypothèse, qui n’a rien d’original, l’impression de lecteur saisi que je voudrais communiquer : le "je" des Confessions naît du tu auquel il s’ouvre. L’intériorité se constitue comme adresse. Le "tu" fait le "je". Les Confessions ne présentent pas une exploration intérieure qui s’exposerait ensuite devant Dieu : elles donnent forme à une intériorité toute creusée, forée, ouverte et induite par lui (– non justement, par toi 31 –), Dieu qui appelle(s). Le fond de l’intime, le socle de l’humain au profond de son abîme interne, sont extérieurs à lui. Au fond du même se tient cet autre qui ne peut être nommé que dans l’invocation.

Ces deux hypothèses (l’humain, image de Dieu comme intériorité, et l’intériorité comme appel, comme adresse) pourraient conduire à comprendre la structure du livre XI, dont je m’étonnais au début de notre lecture. À interpréter pourquoi le livre, consacré à l’essence du temps, s’ouvre par un développement sur la question, bien distincte, de la création.

Reprenons notre fil. Le plus interne à l’être humain est hors de lui. Si Dieu a fait l’homme à son image, c’est au sens où ce que l’homme a de plus intime, de plus propre, lui est impropre, donné, depuis dehors. Le plus intime est hors de soi. On peut penser alors que ce dedans, ce cœur, porté au plus profond comme un dépôt externe, est exactement ce qui exprime la condition de créature : le fait que l’être ne trouve pas sa raison en lui-même, mais dans un dehors qui le fonde. Le geste marqué au fond de tout comme trace et dépôt externes peut être compris comme la création elle-même. C’est pourquoi le temps, marque du créé comme créé, être moins qu’être tombé hors de l’éternité, c’est pourquoi le temps, dis-je, ouvre pour l’humain sa voie d’accès à la transcendance : point interne par lequel la créature remonte, mais depuis le dépôt que laisse en elle, comme son socle, la création qui la projette. C’est pourquoi aussi, sans doute, la question de l’identité est si mal posée : au fond le plus intime de l’être même, se trouve l’altérité la plus radicale. L’altérité qui nous instaure est le geste transcendant qui nous pose comme nous-mêmes, et dans lequel toute identité se trouve construite sur une extériorité infinie.

Le livre IX des Confessions contient un épisode célèbre, connu comme la « contemplation d’Ostie », ou « la vision d’Ostie », du nom de la ville portuaire italienne 32. Augustin y relate un entretien avec sa mère, Monique, laquelle mourra peu après. Les deux personnages se tiennent debout, au bord d’une fenêtre, devant le paysage des bouches du Tibre, côte à côte, « parlant ensemble dans un tête à tête très doux » 33. Durant cet entretien, une élévation mystique les soulève, au cours de laquelle, écrit Augustin, « nous élevant d’un cœur plus ardent vers l’être même, nous avons traversé, degré par degré, tous les êtres corporels, et le ciel lui-même, d’où le soleil, la lune et les étoiles jettent leur lumière sur la terre ».34 Cette ascension graduée, des étants les plus corporels jusqu’à la source lumineuse supérieure, avait été posée conceptuellement par Platon, et reprise par les platoniciens qu’Augustin fréquente assidûment. Mais il la reporte ici comme expérience, comme route, marque distinctive de tout récit mystique.

Alors, rapporte Augustin, il se produit ceci : « Et nous montions encore au-dedans de nous-mêmes, en fixant notre pensée, notre dialogue, notre admiration sur tes œuvres. Et nous sommes arrivés à nos âmes. » 35 Vous avez entendu la formule « Et nous montions encore au-dedans de nous-mêmes » – laquelle se trouve, dans cette vénérable traduction française, sonner en un alexandrin, ce qui ne gâte rien à mes oreilles. Monter au-dedans de soi : comme par jonction des deux formules symétriques citées plus haut, Dieu plus intérieur que le dedans, plus élevé que le sommet. Monter au dedans de soi, c’est cheminer dans l’intériorité vers le plus transcendant. Voici l’hypothèse au sens strict, la supposition à quoi, selon Augustin, lui-même et sa mère parviennent alors :

Si en quelqu’un faisait silence le tumulte de la chair,
silence les images de la terre et des eaux et de l’air,
silence même les cieux, et si l’âme aussi en soi faisait
silence et se dépassait ne pensant plus à soi,
silence les songes et les visions de l’imagination

– interrompons un instant ce troublant poème, où se trouve reprise l’élévation mystique depuis la terre vers le plus haut (les cieux) et le plus spirituel (les âmes), pour y glisser deux remarques. D’une part, Augustin décrit là un suspens de toutes les perceptions du monde, qui annonce et anticipe, mais dans un mode mystique, ce que sera le doute cartésien, et après lui la suspension, l’epochè de Husserl et de la phénoménologie : comme une cessation provisoire d’affectation par la réalité des choses. Mais d’autre part, cette halte en tout ce qui se montre (images, cieux, songes et visions) n’est pas décrite comme une obscurité, une cécité produite par la clôture du regard, mais comme silence, avec ce mot plusieurs fois répété. Les choses ne disparaissent pas, mais se taisent.

Ecoutons la suite :

si toute langue et tout signe
et tout ce qui passe en se produisant
faisaient silence en quelqu’un absolument 36

– vous avez ainsi entendu que le silence qui s’établit n’affecte pas seulement les choses du bas domaine terrestre : les cieux aussi font silence, et même l’âme qui se dépasse et ne pense plus à soi. Tout l’univers fait silence, dans l’âme, à cet instant supposé. On s’attendrait alors – et c’est en un sens ce qui se produit – à une affirmation, une sorte d’extase de l’intériorité. Or c’est le moment qu’Augustin choisit pour faire dire à toutes les choses :
 
si on peut les entendre, toutes les choses disent :
Ce n’est pas nous qui nous sommes faites
mais celui-là (qui) nous a faites demeure à jamais 37

Ce qui se produit donc, c’est qu’au cœur de ce silence on peut bien entendre quelque chose, et même toutes les choses, qui ont cessé leur tumulte mais qui parlent. Ce n’est pas le langage des choses qui s’est éteint, mais leur bruit. Leur langage, dégagé de ce bruit, fait entendre une parole plus intime, silencieuse, pour exprimer, avouer, annoncer qu’elles n’ont pas leur raison en elles-mêmes, mais qu’elles résultent d’un geste venu du dehors. Cette extériorité demeure, au fond d’elles, à jamais – c’est-à-dire de façon éternelle. Ainsi, lorsque toutes les choses et tous les êtres créés font silence, se dépouillent de toutes leurs images, figures et signes, ce qui se laisse voir ou entendre, c’est leur condition de créatures. Au fond de l’être, quand s’éteint le tumulte des choses, reste la prémisse inaugurale, la fondation externe. On comprend alors pourquoi Augustin a ouvert son livre sur le temps en désirant fouiller l’énigme par laquelle le temps s’origine dans l’intemporel, et prend naissance dans ce qui ignore toute naissance et tout commencement. Car loin d’être seulement une chute, ce qu’il est sans doute pour lui, le temps devient aussi le mode d’une procédure ascensionnelle qui permet de remonter jusqu’au présent de l’éternité. Mais il faut y remonter par le canal interne, par en dedans. J’y entends ce qu’Augustin induit de l’humain, et de son intimité la plus profonde. Au fond de l’humain, son dehors. Au fond du "je", toi qui m’appelle. Au point le plus instable du temps, dans sa distension intime, la transcendance intérieure.

 

Notes :

1 Par exemple à Paris, où la 96ème représentation est donnée le 10 janvier 2017 au Théâtre de…

2 La traduction adoptée pour le spectacle est la très belle version française de Frédéric Boyer, parue en 2008 chez l’éditeur P.O.L. sous le titre Les Aveux. Ci-après désignée par FB. Le livre XI est aux pp. 309-334.

3 Quid est enim tempus ? L’édition la plus utilisée dans cette présentation est celle, bilingue en deux volumes, de la Bibliothèque Augustinienne, traduction d’E. Tréhorel et G. Bouissou, introd. et notes d’A. Solignac, Desclée de Brouwer 1962. Ci-dessous désignée par BA I ou BA II. Pour cette citation BA II, pp. 298-299. Le livre XI occupe les pp. 270-343.

4 Dans l’interprétation que donne Augustin lui-même, en particulier au livre XII (BA II, pp.
379 et suiv.), « le ciel et la terre » désignent, par exemple, le monde intelligible et le monde
sensible.

5 BA II, pp. 287 et suiv.

6 Augustin introduit deux exceptions à cette équivalence, mais qui ne concernent pas le présent développement. Cf. livre XII, BA II pp. 363 et suiv.

7 À propos du manque d’être chez Augustin, on peut lire « Sur le spectacle comme forme du
mal », in D.G., Actions et Acteurs, Belin 2005, pp. 173-187.

8 BA II, pp. 299-301.

9 BA II, p. 301.

10 BA II, p. 307 et suiv.

11 BA II, p. 309. Je souligne.

12 Physique IV, 11, 219 b 1-2. La référence à Aristote ne se trouve pas, explicitement, dans le texte d’Augustin.

13 Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience (1889), GF., chap. II, pp. 107 et suiv.

14 BA II, p. 327 et suiv.

15 BA II, 326-329. Boyer traduit par « tension ». Cf. FB, p. 328.

16 Mais on pourrait parler de Husserl (E. Husserl, Leçons sur la phénoménologie de la conscience intime du temps, 1928, PUF 1996), voire d’Einstein (A. Einstein et L. Infeld, L’Evolution des idées en physique, 1936, rééd. Champs-Flammarion).

17 Kant Critique de la raison pure, trad. Tremesaygues et Pacaud (1944), PUF « Quadrige »,
p. 58.

18 Kant Critique de la raison pure, op. cité, p. 63.

19 Cf. Stanislas Roquette, « Le temps, objet de théâtre », dans CFDT : La Revue, n° 5, mai-juin 2014, repris sur https://lepenserdelascene.wordpress.com/2016/08/30/le-temps-objet-de-theatre/.

20. La tradition a extrait, et commenté sans fin, la formule en effet stupéfiante : interior intimo meo. Plus au dedans que le dedans de moi, plus interne que l’intime. S’affirme ici la thèse selon laquelle la transcendance, le divin, Dieu lui-même, sont plus intérieurs à moi que moi.

20 BA I, pp. 382-383. Trad. pers.

21 Qui fait penser à un autre syntagme comparable, longuement explicité, lui, dans le texte, le « ciel du ciel », caelum caeli. Livre XII, BA II, pp. 345-346, 357 et suiv.

22 Gn 1, 26-27.

23 J’emploie ici ce beau terme, on le voit, dans une acception bien différente de celle qu’induisent des développements récents sur le trans-humain ou le post-humain. A ce propos, voir D. G., « La limite du théâtre », conférence donnée à l’université de Francfort le 13 février 2016, dans le cadre du colloque « Theatre of the A-human », en accès libre par le lien : http://denisguenoun.org/ecrits-et-reflexions/autres-ecrits/la-limite-du-theatre-frankfurt-13-fevrier-2016/.

24 C’est là, on le voit, une proposition différente de celle qu’induit la culture grecque classique, où l’image du divin s’avance comme corps, comme corps humain (dans sa perfection nue). Proposition tout aussi inouïe. Sans doute notre modernité doit-elle recevoir, et questionner, ces deux héritages.

25 Michel Butor, La Modification, Minuit, 1957.

26 Georges Perec, Un Homme qui dort, Denoël, « Les Lettres nouvelles », 1967.

27 Montaigne, Essais, in Œuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade 1962, p. 9. Baudelaire, Les Fleurs du mal, in Œuvres complètes, Seuil, « l’Intégrale », 1968, p. 43. On peut se demander ce qu’il en est du statut du lecteur, dans les Confessions, puisque le texte, qui parle d’un bout à l’autre à Dieu, s’adresse tout de même à des lecteurs aussi. Il arrive qu’Augustin les évoque. Cf. livre IX, BA II p. 133.

28 G. Bouissou, dans BA I, p. 212.

29 BA I, p. 273. Ps. 48, 1.

30 BA II, p. 525.

31 Je fais ici référence à une ligne de pensée, qui court entre Martin Buber, Gabriel Marcel et Lévinas, et selon laquelle dire « il », à propos de la transcendance, c’est déjà la manquer. Cf. Martin Buber, Je et tu, 1923, Aubier 1969-2012, passim.

32 BA II, p. 115 et suiv.

33 BA II, p. 115.

34 BA II, p. 117.

35 Ibid., id.

36 BA II, p. 119.

37 Ibid., id