Jésus ou l’échappée pascale

Marc 14:50-52 , Marc 16:1-8

Culte du 12 avril 2020
Prédication de Béatrice Cléro-Mazire

Video du culte

Dimanche de Pâques 12 avril 2020
26ème jour du confinement national

Culte à destination du site Internet

Liturgie par le Pasteur Agnès Adeline-Schaeffer
Prédication par le Pasteur Béatrice Cléro-Mazire
Musique :

  -  David Cassan : Haendel variation sur À toi la gloire
  -  Sarah Kim : la danse macabre de Saint-Saens
  -  David Cassan improvisation
  -  Sarah Kim : la danse du feu de Manuel de Falla.

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« Elles ne dirent rien à personne car elles avaient peur. »


            Voici, le message de la bonne nouvelle de la résurrection dans l’Évangile de Marc : « Elles ne dirent rien à personne car elles avaient peur. » Incroyable fin que nous propose l’Évangile de Marc. Un évènement extraordinaire qui reste là, dans le secret du cœur de trois femmes tétanisées par la peur.
            Cette première fin de Marc montre des débuts apostoliques difficiles. Dans une telle situation, que serait devenu ce groupe de personnes suivant Jésus et mettant sa foi en lui ? Et que serait-il advenu de l’Église de Jésus Christ ? Aurait-elle seulement vu le jour, si les choses en étaient restées là ?
            La première fin de cet Évangile est marquée par la peur. Une peur compréhensible si l’on se remémore la cruauté dont ces femmes ont été témoins durant la crucifixion de Jésus. Une mort infamante et, dans Marc, décrite comme un moment d’abandon absolu, puisque : même ceux qui ont été crucifiés avec Jésus l’insultent de là où ils sont suppliciés. Dans la passion selon Marc, Jésus n’est le Seigneur de personne, il ne promet de place au ciel à personne, et sa solitude est complète.
            Une peur compréhensible aussi si l’on comprend les enjeux qui sous-tendent la disparition du corps de Jésus. Dans la tête des femmes qui sont venues l’embaumer, les questions se bousculent : qui est venu voler le corps ? Pourquoi ? Comment cette pierre énorme a pu être roulée avant même qu’elles arrivent au tombeau, et par qui ?
            Une peur bien compréhensible aussi, quand on imagine ces femmes, entrant dans le tombeau et se retrouvant face à un jeune homme vêtu de blanc. Ou bien est-ce l’accomplissement de la parole prononcée par Jésus : « après mon réveil, je vous précèderai en Galilée » (Marc 14, 28) qui fait tellement peur aux femmes car elles se souviennent de la référence que Jésus fit alors au prophète Zacharie : « je frapperai le berger et les moutons seront dispersés » (Za 13, 7).
            Les femmes comprennent, sans doute que l’accomplissement de la prophétie de Zacharie n’est pas sans conséquence pour elles aussi. Ne sont-elles pas aussi parmi les moutons d’Israël ?
            Quel est ce signe ? Comment déchiffrer ce tombeau vide ? Le messager, dans le tombeau, ressemble à une mémoire vivante qui rappelle les femmes aux dires de Jésus. Elles, qui croyaient à une fin de leur service, se retrouvent menacées à leur tour par les conséquences de cette fin, par les suites de cette fin abrupte, par le prix de ce vide inattendu.
           
            En toile de fond de la passion de Marc, les prophéties de Zacharie nous parlent de trois bergers qui sont frappés et destitués (Za 11, 8)  (peut-être les trois pouvoirs, religieux, politique, et militaire ?), le prophète nous parle de moutons décimés, de catastrophe pour Jérusalem et pour toutes les nations qui sont venues la combattre et l’assiéger. Zacharie nous parle d’une nouvelle alliance, à d’autres conditions, avec d’abord une fuite dans les montagnes de Galilée, puis une consécration de Jérusalem au Seigneur. Les signes de cette consécration seront les suivants: plus de marchands dans la maison de Dieu, une marmite de viandes sacrifiées dans chaque maison ; comme si chaque maison devenait un temple du Seigneur ;  et  plus personne pour prophétiser à la place de Dieu, comme si la voix était entendue de tous, et n’avait plus besoin d’eux. Voilà ce qu’avait annoncé la prophétie de Zacharie. Une destruction du monde ancien et une nouvelles Jérusalem, fondée sur la fidélité et la foi sincère en Dieu.
            Alors, quand les femmes découvrent le tombeau vide, elles ont de bonnes raisons d’avoir peur du signe annonciateur que ce vide représente. Car pour elles, il est annonciateur des prophéties de Zacharie. Les références que l’auteur fait à Zacharie nous le laissent penser.
            C’est le propre du vide de provoquer la peur. En effet, quand on ne peut plus se rattacher à rien, la peur du lendemain commence.
            Si le corps de Jésus avait été embaumé par les femmes au matin de Pâques, c’est la foi elle-même qui aurait été embaumée, conservée dans le parfum nostalgique du passé, dans la tradition séculaire de l’adoration des reliques. Si au matin de Pâques, les femmes avaient trouvé la dépouille mortelle de Jésus, le Nazaréen, le Christ ne serait sans doute jamais advenu.
            Car le tombeau, ici, n’est pas un reliquaire devant lequel on s’agenouille, le tombeau vide est comme le saint des saints : une expérience du vide qui dit le sacré.
           
            La fuite des femmes devant le tombeau laissé vide est le symbole qui nous relie le plus justement à l’évènement Christ. Et cet évènement qui survient dans l’espace laissé libre pour Dieu, pour l’indicible divin, pour l’inestimable sacré de nos vies.
            Ce n’est donc pas d’une religion instituée dont les femmes ont maintenant à témoigner, mais d’un évènement qui bouleverse le temps et l’espace et dans lequel s’accomplit la réalisation, d’un monde nouveau, converti à d’autres règles, à d’autres exigences.
            La première église elle-même a eu peur de ce vide et a voulu le combler avec une dogmatique qui fixe l’orthodoxie de la foi. En effet, un peu plus loin, après cette première finale de Marc, on trouve un texte ajouté, qui dit : Puis il leur dit : Allez dans le monde entier et proclamez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui deviendra croyant et recevra le baptême sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné (Marc 16, 15-16). On constate ici combien ce vide laissé par le Christ est comblé par ceux qui ont eu peur de la liberté des croyants, de l’incertitude pour l’avenir de la communauté, et qui ont voulu très vite instituer des normes et des critères pour homologuer les bons chrétiens.
            La nouveauté fait peur. Et cette peur peut être soit stimulante, moteur de nos plus belles énergies pour vivre, pour ne pas lâcher demain, pour inventer l’avenir. Mais la peur peut aussi nous tétaniser et nous empêcher de nous laisser inspirer. La peur décuple nos forces pour sauver notre vie, mais elle peut aussi anéantir ces mêmes forces et nous empêcher d’avancer vers demain.
           
            En ce matin de Pâques, nous sommes enfermés avec la crainte d’une atteinte à notre vie et à celle des autres. Et dans cette peur de l’avenir, naissent d’autres peurs. La peur de ne plus rien maîtriser avec nos forces humaines, la peur de perdre le pouvoir sur nos vies et nos projets, la peur de ne pas retrouver le monde d’hier ; demain, quand tout sera fini. La peur de ne pas retrouver tous les amis, et de découvrir que le fléau a frappé ceux qui nous étaient chers, sans que nous le sachions.
            Les faux prophètes se déchaînent en ce moment même sur tous les réseaux où la parole peut circuler, non pas pour donner à chacun des encouragements et de l’espoir, mais pour s’appuyer sur la peur du lendemain en la transformant en peur de Dieu. Eh oui, la crainte de Dieu, est redevenue tendance. Le fléau auquel nous sommes confrontés est présenté par ces malins, comme une punition de Dieu. Ils préconisent même la conversion de la foi confiante en crainte servile. Quelle misère de croire qu’on peut utiliser Dieu à ses propres fins d’orgueil et de pouvoir !
            La peur du vide permet cela et ils sont nombreux, en religion, à utiliser cette réalité humaine pour prêter à Dieu leurs propres désirs, puisque Dieu est invisible et muet dans les formes habituelles du discours.
            Mais c’est précisément dans ce vide que Dieu se fait une place. C’est précisément là qu’il nous parle, qu’il nous suscite, qu’il nous inspire et nous insuffle la vie.
            En ce matin de Pâques si particulier, nous sommes devant le vide d’un tombeau et nous pouvons choisir entre l’enfermement dans la peur et la course pour rejoindre celui dont la parole consolatrice habite nos propres vides. 
            Courir le rejoindre ? Mais c’est impossible me direz-vous. Nous sommes coincés, confinés, contraints, empêchés. Nous attendons.
            Pourtant c’est bien d’une libération dont il est question dans ce récit de résurrection. Jésus était enfermé dans la mort et pourtant, les femmes ne le trouvent pas dans le tombeau. Il ne les a pas attendues. Il en est libéré, il existe autrement, il vit, malgré la mort. Et le jeune homme vêtu de blanc, assis dans le tombeau est comme une page blanche où les femmes peuvent écrire librement la suite de leur chemin de foi.
            Comme le jeune homme nu qui échappe aux gardes au jardin de Gethsémani et qui réapparaîtrait ici, il est la vie, celle qu’on invente à chaque pas. Celle qui échappe et reste libre, malgré la force, malgré les contraintes, malgré la peur. Parole vivante qui ne se laisse pas supplicier.
            Jésus s’en est allé, il n’a pas attendu qu’on l’embaume, il échappe à tous les pouvoirs qui voudraient l’utiliser pour leur propagande. Il est libre de tous les mausolées. Il passe, libéré de tout corps mortel,  Parole éternelle donnée aux hommes comme un souffle.      
            Il nous faut vivre, frères sœurs, il nous faut vivre, mais pas pour la conservation de nous-mêmes comme si nous étions destinés à devenir un jour des reliques.
            Il nous faut être des évènements vivants, comme ce jeune homme nu qui surgit dans l’Évangile, nu sous son drap blanc, et qui laisse dans les mains du garde qui veut le saisir, le drap qui le couvrait, comme on laisse son linceul. Il est vivant, il échappe à toute contrainte, même celle de la mort. Il n’a rien d’un personnage historique, il est devenu symbole, langage de vie qui traverse le récit comme un trait de lumière.
            Il nous faut vivre, comme Jésus lui-même a vécu, en jetant dans le temps et l’espace l’évènement de sa venue ; devenant ainsi le Christ, parce qu’il s’était laissé suscité par l’inattendu de Dieu. Sauveur parce que mouvement du salut.
Il nous faut être, sincèrement, pleinement, avec nos peurs et nos audaces, être en affrontant la vie qui nous est donnée, non pas avec la peur du lendemain, du moins pas en la laissant nous conseiller, mais en la conjurant par nos actes de foi.
            Beaucoup de nos concitoyens se mobilisent pour les autres, chacun, là où il est, peut aider les autres avec ses possibilités. En soignant, en assistant les plus démunis, en continuant à distance son activité professionnelle, mais aussi en colportant l’espoir, l’amitié, la consolation pour ceux qui n’ont que leurs mots pour aider. 
            En ces jours lourds où il faut tenir, dans l’attente de jours plus beaux ou dans le courage de l’action solidaire, laissons Dieu susciter en nous cette vie libérée  de ce qui aurait dû être ou de ce qui n’aurait jamais dû être. Mettons notre énergie à garder la foi, l’espérance et l’amour gouverner nos actions. Rien n'est encore écrit puisque le tombeau est vide.
            Nous aurons des jours meilleurs, et alors, il nous faudra toute notre vitalité pour ne pas oublier ceux qui auront le plus souffert et que Dieu nous confiera. 

            Le Christ est sorti du tombeau, courage, frères et sœurs, il nous précède et nous ouvre un horizon.
                                                AMEN.

Lecture de la Bible

Marc 14 : 50-52 et Marc 16 : 1-8

Alors tous l'abandonnèrent et prirent la fuite. Un jeune homme le suivait, vêtu seulement d'un drap. On l'arrête, mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu. (…)

Lorsque le sabbat fut passé, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates, pour venir l'embaumer. Le premier jour de la semaine, elles viennent au tombeau de bon matin, au lever du soleil. Elles disaient entre elles : Qui roulera pour nous la pierre de l'entrée du tombeau ? Levant les yeux, elles voient que la pierre, qui était très grande, a été roulée.
En entrant dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche ; elles furent effrayées. Il leur dit : Ne vous effrayez pas ; vous cherchez Jésus le Nazaréen, le crucifié ; il s'est réveillé, il n'est pas ici ; voici le lieu où on l'avait mis. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. Elles sortirent du tombeau et s'enfuirent tremblantes et stupéfaites. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

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