No fate !
Genèse 15
Culte du 13 novembre 2011
Prédication de James Woody
Vidéo de la partie centrale du culte
Genèse 15
Culte du dimanche 13 novembre 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, dans quelques heures les célébrations du bicentenaire de l’attribution de l’Oratoire du Louvre aux protestants réformés sera déjà un événement du passé. Nous serons à la fois riches de ces deux cents ans et confrontés à un problème de taille : et maintenant ? Car, bien évidemment, nous ne pouvons pas faire de cette belle histoire un fonds de commerce qui nous tiendrait lieu de futur. Il nous faut, maintenant, penser à notre avenir, à nos deux cents prochaines années.
Abram est, lui aussi, face à son avenir. Abram se pose la question de sa postérité, lui qui n’a toujours pas d’enfant alors qu’il est proche de son centenaire. Certes, Abram se souvient de la parole divine lui annonçant une très grande récompense, à savoir une terre offerte à sa postérité. Seulement, au point où il en est, Abram n’a ni terre ni héritier. Autant dire que l’avenir ne ressemble pas à ce divin rêve qu’il a au tout début du chapitre 15. L’inquiétude d’Abram quant à son avenir se perçoit très bien dans la question qu’il pose alors à l’Eternel « que me donneras-tu ? Je m’en vais sans enfants… ». Abram est particulièrement pessimiste pour son avenir, ce qui est bien compréhensible. Et, comme toute personne inquiète, il essaie de se rassurer. La parole de Dieu ne suffisant à apaiser sa crainte, il va donc chercher ailleurs des réponses à ses questions d’avenir. Comment s’y prend-il pour faire face à son avenir ? Attention, vous allez être surpris !
Abram sort et regarde les étoiles dans le ciel. Abram va couper des animaux en deux et des oiseaux vont se précipiter dessus. Abram va être plongé dans une torpeur et il va avoir une vision nocturne. Tous ces détails, nous avons tendance à passer rapidement dessus parce qu’ils nous semblent être les témoins de temps très anciens, d’un passé révolu avec des pratiques ancestrales qui n’ont plus rien de commun avec notre présent. Comme d’habitude, nous sommes attirés plutôt par les citations de Dieu placées entre guillemets dans les éditions françaises de la Bible. Et, pourtant, si nous mettons tous ces éléments archaïques ensemble, comme le fait ce texte biblique et que nous prenons la peine d’essayer de comprendre ce que cela signifie, cela ne manque pas d’intérêt.
Interroger les étoiles, se pencher sur des animaux coupés, des oiseaux qui fendent l’air… il suffit d’ouvrir Astérix et le devin pour réaliser que nous sommes en plein rites divinatoires. Abram qui lève les yeux au ciel pour regarder les étoiles fait de l’astrologie pour examiner si sa descendance est bien inscrite dans les cieux. Abram qui ouvre les entrailles des animaux ne fait pas autre chose que le devin qui surgit dans le petit village gaulois, qui interprète aussi le vol des oiseaux qui, en fondant sur Abram, pourraient bien être des oiseaux de mauvais augure. Quant à la torpeur qui s’abat sur Abram, elle va lui permettre d’avoir une vision qui n’a rien à envier à la pythie qui rendait ses oracles. Avec Abram, ici, nous sommes à Delphes, nous sommes à Troie, nous sommes à Babylone, nous sommes auprès de Nostradamus, d’Elisabeth Tessier, le nez sur l’horoscope. Il ne manque que le marc de café, les dés, la boule de cristal, les lignes de la main et le tarot de Marseille pour que le tableau soit complet.
Et ce que voit et comprend Abram a de quoi l’attrister et même le décourager : il est avancé en âge, sa femme est manifestement stérile et trop âgée elle aussi… à supposer qu’il réussisse, quand même, à avoir une descendance, elle sera vouée à tomber en esclavage dans un pays qui n’est pas le sien.
La sinistrose s’est emparée d’Abram pour qui l’avenir n’est pas flou ou incertain mais tout simplement bouché ! Abram est sans avenir. Où qu’il porte son regard, tout lui dit que son histoire est sans avenir. On lui dirait qu’il faut revoir à la baisse les prévisions de croissance, que les ressources naturelles s’épuisent dangereusement, que le réchauffement climatique va avoir des répercussions catastrophiques, que l’accès aux soins risque d’être aléatoire, que non seulement ce sera très dur de trouver un travail, mais qu’il n’est pas sûr qu’il puisse prendre un jour sa retraite, que ce ne serait pas pire. « Éternel, que me donneras-tu ? » demande Abram. Tout cela semble sans espoir.
Il n’y a pas de destin pour Israël
Tout cela semble sans espoir quand on ne s’en remet qu’aux « sinistrologues » professionnels et que l’on cherche dans le moindre événement, le moindre signe, la confirmation de ses craintes. Les textes bibliques ne disent pas si l’astrologie fonctionne ou pas, si les rites divinatoires sont efficaces ou non. Ils semblent dire, plutôt, qu’on y trouve ce qu’on a bien voulu y mettre et qu’ils renforcent nos opinions plus qu’ils n’éclairent notre vision de l’avenir. Au sujet de ce passage où Abram fait de l’astrologie, un commentaire juif, le Midrash, essaie de restituer la réaction de Dieu qui ne veut pas qu’Abram baisse les bras. « Ah ! tu as vu ton nom dans les étoiles, et tu as lu qu’il est écrit qu’Abram n’aura pas d’enfant… eh ! bien, dans ce cas, je vais changer ton nom et, désormais, tu t’appelleras Abraham et ta postérité sera aussi nombreuses que ces étoiles qui avaient voulu faire ton malheur ». Ce que l’Éternel accomplira, selon les termes de Genèse 17. Selon les mots de la tradition juive : « ‘ein mazal léIsraël », « il n’y a pas de destin pour Israël » !
Et dans le même ordre d’idée, nous pourrions faire dire à Dieu : « Ah ! tu as vu en songe la servitude de ta descendance dans une terre étrangère ? qu’à cela ne tienne, je me chargerai de libérer tes petits enfants des griffes de ces oiseaux de mauvais augure et, à supposer qu’une mer vienne s’interposer entre eux et la liberté, je fendrai en deux cette mer pour qu’ils passent au milieu, de la même manière que nous allons passer ensemble au milieu de ces animaux coupés en deux. J’en fais serment et ce sera là notre alliance ».
Cela pour dire que le Dieu d’Abram, notre Dieu, n’est pas le dieu du destin ou de la fatalité : c’est le Dieu de la promesse. Ce qui différencie les promesses de Dieu des prophéties de Cassandre, c’est que lorsque Dieu nous parle de notre avenir, il n’en parle pas comme de coups du sort qui vont nous tomber dessus. Dieu nous parle de l’avenir comme on décrit un horizon devant lequel on se trouve : Dieu nous dit que notre avenir n’est pas la somme des prédictions des climatologues, des économistes, des sociologues, des astrologues, des politologues, des coachs, instituts de sondages, des essayistes, des polémistes, ni de tous ceux qui ont un avis sur ce que sera demain. Dieu nous dit que notre avenir est d’abord ce que nous en ferons, qu’il est d’abord le fruit du regard que nous portons sur notre présent ; c’est pour cela qu’il nous aide à y voir plus clair dans notre vie, qu’il nous aide à mieux nous comprendre que nous nous comprenons nous-mêmes, qu’il épaissit le trait de cet horizon que nous avons face à nous en nous révélant à quel point nous sommes capables de certains accomplissements. La promesse de Dieu, ce n’est pas une prédiction sur l’avenir, mais la révélation de ce que nous sommes capables d’accomplir, d’ores et déjà, en nous laissant la liberté d’emprunter le chemin que nous voulons pour nous rendre vers cet horizon qu’il redéploye constamment devant nous. D’ailleurs, Dieu est tellement étranger à toute forme de fatalité, qu’il nous laisse même la liberté de ne rien faire de cet horizon ; il nous laisse même la liberté de le refuser, ou de n’en faire qu’un spectacle auquel nous serions tout à fait indifférents.
Le Dieu de la promesse est ce Dieu qui ouvre des intervalles entre notre présent et notre futur pour que nous puissions remplir notre vie de ce qui est bon pour nous, de ce qui nous rend heureux, de ce qui favorise la vie, de ce qui fait que, plus tard, nous serons fiers de notre vie et que nous n’aurons pas honte que nos petits-enfants en fasse état pour les festivités du tricentenaire ou, plus simplement, lorsqu’ils chercheront dans leur histoire familiale des raisons d’espérer contre toute espérance en constatant que leurs aïeuls – nous – n’ont pas cédé au pessimisme quand il y avait bien des signes de mauvais présage, mais que notre confiance était suffisamment forte dans la parole de l’Éternel pour continuer à écrire l’histoire là où la plupart pensait qu’il n’y avait pas de suite possible.
Cela, le film Intouchables l’exprime fort bien. Quel avenir peut-on espérer lorsqu’on est tétraplégique, cloué dans un fauteuil roulant, totalement dépendant des autres ? Peut-on vouloir autre chose que d’en finir au plus vite avec ce qui ne ressemble plus du tout à une vie ? Oui, il y a autre chose à espérer, une vie peut-être encore plus intense que celle de bien des personnes qui n’ont aucun souci de santé mais qui ont tellement baissé les bras que pour eux le dicton se vérifie : « pas de bras, pas de chocolat ! » Dieu n’agit pas à la place d’Abram, il n’agira pas non plus à notre place, mais il nous promet d’être ce genre de bouclier qui nous évite de nous laisser submerger irrésistiblement par le défaitisme ambiant. Il s’y emploie en s’efforçant de ressusciter notre existence, non pas en changeant nos conditions matérielles, mais en nous révélant notre véritable valeur et en nous révélant que nous ne sommes pas condamnés à subir tout ce qui nous arrive, mais que nous sommes capables d’être l’auteur de notre vie.
Amen
Lecture de la Bible
Genèse 15
Après ces événements, la parole de l’Éternel fut adressée à Abram dans une vision, et il dit : Abram, ne crains point ; je suis ton bouclier, et ta récompense sera très grande.
2 Abram répondit: Seigneur Éternel, que me donneras-tu? Je m’en vais sans enfants; et l’héritier de ma maison, c’est Eliézer de Damas. 3 Et Abram dit: Voici, tu ne m’as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier.
4 Alors la parole de l’Éternel lui fut adressée ainsi: Ce n’est pas lui qui sera ton héritier, mais c’est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier. 5 Et après l’avoir conduit dehors, il dit: Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter. Et il lui dit: Telle sera ta postérité.
6 Abram eut confiance en l’Éternel, qui le lui imputa à justice.
7 L’Éternel lui dit encore : Je suis l’Éternel, qui t’ai fait sortir d’Ur en Chaldée, pour te donner en possession ce pays.
8 Abram répondit: Seigneur Éternel, à quoi connaîtrai-je que je le posséderai?
9 Et l’Éternel lui dit: Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe.
10 Abram prit tous ces animaux, les coupa par le milieu, et mit chaque morceau l’un vis-à-vis de l’autre; mais il ne partagea point les oiseaux. 11 Les oiseaux de proie s’abattirent sur les cadavres ; et Abram les chassa.
12 Au coucher du soleil, un profond sommeil tomba sur Abram ; et voici une frayeur et une grande obscurité vinrent l’assaillir. 13 Et l’Éternel dit à Abram: Sache que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera point à eux ; ils y seront asservis, et on les opprimera pendant quatre cents ans. 14 Mais je jugerai la nation à laquelle ils seront asservis, et ils sortiront ensuite avec de grandes richesses. 15 Toi, tu iras en paix vers tes pères, tu seras enterré après une heureuse vieillesse. 16 A la quatrième génération, ils reviendront ici; car l’iniquité des Amoréens n’est pas encore à son comble.
17 Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés. 18 En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abram, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate, 19 le pays des Kéniens, des Keniziens, des Kadmoniens, 20 des Héthiens, des Phéréziens, des Rephaïm, 21 des Amoréens, des Cananéens, des Guirgasiens et des Jébusiens.