Qu'est‑ce qui t'a pris Seigneur, de créer un monde pareil ?

Qu'est‑ce qui t'a pris Seigneur, de créer un monde pareil ?

Ce monde où nous sommes projetés
comme des chiots aveugles

Ce monde où il fait froid, où l'on a faim,
où l'on se débat dans les ténèbres

Ce monde où tout me pose question,
même ma propre existence

Certes la nature est belle, apaisante, bienfaisante,

Mais que sait‑elle de ma détresse ?

Parfois j'y crois découvrir ton visage.
Mais puis‑je te reconnaître dans la tempête, la foudre, les cyclones,
les tremblements de terre ?

Les hommes ne parlent que d'amour,
n'aspirent qu'à l'amour

Mais, vois ce qu'ils en font !

Es‑tu le spectateur curieux de nos incessants efforts et de nos innombrables échecs ?

Poursuis‑tu impassible
tes expériences de vivisection ?

Ou bien, souffres‑tu comme nous, avec nous,
de nos interminables tâtonnements ?

Es‑tu le Créateur tourmenté de ne pouvoir accoucher de ton oeuvre ?

Te blesses‑tu jour après jour aux aspérités de la matière, et à la résistance des hommes ?

Tu serais le plus dépendant des êtres si,
comme nous, tu dépends de ceux qui dépendent de toi.

Tu serais le plus douloureux des êtres si,
comme nous, tu as plus mal de la souffrance des autres que de la tienne.

Tu serais le plus impuissant des êtres si,
comme nous, tu ne veux rien imposer
à ceux que tu aimes.

Je crois que tu nous précèdes
dans l'immense compassion
qui te rend solidaire de tous les torturés,
de tous les déchirés du monde.

Quelle foi doit t'animer
pour que tu continues chaque jour
à parfaire ton ouvrage !

Quelle espérance
pour que rien ne te décourage !

Je sais, nous sommes envers toi impatients, impérieux, ingrats, injustes.

Mais notre besoin de te connaître,
notre besoin de t'aimer sont tels
que nous ne te laissons pas le temps
d'achever ton oeuvre et de t'y révéler.

La Création est Passion et Patience.

Le monde est dans les douleurs
d'un mystérieux enfantement

Que ma patience réponde à ta patience
comme ta Passion d'amour
répond à la mienne.

Louis Évely, chaque jour est une aube

Louis Évely