Sommaire du N° 769 (2007 T1)

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Dossier du mois
La solidarité, un grand désir humain

En France, comme dans beaucoup de pays du monde, la période de Noël n’a pas permis, pour certains d’entre nous, d’intégrer le message de bienveillance proclamé à ciel ouvert selon l’Évangile. En effet, pour de nombreux solitaires ou de familles appauvries, les espérances d’une organisation de vie décente s’annoncent dangereusement menacées. Comment s’ouvrir à la joie de l’incarnation lorsqu’on ne dispose que d’un revenu insuffisant, même pour régler les factures de chauffage, de soins essentiels ou pour accéder à un logement. Car, pour vivre, il faut bien un lieu où reposer sa tête et celles de tous ceux dont on a la charge ! Les revenus sont, trop souvent, en deçà d’un minimum vital et la quête d’un toit est parfois une démarche vouée à l’échec. Le malaise que l’on éprouve devant les situations dramatiques dont nous sommes informés, le sentiment d’impuissance qui nous désespère, ne doivent pas nous culpabiliser stérilement. Mais comment alors envisager les solidarités possibles ? 

Il en est des mots comme des bagages. Un vocabulaire passe-partout permet de voyager n’importe où et n’importe quand. Il faut cependant se méfier des mots « valise » tels que « SOLIDARITÉ » car il est bien de voyager, à condition que ce ne soit pas n’importe comment. Le substantif « solidarité » provient d’un adjectif : solidaire. La traduction, à partir du latin serait : « Pour le tout ». La solidarité est que chacun réponde de tout. Ainsi en est-il des débiteurs solidaires d’une dette contractée. Les personnes solidaires sont celles qui répondent en commun l’une pour l’autre d’une même chose. Elles sont liées par une responsabilité. On est lié forcément par un acte solidaire. Lorsque nous disons qu’il faut se méfier de ce mot, cela veut dire qu’il importe de le recevoir dans sa pleine acception. Ne jamais oublier que la solidarité engage. Elle est un mot en acte, en actualisation constante, un processus. 

On dit de deux pièces qu’elles sont solidaires lorsqu’elles sont rendues dépendantes l’une de l’autre. La solidarité n’est pas quelque chose qui se présume. Il faut en décider. Dans la relation interpersonnelle, lorsque s’impose une communauté d’intérêt, cela entraîne l’obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance.

Dans les relations associatives et notamment celles liées à l’entraide (cela est vrai aussi dans toute la vie ecclésiale), l’objectif est de développer jusqu’au cœur même de la vie cultuelle, l’assistance ou la bienfaisance. En un mot le caritatif. Ce dernier mot parfois galvaudé, qui atteste la « charité » demeure une affirmation sublime de l’amour. Comme dans toutes les formes que peut prendre l’amour, l’amour-charité exige une certaine dépendance. 

La dépendance est une manière d’être à autrui. Non seulement un vis-à-vis d’écoute, de soin, de soutien, mais un vis-à-vis de rencontre où l’engagement résulte d’une véritable empathie. La souffrance, ou tout simplement la réalité de l’autre m’atteint, non pas pour me désespérer, mais afin de mobiliser toute ma personne ; de la même manière que si je vivais moi-même cette souffrance en cherchant, comme il se doit, avec toutes mes forces, à la vaincre. Voilà peut-être ce qui est le plus éprouvant dans l’exercice de la solidarité. Il s’agit d’une dépendance entre autrui et moi, une rencontre pour, ensemble, « jouer le jeu des possibles. » 

On ne trouve pas vraiment le mot « solidarité » dans la Bible bien que l’attitude solidaire soit repérable en maints endroits. Nous apprenons que les apôtres vivaient en solidarité puisqu’ils mettaient en commun leurs biens, leurs soucis, leurs travaux et leur fidélité au message de la bonne nouvelle. Nous lisons aussi des récits qui attestent qu’il y a des limites à la solidarité. À certains moments cruciaux, nous découvrons avec effroi le triomphe de la débandade. Le récit de la Passion nous parle d’une nuit, dans le Jardin des Oliviers où c’est bien l’inverse de la solidarité qui l’emporte (Marc 14 verset 50). 

La question se pose de savoir jusqu’où aller dans la solidarité ? On ne peut pas donner à cette grande question une réponse précise. D’abord, il faut reconnaître en la matière que chacun fait comme il peut. L’injonction évangélique consiste à nous aider à transformer nos regards sur la réalité quotidienne, parfois terrifiante en nous permettant de confesser publiquement que Jésus le Christ est venu chercher et sauver ce qui était perdu ! Nous sommes un corps et pas n’importe quel corps, le corps du Christ. Pour fonctionner correctement, les parties très honorables du corps comme les moins honorables doivent agir solidairement.

Les errements, les difficultés et les détresses de tout un chacun sont là aussi pour me dire où j’en suis moi-même dans ma propre vie. Toute miséricorde est la conséquence d’un partage. Il en va de même pour la grâce de la foi. 

La solidarité ne s’exerce pas aisément. Pas plus que la pratique de la justice dont on mesure plus que jamais les difficultés. Afin d’être en état de poursuivre la marche de la vie, Jésus déclare heureux ceux qui ont cette faim et cette soif de la justice. La solidarité fait partie de ce grand désir humain. Être à l’œuvre afin de restaurer, aider à reconstruire, ressusciter !

Or, la solidarité ne nous est pas naturelle, il nous appartient de la créer, de trouver des moyens nouveaux afin que soit mieux pris en compte chaque particularité. La solidarité implique un équilibre entre n’en pas faire assez ou en faire trop.

La solidarité est le travail social de l’Église. Elle est aussi le résultat de sa dynamique spirituelle. Les personnes en situation de pauvreté matérielle, spirituelle ou morale ne constituent pas une catégorie humaine spécifique ; elles sont au milieu de nous, leur vie nous traverse. La pauvreté au sens large est une situation qui peut atteindre chacun et parfois très rapidement. Nos deux mains sont utiles dans tous les cas ; l’une pour donner, l’autre pour recevoir. En temps opportun.

Lorsque nous lisons l’histoire étonnante des vierges folles et sages dans l’Évangile de Matthieu (chapitre 25), nous voyons ces femmes se rendre à la noce afin d’attendre l’époux. 

Devant l’inflexibilité des sages à céder de leur huile alors que les lampes de leurs sœurs dites « folles » s’éteignent, nous restons perplexes. Comment donc le partage et la solidarité doivent-ils s’exercer ?

Il y a là une idée relativement simple. Pouvons-nous donner ce que l’on n’a pas ? Où plutôt sommes-nous conscients que l’huile de l’espérance, l’huile qui permet de tenir nos lampes allumées, donc notre vie personnelle, est le DON DE DIEU ? Un don gratuit, généreux, surabondant. Dieu agit toujours dans la surabondance. Dieu donne. Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier. Mais cette part est essentielle et personnelle.

Tous les marchands d’huile, toutes les institutions possibles, toutes les déclarations d’intention ne combleront jamais le vide de nos vies. Nous devons veiller sur notre réserve personnelle d’huile. Il s’agit d’une question de bon sens. L’huile de l’espérance que chante le psalmiste vient non seulement réjouir les cœurs, mais c’est elle qui ouvre les intelligences aux actions possibles. 

Pour entrer dans la fête, pour être admis aux noces de l’Agneau de Dieu, il ne suffit pas d’être riche ; ni pauvre non plus d’ailleurs, il faut recevoir précieusement et le plus simplement du monde, cette mesure que Dieu veut nous donner chaque jour. Alors, le courage du petit témoin, à l’instar des vierges sages, garde tout son éclat.

C’est au jour le jour que nous pouvons chanter ce cantique des anciennes écoles du dimanche : « Le monde est plein d’ombres, brillons, brillons bien, toi dans ton coin sombre et moi dans le mien ! » Que ces quelques versets nous paraissent naïfs ou présomptueux, il n’en demeure pas moins que notre mission sur terre n’est pas autre chose que de porter le flambeau allumé, comme un reflet de l’amour de Dieu manifesté en Jésus le Christ.

Werner Burki

Le pasteur Werner Burki, Gustave et Emma Braastad, à l'école biblique. Photo Gérard Deulin, 2007.

La solidarité internationale 

En ce début d’année 1957, qui va voir l’homme réussir un véritable exploit scientifique en donnant à la Terre son premier satellite artificiel, l’affaire aurait passionné Galilée. Mais, sur notre planète, les hommes d’il y a cinquante ans ont tant de soucis en tête qu’ils mesurent mal l’importance de l’évènement. Dans ses Nouvelles du Monde, la « Feuille Rose » s’intéresse davantage au sort des 125 495 réfugiés hongrois qui ont trouvé, en Autriche, un asile provisoire après l’invasion de leur pays par les tanks soviétiques. En France, la Cimade a collecté à leur intention plus de dix millions de francs.

La solidarité s’exerce également en faveur des Espagnols puisqu’en dépit des protestations du Conseil œcuménique, le gouvernement franquiste refuse toujours de « rouvrir le séminaire de théologie protestante de Madrid fermé il y a un an ». Préoccupations également à propos de la situation en Algérie et de ses implications en métropole. La « Feuille Rose » rapporte que « le Conseil régional de l’Église réformée invite les protestants à chercher des contacts humains plus profonds avec la population arabe afin de tenter de résoudre sans haine et dans la bonne volonté le problème de la cohabitation ».

 Douze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction du pays se poursuit, mais la tâche est sans fin, à l’instar du tonneau sans fond que devaient remplir les Danaïdes, les filles du roi d’Argos coupables d’avoir tué leurs époux. « Partout, les immeubles neufs surgissent de terre », écrit la Feuille Rose. À peine achevés, ils sont occupés. « Déjà, d’autres constructions sont entreprises. Les municipalités doublent, triplent même les écoles. Des églises (…) achèvent de se construire. Et les protestants ? ».

Eh bien, ils ne sont pas en avance, croit-on comprendre, car la paroisse de l’Oratoire relaie le souci du Synode de Paris qui, « conscient des responsabilités que lui imposent le mouvement et le développement démographique de la région parisienne, conscient également des charges qui en résulteront pour toutes les églises, a accepté d’y faire face par fidélité envers son Seigneur ». Pour parler clair et concret, il s’agissait d’aménager d’urgence le réseau des Temples de la IIIᵉ Région et, dans un premier temps, de « réunir un fonds immobilier important (30 millions) qui devra permettre les achats de terrains et les constructions indispensables ». 

Les grands problèmes de ce temps n’effacent pas les soucis internes de l’Oratoire qui, à cette époque, compte 1 100 familles, mais seulement 429 électeurs. Entre autres tâches qui requièrent la participation de très nombreux bénévoles, le pasteur Vidal cite le cas de la diffusion de la « Feuille Rose » qui, en ce temps-là était mensuelle et ne bénéficiait pas encore du concours de l’informatique. « La Feuille Rose, écrit-il, qui tous les mois vient apporter à vos foyers un écho de la vie de l’Église, nécessite pour arriver jusqu’à vous un labeur régulier qui ne dépend pas de l’administration des postes. Humblement, sans bruit, une équipe de huit personnes travaille à copier les 1 600 adresses des foyers à qui notre organe mensuel est envoyé. Écrire une adresse n’est rien. En écrire 2 000, c'est beaucoup pour une seule personne. Songez-y en brisant la bande, distraitement jetée à la corbeille à papiers sous laquelle vous parvient notre feuille ». Dommage quand même qu’avant d’envoyer un satellite autour de notre globe on n’ait pas pensé à inventer les bandes pré-imprimées d’étiquettes auto-collantes !

Roger Pourteau


L'Oratoire en fête pour l'Entraide

Bien sûr on a coutume de dire que « les absents ont toujours tort », surtout lorsque la fête fut belle et que l’on aurait voulu partager avec eux ces moments de joie et de solidarité. Alors, c’est à leur intention que nous avons rédigé cette vue d’ensemble de la Vente annuelle de l’Oratoire qui s’est tenue, comme à l’accoutumée durant le premier week-end de décembre. Un évènement en forme de point d’orgue puisqu’il couronnait une période de travaux préparatoires. 

Voici donc, comme si vous y étiez, ce qu’a été pendant trois jours l’Oratoire en fête. En entrant, dans la grande sacristie, on était accueillis par le comptoir d’alimentation, spécialement bien pourvu en prévision des fêtes de fin d’année. Il était entouré par les tables du salon de thé, sous les ailes protectrices de la colombe des croix huguenotes et des oriflammes des peintures sur soie et des foulards.

De stand en stand 

Dès l’entrée dans le temple, c’est le comptoir de la brocante, source d’objets hétéroclites, qui inaugurait le côté droit, en compagnie du stand de fringues, de celui du bric-à-brac et du large éventaire de la librairie protestante « L’Arrêt aux Pages ». Les uns et les autres « protégeant », à proximité de la chaire, la caisse centrale de notre trésorier.

Sur le côté gauche c’était l’enchaînement des comptoirs de l’artisanat, du linge de maison, de la layette, du linge ancien, des disques et cassettes, puis des parures de Noël. Tous venant buter sur une « mer » de livres anciens, elle-même prenant ses aises dès le « cap » des fleurs. 

Deux grands moments gastronomiques ont ponctué ces jours de fête puisque, selon la tradition, nos cuisinières et cuisiniers bénévoles, avec l’aide de leurs dévoués marmitons, avaient préparé les déjeuners du samedi et du dimanche servis salle Monod. Au menu du samedi : une excellente paëlla, un brie à point et une glace aux marrons qui a comblé les papilles des amateurs cévenols. Le dimanche, terrine de brocolis, veau Marengo (tout à fait digne de la victoire) et un plateau de fromages précédant un dessert très exotique : des bananes au four nappées de crème anglaise. Le tout accompagné d’un bon vin, don d’un paroissien originaire de Sommières (Gard), qui malheureusement n’a pu être des nôtres.

Intermède musical

À l’issue du déjeuner dominical, un intermède vocal et musical a très agréablement remplacé l’habituel et fastidieux tirage de la loterie. Ce superbe concert d’airs d’opéras variés, donné par trois talentueux artistes, a réuni un public nombreux et attentif qui, par ses chaleureux applaudissements, a fait vibrer notre temple. Grâce à une centaine de bénévoles, Oratoriens ou non, ces trois jours de Vente et de fêtes ont été avant tout générateurs de ressources bienvenues pour donner à l’Entraide les moyens nécessaires à sa mission de solidarité. Ce fut aussi une fête pour la paroisse, un rassemblement joyeux (y compris au moment de la plonge !). 

Que tous les artisans de la réussite soient, ici très vivement remerciés. L’équipe d’organisation tient à mettre en évidence le rôle essentiel tenu, cette année encore, par les jeunes de la Clairière, les éclaireuses et les éclaireurs qui ont prêté main forte à Gérard Deulin, notre sacristain, et à sa famille, ainsi qu’aux autres « valeureux déménageurs », pour les déplacements de chaises et les rangements afin que le temple retrouve son aspect habituel pour le culte de dimanche. 

À tous, encore merci et rendez-vous l’année prochaine !

Sophie, Catherine et Etienne


Un bon bilan financier

L’Oratoire en fête a été cette année un véritable succès Le déjeuner du samedi a réuni environ 80 convives et celui du dimanche environ 90. Les nombreux comptoirs ouverts dès vendredi à 16h00 et samedi toute la journée, et animés par près de 100 personnes, ont accueilli une grande affluence d’amis, de curieux et de « clients ». Comme chaque année, l’ambiance a été agréable et fraternelle : les journées de la vente sont une excellente occasion de faire des rencontres et de retrouver des amis.

Du point de vue financier, il est encore trop tôt pour donner des résultats définitifs car les dons sont encore acceptés et reçus avec plaisir : l’exercice ne devait être clos que le 31 décembre. Tout don reçu après cette date sera porté au crédit de la vente 2007. De plus, de petites surprises désagréables (quelques chèques revenus impayés) ne m’ont pas encore permis de faire un bilan définitif. Mais à ce jour (15 décembre), le résultat global semblait être très bon, avec presque 2000 euros de plus que l’an dernier, voisin de 21 000 euros. Certains comptoirs ont fait des recettes spectaculaires, d’autres ont été stables, d’autres ont moins bien réussi. Les résultats définitifs et la répartition par comptoir ne devraient être connus qu’après le 10 janvier 2007, lorsque j’aurai reçu les décomptes bancaires. L’équipe d’organisation de la vente tient à exprimer toute sa gratitude à ceux et celles qui ont œuvré au succès de ces journées.

Jean-Claude Hureau


L’accueil diaconel : mercredi et dimanche

« Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez ainsi la loi de Christ. » (Galates VI – 2). 

L’accueil diaconal continue : le dimanche à la sortie du culte et le mercredi matin de 10 heures à 13 heures au secrétariat (4ᵉ étage de la Maison Presbytérale). Tous ceux qui ont besoin de partager les fardeaux de la vie y trouveront un moment d’écoute, d’entraide, mais également un moment de détente et de convivialité.

Tisser des liens avec l’Oratoire et avec les paroissiens, trouver un réconfort au cours des cultes, s’aider les uns les autres, écouter avec bienveillance. Tel est le chemin que nous désirons suivre.

Le Conseil de l’Entraide, toujours soucieux de partager et d’apporter un maximum d’aide à tous ceux qui en ont besoin a réfléchi à la gestion financière. Merci de nous aider à porter les fardeaux des autres et de nous soutenir dans notre tâche. Adhérez à l’Entraide (10 Euros) et faites un don, tout ceci étant déductible de vos impôts.

Rien ne peut se faire sans vous.

Le Conseil de l’Entraide


Le don du regard partagé

En passant sur des boulevards animés, on est étonné

Par tous les clochards qui occupent le pavé, ils
attendent que la journée se termine, que la nuit
commence pour ne plus voir leur misère à

La lumière crue du jour. Sur leurs couvertures
mitées, ils regardent : une pièce lancée au hasard
rebondit, l’automatisme du donneur qui

Vide ses poches en passant. Quelques euros bien
posés dans la gamelle sont donnés sincèrement par
des gens émus par leur sort.

Et puis parfois vient le temps d’un autre don : un
bon regard de bienveillance et le donneur reçoit
alors un regard d’interrogation qui va

Le bouleverser ; moi, l’humain sur mon trottoir, je te
donne mes yeux, mon visage te regarde : il te dit
tu vois je peux te donner la conscience

De la fragilité de l’existence. Dans ce don si
sincère du regard lancé, toute mon humanité
d’homme te pénètre au plus profond de ton âme.

Passe passant, ce don du regard partagé est presque
un repas symbolique, une fraternité douloureuse,
oui ce don-là peut blesser mais aussi enrichir.

Dire que Dieu est amour ça veut dire que Dieu ne
se suffit pas à lui-même, il est don, d’où la
création et la relation avec les hommes

Sophie Roume (vice-présidente de l'Entraide)


Un nouveau président à la Clairière

Au cours du mois d’octobre, le président du Conseil d’administration, M. Henry Masson, ayant demandé à être déchargé de ses fonctions à la Clairière, a présenté sa démission. Le Conseil s’est tourné vers M. Fabrice Goguel, actuel président de l’association d’insertion BATIRE qui a accepté de devenir administrateur. Il a été élu à l’unanimité Président du Conseil d’administration le 23 novembre et sa cooptation sera confirmée lors de la prochaine assemblée générale. Nous nous réjouissons de cette nomination qui conforte, s’il en était besoin, les liens de l’Oratoire avec la Clairière. Fabrice Goguel est, en effet, un ancien de l’Oratoire. C’est dans cette paroisse qu’il a fait son instruction religieuse et sa confirmation. L’Oratoire est représenté par le pasteur Werner Burki et François Lerch, en tant que délégués du Conseil Presbytéral, Fatima Traoré qui donne un cours d’alphabétisation et d’insertion dans la vie sociale, Christiane Hureau, Etienne Hollier-Larousse, Nicole Vercruysse, Jocelyne Poujol, Gladys Brunon et Pascal Salon qui font du soutien scolaire.

Cinq pasteurs pour un Centenaire

Il était normal que le Centre d’Action Sociale Protestant (plus connu sous le sigle CASP) vienne à l’Oratoire pour y célébrer le centenaire de sa reconnaissance d’utilité publique. Un an auparavant, en effet, naissait l’Association de Bienfaisance parmi les protestants de Paris et de la Seine, dont le siège était à l’Oratoire du Louvre. C’est en 1981 que l’Association se transformera en Centre d’Action Sociale Protestant. Pas moins de cinq pasteurs ont participé, le 5 novembre dernier, au culte du Centenaire du CASP, aux côtés du Président de l’Association, Gilles Mirieu de Labarre, et de bon nombre de ses membres. Le pasteur Pierre Brès présidait le culte entouré du pasteur Pierre Fath et des pasteurs de l’Oratoire, Florence Taubmann et Werner Burki. Le pasteur Tenreiro représentait la région.


L'action du CASP. Les invités du dimanche

Organiser une trentaine de fois par an des déjeuners dominicaux pour des personnes en difficulté, tel est le défi que Madeleine Bergman a accepté de relever il y a douze ans pour le Centre d’action sociale protestant (CASP). Cette ancienne conseillère de travail en usine y est devenue bénévole en 1991.

C’est la paroisse du Luxembourg, située rue Madame, et son pasteur Samuel Sahagian, qui ont invité pour la première fois ces convives un peu particuliers. Madeleine Bergman sélectionne une quarantaine de personnes dans un fichier qui en compte 200, plus pour une question de place dans les salles paroissiales que pour refuser du monde. Un carton nominatif est envoyé à chacun mais pas trop longtemps à l’avance car lorsqu’on est trop désocialisé, on perd la notion du temps et donc on manque ses rendez-vous.

Multiplier les repas d’accueil 

Le dimanche, la solitude se fait encore plus prégnante, c’est souvent le jour où l’on rend visite à sa famille et c’est aussi le jour où il n’existe pas beaucoup de structures d’accueil pour les sans-logis. Le principe de ces repas est le suivant : des paroissiens accueillent les invités et président chacun une table. Il s’agit de jouer le rôle de maître de maison mais surtout d’être à l’écoute, une grande disponibilité se révèle indispensable : « Il faut gérer le repas, la conversation. Je veux qu’on se sente invité, reçu, que la table soit jolie. Tous les détails comptent », explique Mme Bergman. La plus grande détresse de ces gens c’est souvent leur solitude. Beaucoup ont envie de parler. Beaucoup ont pour préoccupation majeure de subsister et de trouver de quoi manger. Le jour du repas, on demande cependant au pasteur de venir passer un moment avec l’assemblée pour aussi annoncer l’Évangile. 

Dans l’idéal, Madeleine Bergman aimerait que ces repas aient lieu chaque dimanche. Mais il reste encore à convaincre de nombreuses paroisses de se mobiliser pour les plus démunis ! L’Oratoire accueillera un groupe en juin. N’hésitez pas à devenir, ce jour-là, un maître de maison un peu spécial pour offrir un peu de chaleur humaine à ceux qui en ont tellement besoin.

Visite à Maison Blanche

Un grand parc, des espaces verts, des pavillons éparpillés dans la verdure. Bienvenue à Maison Blanche, un hôpital mais aussi une structure d’accueil du CASP située à Neuilly-sur-Marne. Ici le projet « Lieu de vie de stabilisation pour femmes » a vu le jour en janvier 2006. Abdellah Bounkit, chef de service, nous explique que cette structure remplace le simple accueil de nuit, où l’on doit partir dès 8h le matin, ce qui n’est plus adapté à cette population désocialisée. Quarante femmes de 45 ans et plus vivent désormais ici après un long parcours dans la rue. On leur permet de se poser, de réapprendre à vivre au quotidien et non plus à chercher toute la journée un endroit où dormir le soir. Des associations parisiennes et les services du CASP rencontrent ces femmes sur Paris et leur proposent cet hébergement en banlieue. 

Un exemple de lieu de vie 

Elles peuvent participer à différents ateliers encadrés par une monitrice éducatrice, une psychologue, des bénévoles, un assistant social et le chef du service. Couture, dessin, art-thérapie, ki gong (relaxation), soins du visage, écriture, jardinage, travaux manuels et bientôt bureautique. Autant d’activités qui permettent de reprendre goût à la vie. Certaines résidentes sont déjà en situation d’insertion, d’autres le seront au bout de quelques mois de cette vie communautaire où l’on partage les tâches quotidiennes : nettoyage des douches et des sanitaires, entretien du linge dans la buanderie, préparation ponctuelle de repas. Fêter les anniversaires est un moment apprécié de toutes où chacune peut confectionner des gâteaux. 

Un Conseil de vie sociale a été mis en place avec des déléguées des résidentes pour l’élaboration du règlement intérieur et débattre de ce qui se passe dans la maison. Le personnel a à cœur aussi de favoriser la mixité avec le pavillon des hommes, « Cœur des haltes », qui jouxte le jardin, ainsi que des rencontres avec les patients de l’hôpital voisin. Des activités communes sont alors organisées. 

En dehors de cette vie de groupe, les résidentes se rendent à Paris régulièrement. Elles y avaient leurs repères et elles en profitent pour accomplir des démarches administratives et médicales. Depuis l’ouverture en janvier, le bilan de Maison Blanche est positif : certaines femmes vivent désormais à l’extérieur, dans un logement, en hôtel social ou en colocation. Certaines retravaillent. Cela réjouit Abdellah Bounkit, heureux de cette mission, après six années passées comme éducateur de rue. 

Ce lieu de vie a été cité comme exemple de nouveau type de dispositif à mettre en place à destination des « grands exclus » dans le rapport de l’IGAS en avril 2006. Souhaitons que d’autres structures identiques voient bientôt le jour afin de rendre vie à des femmes désorientées.

Frédéric Hebding