Sommaire du N° 788 (2011 T4)

Éditorial

  • « La foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas » par James Woody

Dossier : L'espérance

  • Introduction
  • Une théologie de l’espérance par James Woody
  • Deux exemples d’une éthique universelle en devenir par Jérôme Monod
  • Espérance et Amour de Wilfied Monod
  • Le « gai désespoir »... de André Comte-Sponville L'Oratoire,
  • Hier...Aujourd'hui, Demain..... par Françoise Majal
  • Activités & nouvelles de l'Oratoire du Louvre

Calendrier des cultes

Agenda des activités

  • Soirées du mardi
  • Lecture biblique de l’après-midi
  • Lecture biblique en soirée
  • Initiation à la théologie
  • Approfondissement théologique
  • Lire la Bible en grec, hébreu
  • Repas mensuels
  • Éducation biblique
  • Groupe des lycéens
  • Groupe des étudiants & jeunes actifs
  • Le scoutisme à l’Oratoire
  • Choeur de l'Oratoire

Nouvelles de l’Oratoire

  • les journées du patrimoine
  • les concerts spirituels
  • la vente de l'Oratoire
  • Appel à coups de mains

L’Oratoire du Louvre 1811-2011 - Deux siècles de protestantisme à Paris

  • L’Oratoire du Louvre et les protestants parisiens
  • Timbres et enveloppes
  • Les expositions du bicentenaire

Point financier

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Dossier du mois
L'espérance

Introduction

À l’occasion de tous ces centenaires que nous fêtons cette année nous avons préparé pour vous en juin dernier un numéro de la Feuille Rose sur notre rapport au passé, et voici maintenant un dossier qui porte sur l’espérance.

L’espérance est un thème cher au christianisme, ce qui est naturel à la foi chrétienne qui est un élan dynamique, un cheminement ouvert vers l’avenir. L’espérance est une dimension très présente dans la théologie et dans la prédication chrétienne, elle est très présente dans la Bible (plus d’une soixantaine de fois dans l’Ancien Testament et plus d’une soixantaine de fois aussi dans le Nouveau Testament).

Sauf que… l’espérance n'apparaît pas, absolument pas dans la bouche de Jésus-Christ ! Plus précisément il n’en parle qu’une ou deux fois, mais c’est pour critiquer l’espérance « Aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer ! » (Luc 6:35) N’est-ce pas étrange ? Alors que l’espérance en Dieu était une dimension importante dans l’Ancien Testament, comment peut-elle avoir complètement disparue de la foi du Christ ? Comment l’espérance est-elle ensuite revenue pour devenir un concept clé dans le christianisme ? Qu’est-ce que cela dit de notre ouverture vers l’avenir à nous, en tant que personne vivant dans ce monde et en tant qu’église chrétienne au cœur de Paris ?

Dans l’Ancien Testament,

L’espérance est vraiment placée en l’Éternel, dans son action et son accompagnement, car il réalisera ses promesses. Cette espérance n’est pas tellement l’espérance de la vie future (même pour ceux qui y croyaient alors), mais c’est l’espérance dans les coups de pouce de Dieu pour nous aider à vivre en ce monde, et c’est aussi l’espérance d’avoir le bonheur d’être avec lui, de le contempler et de le chanter.

À l’époque du Christ, bien des personnes attendaient la réalisation de ces espérances non seulement dans l’ordinaire de leur vie mais aussi d’une manière radicale, ultime, voire cosmique : la venue du Messie, du Christ, du Sauveur ultime de l’humanité et du temps, le vainqueur de la mort, pour l’éternité…

Plutôt la confiance et la responsabilité que l’espérance

Vu l’importance de l’espérance à son époque, le Christ a donc certainement supprimé délibérément la notion d’espérance dans son message, qui par ailleurs est nourri de la foi des Psaumes et des prophètes de l’espérance. Cette absence de la notion d’espérance dans la prédication du Christ est comme un silence assourdissant qui dit haut et fort que l’espérance des patriarches, des Psaumes et des prophètes est maintenant accomplie. Il n’est plus temps d’espérer mais il est temps de vivre la promesse accomplie. En effet, « le Royaume de Dieu s’est approché » nous dit Jésus, et même le Royaume nous appartient déjà, à chacun de nous, au présent. Selon le Christ, la question n’est donc plus celle d’espérer, mais plutôt de vivre de ce qui est déjà donné et d’en faire vivre les autres, d’embellir ce monde que Dieu aime.

Le message du Christ concernant l’avenir n’est plus celui de l’espérance mais c’est plutôt la confiance et la participation :

  • « Convertissez-vous, le Royaume de Dieu s’est approché » (Matthieu 4:17), c’est à dire tenir compte dans notre point de vue sur le présent et l’avenir de cette réalité qu’est le salut de Dieu donné en Christ.
  • « Ne crains pas, aie foi seulement » (Marc 5:36), cette confiance en Dieu n’est pas une attente abstraite, mais à vivre aujourd’hui, en relation avec lui.
  • « La paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » (Jean 20:21)

Dans cette attitude proposée par le Christ vis-à-vis de l’avenir, il reste bien des excellents éléments de l’espérance de l’Ancien Testament. Il reste une humilité devant cet inconnu plein de surprises qu’est l’avenir, il reste cette humilité devant Dieu, tellement plus sage et plus puissant que nous et dont le secours est irremplaçable.

Mais dans ce message du Christ il y a aussi d’autres éléments importants concernant l’avenir que ne suppose pas nécessairement une simple espérance en Dieu.

Il y a d’abord un sentiment de responsabilité personnelle pour porter ce salut au monde, en collaborant avec Dieu. Dans un sens, cela dépasse la simple espérance, et même la contredit, car si l’on espérait tout de Dieu, à quoi bon s’engager soi-même pour faire avancer le bien dans le monde ? Au contraire, le Christ nous ouvre les yeux sur le salut de Dieu qui a déjà été donné, il ouvre nos yeux sur les signes de ce Royaume déjà là, en nous et dans nos frères et sœurs. Il nous fait reconnaître cela non pour en profiter seulement, ni seulement pour attendre et espérer que la situation s’améliore encore, mais en se sentant envoyé par Dieu pour cette œuvre, avec Dieu et avec les autres humains de toute les générations présentes et futures.

Dans cette attitude du Christ face à l’avenir, il y a aussi quelque chose d’essentiel que ne suppose pas nécessairement la simple espérance ou l’espoir, c’est la gratuité. Dans l’espérance il y a comme une interrogation face à l’attente, que peut donc attendre Dieu pour avancer, peut-être que c’est moi qui ne le mériterait pas ou pas assez ? Jésus nous soulage complètement de cela. Puisque tout est déjà donné : le salut de Dieu et une assurance solide dans son amour, notre avenir est ainsi assuré, nous n’avons rien à prouver ni à acheter, nos qualités et notre palmarès ne sont pas en cause. Nous pouvons enfin ne pas avoir peur. Si nous agissons, c’est pour le plaisir de faire du bien, pour le plaisir de faire plaisir, d’améliorer le monde, de voir plus de justice et de bonheur, plus de relations vraies. Nous agissons parce que Dieu nous le propose.

Et si l’espérance encourage à l’attente confiante, le Christ nous encourage plutôt à l’action confiante. C’est vrai que nous sommes bien petits et faibles devant l’immensité des futurs possibles et de forces qui nous dépassent, nous ne sommes pas grand chose par rapport au créateur de l’univers, mais néanmoins, ce Dieu m’appelle à m’engager comme je peux et comme je veux, et s’il m’appelle, c’est que ça vaut le coup de m’engager, moi-même individuellement mais aussi en faisant corps avec les autres. Sans cette confiance en Dieu, cela pourrait sembler déraisonnable de vouloir agir, car tout semble indiquer qu’à l’échelle de l’univers et du temps l’action d’une personne humaine est négligeable et vaine. Mais non, nous dit l’Évangile du Christ, ayez confiance, l’avenir sera réellement construit aussi par votre engagement d’aujourd’hui. Comme j’ai été envoyé, je vous envoie. N’ayez pas peur, restez en relation à Dieu par la foi, nous dit Jésus, et encore « soyez intelligent comme le serpent et pur comme la colombe » (Matthieu 10:16) face à l’avenir ouvert devant nous. Cette confiance en Dieu n’est donc pas aveugle, mais responsable ; avec une part de réflexion personnelle pragmatique dans ce monde où bien des réalités sont complexes et où les ressources souvent trop limitées ; avec une part aussi de pureté, cette unification de notre être en Christ auquel nous revenons sans cesse pour nous recentrer sur l’essentiel.

L’espérance de l’Eglise

Le thème de l’espérance est revenu avec les premiers chrétiens. Cela commence immédiatement au départ de Jésus, comme on peut le voir avec ces disciples déçus par l’exécution de Jésus et qui partent en disant « Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël… » (Luc 24:21) Peut-être qu’effectivement les premiers Chrétiens attendaient que le Christ réalise le Royaume de Dieu d’une manière plus visible, plus matérielle et plus politique que ne l’a fait Jésus. Ils étaient pourtant persuadés, à juste titre, qu’il était le Christ, et devant le choc d’un monde presque inchangé à sa disparition, plutôt que de faire évoluer leur conception du salut de Dieu ils ont repris le vieux thème de l’espérance messianique. Il va revenir bientôt, disent-ils alors, il ne tardera pas. Si cette espérance est celle d’un retour du Christ en chair en en os dans ce monde, cette espérance a déjà été vaine pour la centaine de générations d’hommes et de femmes qui ont vécu depuis l’Ascension du Christ.

Mais rapidement, quand même, les chrétiens ont compris que le Christ n’était plus à attendre mais qu’il était là (Matthieu 28:20), vivant spirituellement par la foi des hommes et des femmes, et que nous étions collectivement son corps (1 Cor. 12). Paul reprend alors dans sa prédication l’annonce de l’espérance déjà réalisée en Christ : vous avez déjà été ressuscités en Christ, la gloire promise est une réalité déjà actuelle (Col 2 :10, 2 Cor. 3 :18), l’amour de Dieu manifesté en Christ est tel que rien ne peut nous arracher à lui (Rom. 8 :39). Paul est donc fidèle à l’attitude du Christ face à l’avenir : avec une ferme confiance, et avec un sentiment de responsabilité très présent aussi dans sa prédication. Mais il exprime également une belle et forte espérance, car même si la vie est entièrement déjà donnée en Christ, ce dont nous faisons l’expérience concrète, ce monde est encore comme une femme qui souffre les douleurs de l’accouchement.

Marc Pernot

Une théologie de l’espérance

La foi chrétienne apparaît parfois comme un baume pour nos souffrances. En forçant le trait, la religion peut faire penser à un antidouleur qui rendrait les croyants insensibles aux malheurs de la vie quotidienne en les transportant dans un monde parallèle où tout est beau, tout est doux, sans larmes, sans cris et sans grincements de dents. Mais la foi chrétienne n’a rien d’un opium. Au contraire, elle aiguise notre sensibilité, elle éveille notre attention et notre intérêt pour ce qui nous entoure. En formant notre conscience à travers des paroles qui dessinent des horizons de vie possible, l’Eternel nous enseigne à ressentir battre le cœur de la Création pour pouvoir en prendre soin, pour agir dans le sens de ce qui encourage la vie et refuser ce qui l’abîme.

La foi chrétienne est un feu de révolte qui anime les croyants lorsqu’ils rencontrent des situations contraires à l’espérance que Dieu forme pour nous, en raison de cette sensibilité à fleur d’âme. Nous protestons en nous fondant sur ce que l’Eternel nous appelle à vivre, ce qu’il nous annonce en terme de qualité de vie possible. Car l’espérance n’est pas un point de mire, ce n’est pas l’espoir d’un au-delà qui sera meilleur qu’aujourd’hui ; c’est ce que Dieu nous rend capable de vivre dès à présent. De là nait le conflit que pointe le théologien Jürgen Moltmann entre la réalité (ce qui est) et l’espérance (ce qui peut être) ; c’est le conflit entre tout ce qui montre la domination de la souffrance, du mal et de la mort d’une part, et l’espérance qui nous parle d’une vie harmonieuse possible, d’autre part.

L’espérance n’est pas le miroitement, un mieux être à venir, un mirage, qui rendrait notre présent plus supportable en attendant des jours meilleurs, le rêve d’une personne éveillée ; ce n’est pas un optimisme de l’homme poussé par son désir, précise Moltmann, mais un « extra nos », un facteur qui nous est étranger, qui est hors de nous, et qui vient nous contrarier, qui vient contrarier notre pessimisme, notre manque de perspective, notre manque d’avenir, qui vient nous aider à lutter contre le véritable péché : le désespoir.

En plaçant l’espérance non pas devant nous, mais en amont de notre histoire, Moltmann s’inscrit dans le droit fil de la pensée biblique qui découvre l’espérance dans la fidélité de l’Eternel pour son peuple, telle que les récits patriarcaux l’expriment, telle que l’apôtre Paul nous invite à l’expérimenter dans notre quotidien afin d’espérer au-delà de toute espérance (Romains 4/18). L’espérance n’est pas, pour autant, un oreiller de paresse qui nous dispenserait d’agir. A la manière de Charles Wagner affirmant que l’homme est une espérance de Dieu, Moltmann insiste sur notre nécessaire implication dans les affaires du monde, en transgressant « les limites où la résurrection du crucifié a pratiqué une brèche ». Ce thème de la transgression est déterminant ; transgresser, c’est attaquer le monde qui impose le conformisme, qui ampute notre futur de tout ce que Dieu nous rend capable d’entreprendre. Transgresser et non attendre car « on ne peut pas simplement espérer et attendre la Seigneurie à venir du Christ ressuscité (…). Ne pas se conformer à ce monde veut dire transformer, par sa résistance et par son attente créatrice, la forme du monde où l’on croit, où l’on espère et où l’on aime ».

James Woody

A lire : Jürgen Moltamann, Théologie de l’espérance. Paris, cerf (collection Cogitation Fidei 50).

Deux exemples d’une éthique universelle en devenir

Intervention de Jérôme Monod lors de la nuit de l’éthique 2011 sur le thème « Leçons de ténèbres et d’espérance »

En réfléchissant à une intervention au cours de la nuit de l’éthique, il y a peu, je pensais à deux choses.

Premièrement à la nature et à la réalité du mal. Il se développe secrètement comme la peste. Il se nourrit de l’instinct humain de domination et de violence, du désir d’avoir plus de pouvoir et de richesses. L’abus du pouvoir, en politique par exemple ou dans les affaires, engendre une perversion qui conduit à l’injustice et à la corruption.

Deuxièmement, à l’inverse, je songeais à tous ceux qui éprouvent le besoin aigu de chercher en eux-mêmes et au-delà d’eux-mêmes une réponse au sens de l’existence, à ceux qui ont soif de rencontrer dans leur vie la transcendance ou le sacré, le pardon et la grâce.

En vérité, cette présence du mal et du bien, elle est vraiment là, au plus profond de chaque individu.

Je me bornerai à illustrer par deux exemples la dimension universelle de l’éthique, gardienne de l’âme juste et bonne, en faisant appel à mes souvenirs de voyageur et de chef d’entreprise.

Premier exemple

En janvier 1999, Kofi Annan était secrétaire général des Nations Unies. Sa mission était de prévenir les conflits dans les états ou entre états.

Cependant, de sa propre initiative, il lance aux entreprises du monde un appel d’une toute autre nature : l’engagement d’adopter des principes éthiques universels. Kofi Annan demande aux entreprises de respecter un pacte mondial en dix points, fondé sur des principes partout valables, rédigé avec les mêmes mots, dans les langues de chaque pays : Promotion des droits de l’homme, respect de la liberté d’association et des syndicats, élimination du travail forcé, abolition du travail des enfants, élimination des discriminations, application du principe de précaution dans la politique d’environnement, avec une plus grande responsabilité de chacun, lutte contre la corruption sous toutes ses formes…

Le projet de Kofi Annan est de faire signer ce pacte mondial pacifique par des entreprises pour guider leurs actions. C’est aussi une pédagogie inhabituelle pour les dirigeants d’entreprises et pour tous leurs collaborateurs : ils assument leur engagement devant la société civile, engagement répertorié dans un site internet des Nations Unies dédié au pacte. Aujourd’hui, 6300 engagements ont été signés dans 130 pays. Ils concernent plus de 20 millions de personnes.

Le pacte rappelle qu’il faut se garder à tout instant des formes infinies du mal et de ses cheminements, car il coexiste avec le bien dans le cœur des humains comme dans les institutions, les entreprises ou les affaires.

C’est une lueur d’espoir dans le monde des entreprises. Un appel au courage : dire oui à ce qui est bien et dire non à ce qui est mal ; une espérance exigeante de vérité dans notre univers mondialisé. Le but est de mettre en pleine lumière les finalités des entreprises, des monnaies, des institutions financières et des banques, pour réorienter dans le monde le sens du progrès économique au service des hommes, en le libérant de la domination de l’égoïsme et de l’argent.

Deuxième exemple

En allant jusqu’au royaume du Bhoutan, une lumière différente éclaire une éthique philosophique du monde.

Perché dans la chaîne de l’Himalaya, grand comme la Suisse, peuplé de 800 000 habitants, on comprend en lisant la carte du monde pourquoi le Bhoutan a été conduit à s’isoler pour se protéger : il est cerné par de grandes puissances telles que la Chine avec le Tibet, l’Inde et d’autres régions incommodes.

Bouddhiste pour 80% de sa population, il est sorti au début du 20ème siècle de ses monastères-forteresses et du moyen-âge. Il bénéficie depuis 20 ans d’une monarchie constitutionnelle sous la conduite de rois éclairés. Les derniers monarques jusqu’à présent ont soutenu les principes d’une bonne gouvernance : respect des traditions afin de cimenter la cohésion du pays ; pratique spirituelle d’une philosophie de la vie fondée sur la méditation ; protection quasi absolue de l’environnement naturel et de la vie sous toutes ses formes.

Le Bhoutan est surtout connu à l’étranger par sa conception du Bonheur National Brut, qui est tout le contraire du concept occidental de Produit National Brut. Le BNB donne la primauté à ce qui est bon pour le peuple et à ce qui crée pour les hommes et les femmes de meilleures conditions d’existence : éducation, hygiène, santé, services nécessaires à la vie ordinaire. La croissance pour la croissance n’est pas le but ultime. Le vrai développement durable, c’est le renversement des objectifs économiques matérialistes qui ont cours dans le monde. Les pays occidentaux accroissent trop souvent les inégalités de condition dans la société et rendent difficile, voire impossible, l’accès aux biens les plus nécessaires d’une partie de leur population, détruisant ainsi les liens de justice et de solidarité entre les individus comme dans leur communauté.

Une question se pose :le pacte mondial, le Bhoutan peuvent-ils être des modèles pour les occidentaux ou les pays en développement ? Ce n’est pas la bonne question. La bonne question est celle qui trouvera une réponse dans la signification et le caractère universel d’un appel et d’une promesse.

L’appel est celui du pacte mondial, appel au courage d’affirmer la vérité à laquelle on croit, malgré les courants pervers du monde.

La promesse est celle du Bhoutan qui fait passer le respect de chaque être vivant et la solidarité de la communauté avant l’individualisme et le matérialisme.

Ces deux exemples qui me sont venus à l’esprit témoignent de l’éthique, partie vivante et combattante de l’avenir de notre monde.

Ecrivant pour le bulletin de l’Oratoire du Louvre, ajouterai-je que pour les protestants que nous voulons être, il y a un appel et une promesse d’une autre nature : l’appel de la foi et la promesse de la grâce par le Christ.

Jérôme Monod

Espérance et Amour

Le chrétien n'est rien, s'il n'est pas, ici-bas, le champion de l'espérance, cette énergie motrice de l'humanité.

En quoi réside le charme de l’enfance ? Elle incarne l'espérance. D'où vient aux jeunes mariés l'auréole qui flotte autour du nouveau couple, après la bénédiction nuptiale ? C'est le rayonnement de l'espérance. D'où vient aux doctrines de progrès social la puissance inouïe d'éveiller un immense enthousiasme ? Ce sont des doctrines d'espérance. Et sous quelle forme enfin, se présenta le christianisme naissant dans le monde antique…? Sous les traits éblouissants d'un Messie, annonciateur du Royaume de Dieu.

Porteurs et témoins de l'espérance, nous avons, plus que jamais, une mission à remplir. Beaucoup de nos contemporains, qui ont perdu la foi en Dieu, essayent d'échapper au désespoir... Au contraire, le chrétien espère. Il espère, non seulement pour le monde qui nous porte dans l'espace, non seulement pour la société humaine, mais encore pour les individus isolés ; et c'est là, n'est-il pas vrai ? le chef-d'oeuvre et le comble de l'espérance…

Dès lors, comment me soustraire, chaque matin, à un acte d'espérance ? Après l'acte de foi dans la réalité du monde invisible, je ferai un acte d'espérance en Jésus le Christ. En lui, dès mon réveil, je veux saluer d'avance le triomphe assuré de celui qui règnera, la fin des larmes, du doute et du péché, savourer l'honneur de servir…

Et enfin, l'acte de foi, l'acte d'espérance, doivent être complétés par un élan d'amour. L'apôtre disait : « Trois choses demeurent, la foi, l'espérance, la charité, mais la plus grande est la charité. » Comment ne serait-elle pas la plus grande, puisque Dieu est amour ? Quand j'aime, c'est l'Esprit saint qui se manifeste en moi.

Et que faut-il aimer ? D'abord, ce que je vois, ce qui m'entoure, les objets même, qui sont dans ma chambre étroite et terne. Car chacun d'eux a son histoire; les uns sont des gages offerts par l'amitié, les autres sont des souvenirs de famille, d'autres encore ont été acquis avec le salaire de mon persévérant travail. Tous, d'ailleurs, représentent le fruit du labeur humain, obstiné, séculaire, ils sont le produit d'une longue lignée d'inventeurs patients…La moindre chambrette résume des siècles et des nations.

Et puis, je veux faire un acte d'amour pour ma tâche quotidienne, si monotone qu'elle soit en apparence, et sans portée… En vivant moi-même et en faisant vivre, en travaillant de mes mains ou de mon cerveau, pour m'assurer un gagne-pain, ou, plus simplement encore, en transfigurant par la pensée, par l'âme, par la volonté, les servitudes que nous imposent le sommeil et l'alimentation, j'entre dans les desseins de Dieu, je collabore avec l'Éternel.

Enfin, j'aime surtout ceux qui sont là, autour de moi. Sans doute, ils ne sont pas toujours tels que je les souhaiterais; ils sont peut-être disgracieux, mal doués, d'un caractère difficile. Et cependant, tels qu'ils sont, ils ont besoin d'être aidés, protégés, consolés, avertis, encouragés; capables de joie et de douleur, de bien et de mal, ils ont souffert ou ils souffriront, ils ont péché ou ils pécheront, ils sont nés sans le savoir et ils mourront, peut-être, sans le vouloir... Comment ne pas les aimer ?

- Mais ils vous ont calomnié, frappé, abreuvé d'ingratitude ! Alors, le don de mon amour prendra la forme du pardon. L'âme chrétienne est comparable à une cloche qui rend toujours le même son, au choc; l'âme en qui l'Esprit de Jésus habite, n'exhale que l'amour fraternel.

Aimer est, décidément, à ma portée. Aucune créature n'est trop pauvre pour enrichir l'humanité de son amour… Mon cœur est une source inépuisable d'amour, un foyer inextinguible. « La récompense d'aimer, c'est d'aimer davantage encore ». Celui qui aime, s'enrichit de ce qu'il donne… une âme où rayonne la charité du Christ, participe à l'immensité, à la pérennité divines.

Je m'éveille avec la joie sacrée d'un homme qui ouvre les yeux à la lumière en pensant : « Mon seul devoir, aujourd'hui, c'est d'aimer ! »

Wilfred Monod,
extraits tirés de Silence et prière, 1909, p. 22-28

Le « gai désespoir »...

André Comte-Sponville est un philosophe athée mais qui n’est pas sans bienveillance avec la spiritualité et la pensée chrétiennes. Voici un extrait de ses propos, recueillis par Thomas Yadan pour Evene.fr, Janvier 2007. Il en parle plus longuement dans son 'Traité du désespoir et de la béatitude'.

Je pense que Pascal, Kant et Kierkegaard ont raison de dire qu'un athée lucide et cohérent ne peut pas échapper au désespoir. Tout espoir, pour l'athée, vient buter sur ce qu'André Gide appelait « le fond très obscur de la mort ». Toutes nos espérances viennent buter contre un fond de désespoir, qui fait partie de la condition humaine. En revanche, je crois qu'ils se trompent lorsqu'ils considèrent que le désespoir est forcément le malheur. Car l'espérance n'est pas le bonheur, bien au contraire ! On n'espère que ce que l'on n'a pas. Espérer être heureux, cela prouve qu'on ne l'est pas. Comme l'a dit Spinoza, « il n'y a pas d'espoir sans crainte ni de crainte sans espoir ».

Quand vous êtes dans l'espérance, vous êtes dans l'angoisse, donc vous n'êtes pas heureux. L'espérance n'est pas le bonheur ; le désespoir, au sens où je prends le mot, n'est pas le malheur. Ce que je montre, en m'appuyant sur les stoïciens, Spinoza et la tradition bouddhiste, c'est que le bonheur est indissociable d'un certain désespoir. Si le sage est sans crainte, il est donc sans espoir. Le désespoir, au sens où je le prends, ce n'est pas la tristesse ; c'est le fait de ne rien espérer. Tant qu'on espère le bonheur, c'est qu'on ne l'a pas. Quand on est heureux, on n'a plus rien à espérer. Cette sagesse du « gai désespoir » (clin d'œil au « gai savoir » de Nietzsche) incite les gens à comprendre qu'il s'agit d'espérer un peu moins et d'agir un peu plus.

André Comte-Sponville
Extrait d'une interview pour Evene.fr"

L'Oratoire, Hier...Aujourd'hui, Demain.....

Comme un fil invisible conduisant un peuple migrateur
Comme une tour de garde pour un peuple de guetteurs,
Comme une oasis pour un peuple de nomades,
ainsi résonne le Message qui nous rassemble tous ensemble,

Hier, Aujourd'hui, demain,

Il s'appelle : ESPERANCE

E comme Ecoute
oies sauvages S comme Salut
P comme Parole
E comme Espérance
R comme Résistance
A comme Amour
N comme Nourriture
C comme Confiance
E comme Eternel

Avec reconnaissance.

Françoise Majal