Retour tragique de l’Exil

Culte du 18 novembre 2018
Prédication de Gilles Castelnau

Vidéo de la partie centrale du culte

Nous sommes à Jérusalem à la fin du 6e siècle av. JC, on vient de rentrer de l’Exil à Babylone. On y était depuis près de 50 ans et pendant tout ce temps on attendait le retour : « Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions… » (Ps 137)

Et maintenant que ça y est on est bien déçu. Ce n’est pas ainsi que les choses devaient se passer.

Les Juifs revenus d’Exil : Comme en Exil on n’avait plus le temple où Dieu résidait et comme on n’avait plus le roi garant de l’ordre de Dieu, on ne savait plus à quoi se raccrocher. On perdait notre identité. Alors les prêtres nous ont montré qu’en respectant les rites comme le shabbat, la nourriture cachère, la circoncision, les purifications rituelles (se laver les mains, laver les plats d’une certaine manière etc), on restait fidèle même à l’étranger. C’était bien.

Des Israélites qui n’avaient pas été déportés pour une raison ou pour une autre se trouvaient déjà là.

La cohabitation avec eux n'était pas facile. Ils étaient restés dans une ville presque en ruine, personne ne s’occupait d’eux, ils faisaient n’importe quoi : Ils ne mangeaient même pas cacher, ils ne faisaient pas shabbat. Ils ne respectaient rien : « Ils mangent de la viande de porc, ils ont dans leurs assiettes de la nourriture non cachère. » (Es 65.4)

Et en plus ils occupaient nos maisons que nous avions dû abandonner !
Ils disaient qu’ils étaient des Israélites mais pour nous ils étaient comme des étrangers. Et Esaïe disait d’eux (peut-être aussi, il est vrai, de certains de nous) : « J'ai appelé, dit Dieu et ils n'ont pas répondu, j'ai parlé, et ils n'ont pas écouté ; ils ont fait ce qui est mal à mes yeux, et ils ont choisi ce qui me déplaît. » (Es 66.4)

D’ailleurs certains étaient devenus véritablement idolâtres : « Vous dressez un autel au Dieu Gad, et vous buvez à la coupe du Dieu Meni ! » (Es 65.11)

Ils n’ont pas les mêmes valeurs que nous, ils ne pensent pas comme on a toujours pensé (quoique certains disent que dans le temps, nous aussi, priions Baal et Astarté).

Et puis il y avait les étrangers.

Introduits par les Babyloniens avec Nabuchodonosor ou des immigrés économiques qui s’étaient faufilés. Ils n’étaient pas israélites. Ils n’avaient rien à faire en Terre sainte mais ils étaient là. Certains avaient aussi pris nos maisons. Ils étaient installés et ne voulaient pas bouger. Ils avaient leurs coutumes et leurs Dieux.

Alors les prêtres se sont sentis obligés d'écrire dans le Lévitique : « Vous traiterez l'étranger en séjour parmi vous comme un citoyen du milieu de vous ; vous l'aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d'Egypte. » (Lév 19.33) 
On n'a pas été étrangers au pays d’Égypte il y a très longtemps. On l’a été récemment au pays de Babylone.

On ne souffre plus de la Déportation, ni de la guerre. Il n’y a plus de détresse particulière, de famine par exemple, ou d’épidémie. Mais on est mal. On se déprime. On est déstabilisés. On se demande ce que fait notre Dieu. Il ne fait rien alors que les murs de Jérusalem ne sont même pas reconstruits et le Temple non plus.

Le peuple a le moral en berne. On ne voit pas comment les choses pourraient aller mieux le lendemain alors que tout va dans la mauvaise direction. Comment pourrait-on vivre fidèlement et heureusement dans une Terre sainte qui ne semble plus sainte, où rien ne fonctionne plus comme il convient et où même Dieu semble ne plus se préoccuper de rien.

Et voilà Esaïe qui prend la parole sur l’esplanade du Temple.
Et les gens ont copié ses paroles, transmises de génération en génération jusqu’à aujourd’hui !
(Notons qu’il parle à l’ « inaccompli ». En hébreu il n’y a pas de présent, de passé et de futur. Il y a l’ « accompli » et l’ « inaccompli ». L’inaccompli est, comme son nom l’indique, tout ce qui n’est pas accompli et passé. C’est l’action en cours, le futur, le présent, le conditionnel, l’éventuel.)
« Je crée Jérusalem pour l'allégresse et son peuple pour la joie. » (Es 65.19)
Dans l’ambiance de dépression, d’anxiété, du « tout va mal », Dieu lance le mot « joie » et reprend l’idée d’une nouvelle création.

Les prêtres venaient d’écrire Genèse 1 :
« La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : - Que la lumière soit ! Et la lumière fut. » (Ge 1)
Un dynamisme créateur de renouvellement, de création heureuse.

Les théologiens du Process le disent bien : Dieu ouvre sans cesse l'avenir, injecte des possibilités nouvelles dans nos pensées et dans le monde.  Il ne détermine pas celles qui seront retenues ou refusées : il propose et l'homme ou la nature dispose. Et à nouveau l’Esprit de Dieu plane sur le chaos. Les jeux ne sont pas faits. La situation ne va pas durer. On n’est pas immobile dans un monde sans avenir. Il y a une force de vie à l’œuvre dans Jérusalem même si on ne la voit pas. Elle agit dans les cœurs, si on veut bien lui ouvrir son cœur. C’est dès maintenant que Dieu dit : « Je fais de Jérusalem mon allégresse, et de mon peuple ma joie. »
L’allégresse et la joie de Dieu sont pour nous aussi.
Il y a communication de l’Esprit heureux de Dieu sur ceux qui y croient.

C’est pour un avenir ici et maintenant, et pas plus tard, politique et non pas religieux.
Qu’est-ce qui ne va pas ? Les maisons ? « Ils bâtissent des maisons et les habitent… »
On va se mobiliser, relancer une cohésion sociale et tout reconstruire et réorganiser courageusement. On se souvient du mot d’ordre fréquent dans l’Ancien Testament pour désigner la vie heureuse et paisible du shalom : « Chacun de vous vivra sous sa vigne et sous son figuier, et boira de l'eau de sa propre citerne », Es 36.16
Il y a un Esprit dans l’air, il y a Dieu !

Dieu ? Vous y croyez ? Y a-t-il un Dieu de la vie ?
- Pour parler de Dieu, et le décrire, il ne faut pas se focaliser sur sa nature, il faut parler des hommes : Esaïe ne dit pas : priez, venez trois fois par semaine à la synagogue, chantez des cantiques, détachez-vous de vos soucis et unissez-vous à Dieu.  Il dit : Voyez qu’on peut trouver en soi un élan qui nous dépasse.

Pour comprendre la vie humaine il ne suffit pas de faire de la psychologie. Il faut parler de Dieu, de son dynamisme créateur, de son souffle de courage et de force qu’il insuffle dans l’humanité. Il faut dire : l’homme est un être étonnement capable. Pour comprendre Dieu il faut parler de l’homme et pour comprendre l’homme il faut parler de Dieu.

- Esaïe ne dit pas que Dieu va tout faire, ce sont les hommes qui vont bâtir des maisons : c’est Dieu qui les en rendra capables. Dieu est en nous, il n’est pas sans nous, il est plus que nous.
Ce n’est pas Dieu qui remplacera les immeubles effondrés de Marseille, qui arrêtera la guerre du Yémen, qui protégera les Rohingyas chassés de Birmanie, qui guérira les cancers, le sida, qui redonnera du courage aux Français déprimés, qui s’occupera des licenciés, des délocalisés, des chômeurs, des immigrés, des endeuillés.

Certes il apporte la force, l’élan, le courage, l’espoir permettant la solidarité, l’entraide, le soutien mutuel, le courage de vivre. Mais c’est aux hommes de mettre en œuvre l’action que Dieu suscite en nous.
Albert Schweitzer disait qu’avant de se demander si on croit en Dieu il faut commencer par faire quelque chose dans la direction qu’il indique.

Eschatologie

Ésaïe prolonge son discours : « Le loup et l'agneau paissent ensemble ». N’oubliez pas que Dieu parle toujours à l’inaccompli, au temps de l’action en cours : la fin du monde n’est pas dans un au-delà, un autre monde. Elle ouvre à un monde autre qui est en train de se créer.

L’esprit créateur de Dieu est prolongé totalement, à l’infini. N’est-on pas sorti d’Égypte ? Le Christ n’est-il pas ressuscité ? c’est le rêve de Dieu dans lequel Ésaïe nous fait entrer. Pensons à Martin Luther King : « Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Géorgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. »

Et j’aime bien le rêve qu’Alfred de Musset imaginait dans le cœur de son amoureuse :
« Peppa à quoi rêves-tu ? A ta robe, aux airs que tu danses, peut-être à moi, peut-être à rien... »

Lecture de la Bible

Ésaïe 65/17-25 17 Car je crée de nouveaux cieux Et une nouvelle terre ; On ne se rappellera plus les événements du début Ils ne remonteront plus à la pensée. 18 Réjouissez-vous plutôt Et soyez à toujours dans l'allégresse, A cause de ce que je crée ; Car je crée Jérusalem pour l'allégresse Et son peuple pour la joie. 19 Je ferai de Jérusalem mon allégresse Et de mon peuple ma joie ; On n'y entendra plus Le bruit des pleurs et le bruit des cris. 20 Il n'y aura plus là De nourrisson vivant quelques jours seulement, Ni de vieillard qui n'accomplisse pas ses jours ; Car le plus jeune mourra à cent ans, Et le pécheur âgé de cent ans sera (considéré comme) maudit. 21 Ils bâtiront des maisons Et les habiteront ; Ils planteront des vergers Et en mangeront le fruit. 22 Ils ne bâtiront pas des maisons Pour qu'un autre (les) habite, Ils ne planteront pas Pour la nourriture d'un autre ; Car les jours de mon peuple seront comme les jours des arbres, Et mes élus jouiront de l'œuvre de leurs mains. 23 Ils ne peineront pas en vain Et n'auront pas des enfants pour l'épouvante. Car ils formeront la descendance des bénis de l'Éternel, Et leur progéniture sera avec eux. 24 Et alors, avant qu'ils m'invoquent, Moi je répondrai ; Ils parleront encore, Que moi j'exaucerai. 25 Le loup et l'agneau auront un même pâturage, Le lion, comme le bœuf, mangera de la paille, Et le serpent aura la poussière pour nourriture. Il ne se fera ni tort ni dommage Sur toute ma montagne sainte, Dit l'Éternel.

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