Sommaire du N° 819 (2019 T3)

Éditorial

  • Habiter ensemble la Terre

Dossier : Habiter la Terre

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Dossier du mois
Habiter la Terre

Habiter ensemble la Terre

Dans la Bible, difficile de trouver le mot nature. La notion est trop récente pour y figurer. Cette invention de la « nature » a peut-être contribué à séparer l’être humain du monde qui l’entoure, que dis-je ! Du monde dans lequel il vit.

Parler d’écologie en ce moment pourrait apparaître une mode. Mais il semble bien que ce soit une urgence dont nous avons grand peine à prendre la mesure. Des discours alarmistes qui découragent toute tentative de comportement nouveau aux discours rassurants qui prédisent un rétablissement spontané des grands équilibres climatiques, où faut-il placer le curseur ?

Sans doute ailleurs, sur une autre ligne, dans une autre perspective et, comme il est préconisé dans la Bible : en commençant par se regarder autrement soi-même. Au lieu d’opposer la nature à la culture, les humains à leur milieu, sans doute devient-il évident que ce sont nos relations qui doivent évoluer. Nos relations aux autres règnes ont été trop souvent basées sur un rapport hiérarchique. Sans doute ce travers influence-t-il aussi nos rapports humains et notamment nos politiques sociales et économiques.

Se penser comme faisant partie d’un écosystème, voilà peut-être une façon de sortir du catastrophisme ou de la complaisance.

Dans cette recherche d’équilibre, de nouvelles classifications voient le jour aujourd’hui : végétariens, vegans, flexitariens, décroissants. Et ces nouvelles cases, loin de changer en profondeur notre rapport à notre monde, accusent encore les dissensions et les ostracismes entre des humains de bonne volonté, mais qui croient encore qu’ils détiennent seuls la vérité.

Il est temps d’habiter ensemble la Terre, peut-être en évangélisant nos relations.

Pasteur Béatrice Cléro-Mazire


Les scouts, l’école de la nature

Aux scouts, on nous apprend dès les louveteaux à respecter la nature.

Par sa méthode, le scoutisme est une école d'écologie pratique. Les jeunes font l’expérience d’une vie coopérative dans la nature, où le plaisir et la joie viennent jour après jour, la nature nous offrant sa beauté différemment tous les jours. Les jours de pluie, comme les jours de beau temps, les jeunes apprennent à profiter de la forêt lors des activités et à vivre avec les aléas de la nature.

En construisant leur lieu de vie, ils apprennent que la joie ne vient pas dans un univers de surconsommation, et qu’une vie simple, saine et respectueuse de la nature rend heureux et donne confiance, jour après jour.

La forêt ne leur fait pas peur, elle devient protectrice, familière.

Les sorties des louveteaux dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye incitent les enfants à s’intéresser à l’environnement. Ils découvrent que la nature est reposante et leur permet de créer des liens entre eux, en construisant des cabanes par exemple. Les pique-niques dans la forêt, ainsi que le rangement après, leur apprennent à toujours laisser les lieux intacts après leur passage.

Pendant les camps d’été, les éclaireurs et éclaireuses construisent en équipe leur lieu de vie, en utilisant le bois de la forêt. Les tentes sont souvent installées sur des plateformes construites dans les arbres, pour se protéger de l’humidité du sol.

Ces installations leur donnent un sentiment d’appartenance dans la forêt, un sentiment de fierté d’avoir construit un lieu de vie dans un environnement sauvage.

Ils cuisinent en équipe avec peu de moyens, et des produits locaux. Ainsi, ils constatent qu’un cadre de vacances simple et modeste leur offre une expérience originale et même exotique. Lors des veillées, les jeunes jouent dans la forêt alors qu’il commence à faire nuit, mais la nature, qui leur est devenue familière, paraît rassurante et chaleureuse.

Le camp est aussi l'occasion d'apprendre à observer la nature, car on protège ce que l'on aime et on aime ce que l'on connaît. Pour faire goûter les joies de la simplicité écologique aux jeunes, nous bannissons le mot « effort » de notre discours sur l’écologie, l’écologie devenant innée et naturelle. En camp, ils se rendent compte que l'on peut cuisiner avec des produits sains et de saison. Ils apprennent à monter le camp entièrement à la main, à fabriquer la table et le four avec peu de choses, à bien choisir le bois pour le feu, à réparer ce qui est cassé et à démonter le camp sans laisser de traces de leur passage.

Lors du camp de l’été dernier, la meute a expérimenté un camp écologique, c'est-à-dire que nous avons fait le tri et un compost, et nous fabriquions notre propre lessive, notre liquide vaisselle et gel douche biodégradable. Les enfants ont fabriqué tout cela lors d’activités, et ces produits ont été utilisés tout au long du camp.

Au début, c’était compliqué d’installer l’automatisme de séparer les déchets, mais à la fin du camp, les enfants le faisaient naturellement. C’est souvent après le camp que les enfants réalisent, en comparant leur camp avec les vacances de leurs

amis, que ce qu’ils ont vécu pendant deux semaines était si particulier, et que les notions d’écologie et d’environnement prennent un sens personnel, qu’ils peuvent partager avec leurs proches.

Ils réalisent aussi que le compost et le tri des déchets sont des méthodes simples à mettre en place. Vivre dans la forêt pendant deux semaines suscite aussi des questions en eux, par exemple sur la sécheresse de certaines régions de France où il est interdit de faire du feu, ou bien sur la consommation d’eau, qui est très visible sur un camp, car ce sont les enfants qui vont remplir les jericans d’eau pour la vaisselle … Toutes ces notions leur permettent d’éveiller leur conscience écologique. Le camp leur permet de construire leur imaginaire autour d’un lieu de vie fabriqué à la main, dans le respect de la nature.

Lors des sorties, les louveteaux découvrent qu’il est possible de s’amuser dans la forêt, sans jouet ni ballon. Les éclaireurs et éclaireuses découvrent la nature lors des week-ends, ils apprennent à faire un feu en choisissant le bon bois, puis comment éteindre un feu sans laisser de trace. Les camps apprennent aux enfants que l’on n’est pas obligé d’aller loin en vacances pour s’amuser et découvrir des endroits nouveaux. La forêt a mille secrets que les enfants élucident lors des activités. Comme les camps sont organisés dans différentes régions de France, les enfants découvrent que la nature change en fonction de la région, et que le camp s’imprègne de la richesse différente de chaque lieu.

Sophie Peterson, cheftaine scoute à l’Oratoire

De l'écologie punitive à une écologie intérieure

Avez-vous déjà noté une certaine ressemblance entre l’appréhension qu’a notre société du défi écologique auquel nous faisons face et une morale religieuse désuète ? Il y a les actions bonnes pour l’environnement d’un côté (les éco-gestes), et les actions mauvaises. En ce qui concerne le changement climatique (qui n’est qu’un pan de la crise écologique que nous vivons), nous pouvons choisir de prendre l’avion tous les week-ends pour des city trips éclairs …ou bien de voyager à vélo autour de chez soi. Il s’agit dans tous les cas de distinguer le bon grain de l’ivraie : ce qui permet ou non d’infléchir la courbe de notre boulimie vers un niveau compatible avec la science climatique, respectueux de budgets carbone bien définis. Dans ce schéma, on retrouve également les indulgences. Certaines entreprises en consomment allègrement pour compenser leur addiction aux hydrocarbures. Elles prennent la forme de crédits carbone, qui consistent souvent à planter des arbres quelque part sur Terre, pour pomper un trop plein de CO2. Nous, individus, ne faisons pas autre chose lorsque nous cochons la case « compenser l’empreinte de mon voyage » en finalisant l’achat d’un billet d’avion ou lorsque nous achetons à tout-va dans des produits dits « verts » sans par ailleurs chercher à diminuer les quantités que nous consommons.

Ne nous y trompons pas : la surabondance divine, illustrée par exemple par la multiplication des pains, n’est pas une transcription littérale du réel : nos écosystèmes sont bel et bien fragiles et les ressources naturelles (sable, eau douce, minerais…) épuisables. (La surabondance divine ne s'applique évidemment pas à la matière, mais bien à Dieu, inépuisable à tous égards). Notre société essaie donc péniblement de s’adapter à une menace réelle, mais diffuse dans l’espace et dans le temps, donc peu palpable et facilement escamotable.

Refuser de s’adapter au réel, voilà donc notre folie et il n’est pas certain que les vieux outils de la morale chrétienne (bien, mal, péchés, indulgences …) soient adaptés à ce défi. Mais comment s’affranchir des indulgences écologiques sans tomber dans une écologie punitive et binaire ? Peut-être en réfléchissant à ce que l’écologie peut nous apporter dans notre for intérieur et en cessant de la voir comme une contrainte extérieure. Faire sienne l’écologie, se la rendre intérieure progressivement et à notre mesure, nous fait prendre conscience de nos dépendances, nous met en phase avec les limites physiques de notre monde.

Justine Mossé, consultante énergie et climat


Lucidité, exemplarité et proximité

« Tout est lié », crise climatique, crise sociale, crise migratoire … dans ce climat difficile auquel notre pays n’échappe pas, la lucidité, l’exemplarité, et la proximité dont parlait Jean-Pierre Rive avant les municipales de 2014 sur le site du Christianisme Social, repris par le Forum de Regards Protestants en mars 2019, semblent plus que jamais d’actualité malgré les bouleversements récents du paysage politique.

La France vient de vivre de nouvelles échéances électorales.

Elle connaît déjà les soubresauts annonciateurs de tensions qui ne demandent qu'à s'exacerber. Un trop grand nombre, parmi nous, est déjà tenté par la violence des propos extrêmes que nos lois condamnent. Certains même passent à l'acte et mettent à profit ce temps pour satisfaire une volonté néfaste et dangereuse de nuire. Quels que soient les ressorts de ces comportements, il appartient à tous, titulaires de mandats politiques, d'une responsabilité sociale ou économique, citoyens soucieux du bien public, de veiller à un toujours plus juste fonctionnement de nos institutions et de résister à toutes les paroles et les actes qui minent en profondeur notre société. Cela concerne aussi bien les pratiques d'une économie dominée par les intérêts privés, que l'électoralisme dénué de sens et que surtout la montée décomplexée du racisme, de l'antisémitisme, du rejet de l'étranger, comme de tout être vulnérable ou différent.

Pourtant, dans un monde menacé par des fléaux écologiques, économiques et sociaux et des tentations belliqueuses, il importe, sans que personne ne soit légitime pour s'installer dans une position de donneur de leçons, d'en appeler à un sursaut vital contre ces forces mortifères.

Ce sursaut passe par la mise en oeuvre, loin des idéologies ou des promesses mensongères, d'une LUCIDITE exigeante, d'un devoir de vérité qui permettent l'instauration de débats véridiques qui, sous peine d'être victimes de la dérision, doivent abandonner le terrain du dérisoire. C'est donc, entre autres, un effort à demander aux médias qui, parfois, pour optimiser une audience rémunératrice, théâtralisent des clivages plus qu'ils ne poussent à chercher des convergences. Leur rôle est de première importance dans les temps qui viennent, pour que des dialogues affranchis de tout ce qui peut nuire à la liberté, dans un souci véritable d'information et de pédagogie, donnent leur place à la diversité des opinions argumentées et constructives, accueillies dans la confiance. En évitant toute manipulation des esprits, et en écartant les expressions sommaires ou haineuses, il s'agit de restaurer le désir de construire un avenir commun ; c'est à ce prix qu'une citoyenneté réactivée manifestera un intérêt nouveau pour un système de représentation, alimenté par un regain de confiance dans les dispositifs électoraux.

Mais c'est aussi à un sursaut d'EXEMPLARITE que nous devons nous attacher : une exemplarité qui, si elle est un horizon que tout le corps social doit prendre en compte, est attendue de la part de tous ceux qui occupent une responsabilité politique, économique ou sociale ; une exemplarité qui touche aussi bien les rapports entretenus avec l'exercice du pouvoir qu'avec la possession et l'usage des biens matériels. L'autorité n'a de sens que déterminée par le désir de servir ; c'est donc à une toujours plus grande démocratisation et déprofessionnalisation des mandats

électifs qu'il faut veiller, en prolongeant les efforts sur la limitation de la durée des mandats et de leurs cumuls. Si cela concerne aussi le train de vie des responsables politiques, il est indispensable par-dessus tout que les responsables économiques acceptent une réduction profonde de leur rémunération et revenus, dont l'accroissement indécent obère toute perspective d'une dynamique féconde des rapports sociaux. Dans un monde qui voit ses perspectives de croissance battues en brèche de manière durable, il importe, pour qu'une communauté citoyenne et solidaire se rassemble et se remette en marche, que soit mis fin aux distorsions graves des niveaux de vie de ses membres, comme à l'accaparement du pouvoir par des élites trop préoccupées de leurs propres pérennités.

Par ailleurs, à un moment où le virtuel menace la relation véritable entre les personnes, c'est à un effort de PROXIMITE que l'on doit veiller ; c'est pourquoi, alors que de grandes organisations internationales montrent leur incapacité à prendre en compte les dangers qui nous menacent, et que l'individualisme se propage et reconstruit des liens factices, identitaires, communautaristes, nationalistes, nuisibles, les institutions communales et européennes peuvent être les espaces propices à concilier une appartenance territoriale de proximité démocratique, solidaire, pluraliste, où l'étranger doit pouvoir manifester sa citoyenneté, et la nécessaire mise en réseau de ces territoires. Ces espaces doivent faire l'objet de toute notre attention. Les communes et les institutions qui les fédèrent, dont les compétences devraient s'élargir par une décentralisation renforcée, peuvent être le lieu d'une redynamisation d'activités à taille humaine, de production, de commerce, d'éducation, d'habitat et de loisirs. L'Europe faite de peuples dont les histoires se sont croisées, doit devenir un espace non normatif, où, à travers le partage de traditions, de cultures, de convictions laïques ou croyantes, se confortent la réconciliation, la paix, l'ouverture et l’accueil aux différences.

C'est ainsi que l'ESPERANCE d'une vie quotidienne apaisée, la CONFIANCE dans un avenir commun toujours en construction, disposeront d'ancrages forts pour accompagner la mutation inédite que nous devons assumer et redonner le goût d'une vie commune plus harmonieuse, accueillante et plurielle.

Pasteur Jean-Pierre Rive


La nature

Devant l’Oratoire une dame guettait dans un petit télescope les faucons-crécerelle qui nichent sur la façade du Louvre alors que dans le temple, le culte déroulait ses prières. Dieu était présent auprès des fidèles comme il l'était auprès des oiseaux.

Car Jésus a dit : « Ne vend-on pas deux moineaux pour un sou ? Cependant il n'en tombe pas un à terre sans votre Père. » Matthieu 10 : 29

D’ailleurs la Bible parle de la joie de Dieu devant sa création :

L'Éternel dit à Job : « Où étais-tu quand je fondai la terre, que les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse et que les fils de Dieu poussaient des cris de joie ? » Job 38 : 4

Au Muséum national d'histoire naturelle on peut voir les traces des plantes magnifiques que Dieu faisait pousser il y a des dizaines de millions d'années et qui servaient de nourriture aux dinosaures.

Le professeur américain Matthew Fox a dit : « Dieu a conçu l'univers comme une grande cithare dont les cordes produisent toute une gamme de sons. Ce n’est pas le péché originel mais la grâce originelle. »

On est loin de la conception d'un Dieu attentif à surveiller la conduite des hommes, à les culpabiliser et exiger des prières de repentance des péchés.

Cet enthousiasme cosmique pour la création est de même nature que le saisissement que l'on éprouve devant l'immensité de l'océan, le rouge des couchers de soleil, la vie des forêts, la diversité et la beauté des animaux et des plantes.

Le voyant de l'Apocalypse a écrit :

« Toutes les créatures qui sont dans le ciel, sur la terre, sous la terre, sur la mer, je les entendis qui disaient : A celui qui est assis sur le trône, et à l'agneau, soient la louange, l'honneur, la gloire, et la force, aux siècles des siècles ! » (5 : 11-14)

Il percevait la communion dans la louange de vie de toutes les créatures ! et d’ailleurs, aimer la nature et les bêtes ne nous empêche en rien d'aimer notre prochain comme nous-mêmes !

Et s'il est vrai que les tragédies du monde et les malheurs des hommes nous touchent avant tout, il n’en demeure pas moins que Dieu a manifestement le coeur assez grand pour donner la vie à tout ce qui respire et aimer tout ce qui vit. Et nous aussi bien sûr. Cette pensée biblique nous situe avec Dieu, les animaux, la nature et toute la création dans le grand fleuve de la vie qui se meut, naît, se développe, souffre, vit et meurt pour renaître et élargit notre spiritualité qui manque parfois de souffle.

Au 16e siècle Luther avait raison de méditer la question du péché et du salut, mais aujourd’hui nous sommes plutôt préoccupés par la question de la vie du monde et de la nature. Voyez comme nos contemporains ont le sentiment d'approcher la joie de la nature en pensant aux ours dans les Pyrénées et aux loups des Alpes. Malgré les réactions - bien compréhensibles - des bergers.

Et la pression économique qui amène les éleveurs à traiter les animaux comme des « produits » dont il faut – atrocement parfois - améliorer le rendement suscite à juste titre un malaise en nous.

Le pasteur Andrew Linzey, d'Oxford, invite parfois les chiens et les chats à ses célébrations religieuses. D’autres le font déjà à Paris. Même si l'on peut en sourire, ce genre de cultes – sans pardon des péchés naturellement - ni confession de foi provoquent un regard amusé sans doute et heureux, sûrement, de Celui qui est le Dieu de tous.

La souffrance du monde est universelle. Les animaux sauvages aussi souffrent dans leur mutisme. Les lions dévorent les antilopes et la vie se nourrit de la mort avec une grande cruauté.

La croix du Christ est plantée pour tous dans notre monde. Et la Conférence mondiale des évêques anglicans a dit : « Le dessein rédempteur de Dieu s'étend à toute la création. »

Le professeur de théologie américain John Cobb a dit :

« Dieu veut-il que les hommes et les animaux soient tous végétariens ? Si c'est le cas, sa volonté est loin d'être faite ! Mais la mort violente de la nature sauvage ne me semble pas représenter le mal absolu. Il me semble que Dieu ne souhaite pas tant l'anesthésie que serait une absence totale de souffrance, que notre participation, comme les bêtes, à son dynamisme créateur, à une ‘intensité’ de vie, faite à la fois de souffrance et de joie. Et que notre joie dépasse notre souffrance. »

« Louez l'Éternel ! Monstres marins, reptiles et oiseaux, Rois de la terre et tous les peuples, Princes et tous les juges de la terre, jeunes gens et jeunes filles, vieillards et enfants. Sujet de louange pour tous ... » Psaume 148.

Pasteur Gilles Castelnau


Écologie : quelle(s) conversion(s) ?

L'Église protestante unie a mis au programme de ses synodes la question écologique. En 1983, il y a 36 ans déjà, le Conseil oecuménique des Églises avait lancé le processus “Justice, Paix et Sauvegarde de la Création”. Les Églises protestantes d'Europe du nord s'étaient alors engagées dans ce processus, mais celles des pays latins – hormis en Alsace et en Suisse – n'y étaient pas vraiment entrées.

Une dynamique nouvelle

Durant les années 2000, les instances oecuméniques internationales, l'Église catholique et les orthodoxes ont lancé diverses initiatives comme “le temps pour la création“ (du 1er sept. au 4 oct.). Côté protestant français, c'est en 2009 seulement qu'est créé le réseau Bible et Création.

Plusieurs facteurs ont sans doute conduit à ce que notre Église s'engage dans une réflexion institutionnelle sur ces questions. Il y

a bien sûr les effets délétères de plus en plus sensibles et avérés des changements climatiques, de la pollution généralisée de la planète et de la chute drastique de la biodiversité. Il y a aussi sans doute la médiatisation de la COP 21 à Paris en 2015 et l'effet d'entraînement provoqué par l'encyclique Laudato si du Pape François.

Enfin, dans cette dynamique, la démarche oecuménique Église Verte a été lancée en septembre 2017, et près d'une vingtaine de paroisses EPUdF de la Région s'y sont déjà engagées. Il faut donc se réjouir que nos communautés locales, oeuvres et mouvements, soient appelées à réfléchir sur cette question cruciale en vue des prochains synodes.

Y a-t-il une écologie chrétienne ?

En plus des motivations citoyennes que nous pouvons partager avec ceux qui s'engagent sur d'autres fondements philosophiques ou religieux, nous avons, comme chrétiens, des raisons spécifiques de le faire :

- Le premier chapitre de la Genèse présente la création et sa diversité comme une bénédiction. C'est pour cela que nous confessons un Dieu créateur du ciel et de la terre. Dieu se révèle aussi au travers de sa création, et Calvin ira même jusqu’à considérer la nature comme le « théâtre de la gloire de Dieu ».

- Dans le récit de création de Genèse 2–3, les humains reçoivent la responsabilité de cultiver et garder la terre qui leur est donnée comme lieu de vie. Il leur est aussi signifié leur statut : nous ne sommes pas des dieux, mais des créatures par nature limitées et mortelles sous le regard bienveillant du Créateur.

- Ces récits de la Genèse, qui racontent aussi l'histoire de nos vies, rappellent que nous sommes toujours précédés par un don. Ils nous appellent à recevoir avec gratitude notre vie et tout ce qui la rend possible, à vivre dans la reconnaissance, le partage et la transmission de ce don.

- Enfin, Dieu d'amour, notre Dieu est aussi un Dieu de justice. Or la crise environnementale dans laquelle nous entrons accroît les injustices aux niveaux national, international et générationnel ; les plus pauvres et les plus vulnérables en sont et en seront toujours plus affectés. Agir pour maintenir un environnement vivable est aussi une façon d’aimer son prochain et d’agir pour la justice.

La crise écologique comme crise spirituelle

La problématique environnementale n'est donc ni étrangère ni marginale par rapport à la foi chrétienne. Elle est au contraire centrale. En effet, la crise dans laquelle nous sommes est aussi une crise existentielle et spirituelle, une crise du rapport à la limite, une crise du rapport à notre finitude. Si cette crise réclame bien des conversions techniques et pratiques, elle appelle aussi, et peut-être d'abord, à une conversion spirituelle afin que les nécessaires changements de comportements soient les fruits de choix libres et libérateurs.

Pasteur Patrice Rolin, Animateur de l’Atelier Protestant

Article paru dans le n°435 d’avril 2019 de "Paroles Protestantes".