Pâques 2021 - Culte du Jeudi Saint

jean 13:1-30

Culte du 1 avril 2021
Prédication de Béatrice Cléro-Mazire

Culte du 1er avril 2021

Culte du jeudi saint
au Foyer de l'Âme
avec les communautés de l’Oratoire du Louvre et du Foyer de l’Âme.

Lecture de l’évangile selon Jean (Traduction : Bible Bayard)
Méditation par Béatrice Cléro-Mazire
Extraits de la Passion selon Saint Jean de J.S. Bach par un ensemble musical éphémère
avec :

Sopranos : Virginie Thomas, Eugénie Lefèbvre
Altos : Marine Fribourd, Leandro Marziotte
Ténors : Carl Ghazarossian, Marcio Soares
Basses : Romain Bockler, Florent Baffi

Nota :  dans la lecture de l’évangile,  quelques versets manquent au début de l’enregistrement en raison d’incidents de micro

Pour (re)écouter le culte complet, aller sur le site du Foyer de l'Âme en cliquant sur le lien ci-dessous :

Culte du Jeudi Saint par la pasteure Béatrice Cléro-Mazire

Méditation sur le texte de l’Évangile de Jean 13:1-30
Pourquoi as-tu saisi le pain qui t’était tendu, Judas ?
 
Pourquoi as-tu saisi le pain qui t’était tendu, Judas ?
Ne pouvais-tu pas laisser là ce repas qui t’instituait : traître
Trahir, tradere, livrer, transmettre, faire tradition.

            Il fallait qu’il y en ait un qui soit assez obéissant pour aller là où le maître l’envoyait. Un assez fou pour croire que cela pouvait être son lot de trahir son ami. Livreur de mort, Judas, créateur de tradition, passeur de sens là où la tragédie semblait régner. Tu n’as pas reculé, tu es sorti sur le champ, et c’est dans l’obscurité, dans la Ténèbre, celle qui n’est pas du ciel, mais des profondeurs du cœur humain, que tu es sorti du lieu de communion où tu étais jusque-là.
            La communauté de table que Jésus avait instituée comme image du banquet céleste qu’il promettait dans son royaume. La communauté de table où tu aurais bien aimé être le disciple que Jésus aimait, lui, qui se pencha sur son sein avec cette intimité de vie si tendre qu’elle rendait tous les autres extérieurs à l’amour fraternel qui unissait ces deux-là. La communauté de table où tu aurais même préféré être à la place de Pierre, ce disciple touchant par sa naïveté, qui croyait qu’il suffisait de décider par la simple volonté d’être fidèle pour que cela soit. Pauvre Pierre, il a su très vite qu’il en serait autrement, et que la foi et ses œuvres ne sont pas affaire de volonté ni de décision individuelle, mais de recherche constante de lumière à travers les ombres du cœur. Mais bon, même cette place de dupe t’aurait bien suffi.
            Pourtant, à toi aussi le Maître avait lavé les pieds, pourtant à toi aussi il avait offert ce geste d’humilité et d’hospitalité. Tu croyais que, comme les autres, tu étais accueilli par le maître. Toi aussi, tu voulais bien accueillir le Maître et les frères qui faisaient table commune avec toi ce soir-là, voire les publicains et les pécheurs, les femmes de mauvaise vie et les païens du monde entier, qu’ils soient grecs ou romains, tous ceux que le Maître avait accueillis en signe de salut, pourvu que toi aussi tu sois aimé de Dieu.
            Tu aurais dû te douter de quelque chose, quand le maître a dit que vous n’étiez pas tous propres, tu aurais dû te souvenir du Psaume  :
Je dis : Éternel, fais-moi grâce !
Guéris mon âme, car j'ai péché contre toi.
Mes ennemis parlent mal de moi :
Quand mourra-t-il ? quand périra son nom ?
Si quelqu'un vient me voir, il dit des paroles vaines,
Son cœur amasse des iniquités ;
Il sort et il parle au dehors.
Tous ceux qui me haïssent chuchotent entre eux contre moi ;
Contre moi, ils méditent mon malheur :
C'est une affaire mauvaise qui fond sur lui !
Le voilà couché, il ne se relèvera pas !
Celui-là même avec qui j'étais en paix,
Qui avait ma confiance et qui mangeait mon pain,
Lève le talon contre moi (extrait du Psaume 41).

            Toi, le fils de Simon, toi Judas l’Iscariote, du clan des Sicaires, ou de la tribu d’Issaccar, porteur de dague, homme du salaire. Est-ce ta faute à toi, si l’on t’avait confié les cordons de la bourse ? C’était une preuve de confiance. Confiance en ta force, en ton courage pour défendre le bien de la communauté, en ta détermination sans doute.
            Mais voilà, il fallait qu’il y en ait un qui occupe la place du traitre, et cela ne pouvait être que le plus convaincu, le plus virulent, le plus déterminé.
            Parce qu’il fallait que tous comprennent que, si pour sortir de la pensée sacrificielle selon laquelle la vie vit toujours au détriment d’autres vies, et que rien n’est jamais obtenu dans nos vies qu’en le prenant sur d’autres vies, il fallait, pour dépasser ce constat qu’un paye pour les autres et paye de sa vie une fois pour toute.
            Quand le Maître est mort sur la croix, il est devenu le sacrifice qui pouvait payer pour cette réalité humaine, il pouvait nous sauver tous de cette dette immense que nous traînions avec nous et que nous essayions de payer à coup d’animaux sacrifiés au temple. Il est devenu l’Agneau de Dieu qui enlevait le péché du monde. Ce péché qui fait que même si j’essaie comme ce pauvre Pierre, de faire le bien que je veux, mon geste produira toujours en quelque lieu que j’ignore, le mal que je ne voulais pas.
            Mais, toi, loin d’être glorifié par le don de ta vie à cette sale besogne qu’on t’avait attribuée, tu es resté le traître, le sale type qui trahit son maître, qui vend la vie de son ami.
            On voulait bien qu’un juste meure pour tous les autres, pur de toute faute, comme les agneaux sans défaut qu’on offre en sacrifice d’expiation, mais on ne voulait pas se souvenir que sans toi, le salut de Dieu n’aurait pas eu le caractère subversif que le Maître avait annoncé par sa vie et ses actes. Il fallait un révélateur du mal et ce fut toi. 
            Judas, toi qui as saisi le pain que Jésus te tendait, tu es l’apôtre du salut. Celui par qui tout a été transmis, par qui tout a pris sens. Ton intimité avec le Christ était si grande, que tu n’as pas eu besoin de te renseigner pour savoir ce que le Maître avait en tête, tu n’as pas eu besoin qu’on te déclare pur, comme le disciple bien aimé, comme Pierre, toi, tu savais qu’il n’y a pas de pureté et que, même si on lavait le monde avec l’eau du ciel, le monde serait toujours plein de fureur et de violence. Il fallait bien que quelqu’un révélât cette vérité selon laquelle c’est le pouvoir qui anime le cœur des hommes, il fallait bien que quelqu’un osât être lucide sur cette humanité engluée dans la glaise adamique. Sinon, Jésus aurait créé une utopie, mais il n’aurait sauvé personne.
            Pour être sauvés, il fallait que les hommes identifient le mal et tu fus celui qui le rendit manifeste.
            Quand le Maître s’est levé de table pour faire ce geste d’esclave, quand il a commencé à laver les pieds de chacun, pour leur dire à tous qu’il fallait renoncer au pouvoir et que le royaume était à ce prix, alors tu as compris quel était ton esclavage, toi le rebelle, qui voulait en découdre avec les autorités en place, qui voulait reprendre le pouvoir à tous ces corrompus et tu t’es fait braconnier des puissants, les prenant à leur propre piège, en vendant ton ami. Et ils ont cru que tu étais avec eux, mais par toi, s’accomplissait une chose impensable pour eux. En obéissant au Maître, tu as définitivement abandonné le pouvoir à ceux qui y croyaient encore. Et il ne savaient pas que trahir, c’est livrer, et transmettre jusqu’à faire tradition.
            Alors, abandonnant ta propre vie, ta propre intégrité, acceptant d’avoir les mains sales pour que tous restent propres, tu as accompli ton œuvre et Jésus est devenu le Christ, le Maître est devenu Parole de salut, contre tous les pouvoirs, contre tous les désirs de dominer, contre cet esclavage de désirer être plus grand que son Maître, faute de connaître la véritable obéissance.
Il fallait bien que quelqu’un le fasse, et c’est toi, Judas, qui est sorti dans l’obscurité, pour que la lumière se fasse.

Trahir, tradere, livrer, transmettre, faire tradition.
Pourquoi as-tu saisi le pain qui t’était tendu, Judas ?

 


Lecture de la Bible

Evangile de Jean, chapitre 13, versets 1 à 30
(Traduction Segond)

1  Avant la fête de Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, et ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, mit le comble à son amour pour eux. 2  Pendant le souper, lorsque le diable avait déjà inspiré au cœur de Judas Iscariot, fils de Simon, le dessein de le livrer,
3  Jésus, qui savait que le Père avait remis toutes choses entre ses mains, qu'il était venu de Dieu, et qu'il s'en allait à Dieu,
4  se leva de table, ôta ses vêtements, et prit un linge, dont il se ceignit.
5  Ensuite il versa de l'eau dans un bassin, et il se mit à laver les pieds des disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint.
6  Il vint donc à Simon Pierre ; et Pierre lui dit : Toi, Seigneur, tu me laves les pieds !
7  Jésus lui répondit : Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt.
8  Pierre lui dit : Non, jamais tu ne me laveras les pieds. Jésus lui répondit : Si je ne te lave, tu n'auras point de part avec moi.
9  Simon Pierre lui dit : Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête.
10 Jésus lui dit : Celui qui est lavé n'a besoin que de se laver les pieds pour être entièrement pur ; et vous êtes purs, mais non pas tous.
11  Car il connaissait celui qui le livrait ; c'est pourquoi il dit : Vous n'êtes pas tous purs.
12  Après qu'il leur eut lavé les pieds, et qu'il eut pris ses vêtements, il se remit à table, et leur dit : Comprenez-vous ce que je vous ai fait ?
13  Vous m'appelez Maître et Seigneur ; et vous dites bien, car je le suis.
14  Si donc je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres ;
15  car je vous ai donné un exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait.
16  En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son seigneur, ni l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé.
17  Si vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez.
18  Ce n'est pas de vous tous que je parle ; je connais ceux que j'ai choisis. Mais il faut que l'Écriture s'accomplisse : Celui qui mange avec moi le pain A levé son talon contre moi.
19  Dès à présent je vous le dis, avant que la chose arrive, afin que, lorsqu'elle arrivera, vous croyiez à ce que je suis.
20  En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui reçoit celui que j'aurai envoyé me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé.
21  Ayant ainsi parlé, Jésus fut troublé en son esprit, et il dit expressément : En vérité, en vérité, je vous le dis, l'un de vous me livrera.
22  Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait.
23  Un des disciples, celui que Jésus aimait, était couché sur le sein de Jésus.
24  Simon Pierre lui fit signe de demander qui était celui dont parlait Jésus.
25  Et ce disciple, s'étant penché sur la poitrine de Jésus, lui dit: Seigneur, qui est-ce?
26  Jésus répondit : C'est celui à qui je donnerai le morceau trempé. Et, ayant trempé le morceau, il le donna à Judas, fils de Simon, l'Iscariot.
27  Dès que le morceau fut donné, Satan entra dans Judas. Jésus lui dit : Ce que tu fais, fais-le promptement.
28  Mais aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela ;
29  car quelques-uns pensaient que, comme Judas avait la bourse, Jésus voulait lui dire : Achète ce dont nous avons besoin pour la fête, ou qu'il lui commandait de donner quelque chose aux pauvres.
30  Judas, ayant pris le morceau, se hâta de sortir. Il était nuit.