Sommaire du N° 811 (2017 T3)

Éditorial

Dossier : Protestantisme et citoyenneté

  • Quel rôle pour les protestants ?
  • Jéricho-Bondy
  • Les enjeux de l’accueil de l’étranger
  • Ce protestantisme qui s’engage dans la Cité
  • Prison et citoyenneté, prisonnier et citoyen
  • Engagement et besoin de Dieu
  • Qu’est-ce que la laïcité ?

Calendrier des cultes

Activités de l'Oratoire du Louvre

Nouvelles de l'Oratoire

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Dossier du mois
Protestantisme et citoyenneté

Au terme de l'intense et éprouvante séquence politique des élections présidentielles puis législatives, il nous a semblé qu'il valait la peine de prendre un peu de distance et de s’interroger sur notre place dans la Cité et sur le sens de l'engagement citoyen confronté à notre foi. « L’Évangile est politique », rappelait le pasteur Marcel Manoël dans sa prédication du 26 mars à l’Oratoire. Quelques jours auparavant, la soirée Société en débat évoquait avec le pasteur Stéphane Lavignotte « l’ardente obligation » d’une théologie politique. Et voici que pour l’Ascension, l’ancien président américain Barack Obama devait plancher sur le thème « Prendre des responsabilités chez soi et dans le monde » devant les protestants allemands lors du Kirchentag, leurs journées annuelles. C’est dire que la thématique interroge, ici comme ailleurs. 

Dans ce dossier, Philippe Gaudin examine, en philosophe, les défis pour les protestants d’aujourd’hui consistant à bâtir des ponts entre la cité des hommes et la cité de Dieu. Et des bâtisseurs, justement, nous racontent les actions entreprises sur le terrain au quotidien. Celui des « aidants solidaires » qui soutiennent les personnes migrantes, des associations qui luttent pour le droit des prisonniers, du syndicaliste qui œuvre à une plus grande justice sociale, de l'urbaniste face à la réalité de la banlieue, ou de l’élu local, le tout dans l’indispensable cadre de la laïcité qu’analyse Nicolas Cadène. Autant d’échos qui invitent à la réflexion quant à notre état de protestants citoyens. Et résonnent avec ces mots de la prédication du pasteur Jean-Frédéric Patrzynski le 7 mai : « Nous devons prendre conscience des implications dans nos existences si nous suivons le Christ. Être prêts à poser un acte, à oser une parole dans ce monde et pour ce monde.» 

Stéphane Lutz-Sorg

Quel rôle pour les protestants ? 

par Ph.G. 
Philosophe 

Les protestants sont-ils de bons citoyens ? On est tenté de répondre par l’affirmative et nous risquons de tomber dans des lieux communs flatteurs : sens des responsabilités, respect des droits et des devoirs etc. Gardons-nous cependant d’être de bons citoyens dans une cité corrompue. 

Il faut donc savoir de quelle citoyenneté on parle. Il n’y a pas de société qui ne repose sur des choix fondamentaux, philosophiques et politiques. Quels sont les nôtres en France, même si beaucoup les ignorent aujourd’hui ? Il y a une unité et universalité de l’espèce humaine ; une unité et universalité des droits et des devoirs ; ces deux principes étant posés, chacun peut être dans le cadre de la loi et de l’Ordre public, bouddhiste, athée, philatéliste, pêcheur à la ligne, hétéro ou homosexuel, végétarien, jogger, gauchiste etc. à l’infini. 

Le premier principe ne va pas du tout de soi. Chacun des peuples se considère naturellement comme supérieur aux autres et l’histoire nous apprend que l’on réserve l’humanité aux siens, que les castes des sociétés traditionnelles ont été remplacées par des classes sociales parfois au moins aussi étanches, que les femmes n’ont que depuis très peu de temps des droits égaux à ceux des hommes etc. Et c’est donc tout naturellement que le deuxième principe ne va pas non plus de soi. On déclare que « tous les hommes naissent libres et égaux en droits » depuis seulement 1789, c’est en 1791 que les juifs sont « émancipés » et en 1792 que les registres de l’état civil passent des mains du curé de la paroisse à celles du maire de la commune : on peut donc depuis ce temps-là être un citoyen ordinaire, à part entière, sans être catholique. Pour le reste, liberté chérie dans le cadre de la loi commune. 

La loi de 1901 sur la liberté d’association est capitale car elle atteste que l’État commence à tolérer la liberté de la société civile et des individus concrets. D’une certaine façon, la loi de 1905, dite de séparation des Églises et de l’État, ne fait qu’appliquer cette philosophie aux différents cultes qui deviennent l’expression de l’initiative des individus ou de la vitalité des communautés particulières qui n’ont toutefois pas de droits à part. Là encore, cela ne va pas du tout de soi, puisque la religion dans l’épaisseur de l’histoire n’est justement pas de l’ordre du choix individuel mais de l’appartenance obligatoire à un ordre symbolique porté par le groupe. Disons qu’aujourd’hui, paradoxalement, notre nouvel ordre symbolique obligatoire est celui des droits de l’homme. 

Mais d’où vient donc la cohérence de ce choix philosophique et politique selon lequel on est d’abord humain, puis citoyen et enfin ceci ou cela selon les hasards de la vie ou ses vœux individuels ? Le protestantisme a-t-il pu jouer un rôle dans l’élaboration de cette manière de voir et de construire un certain style de citoyenneté ? S’il l’a fait, cela peut être mis au compte de l’Évangile qui n’écarte plus ceux qui ne devaient se contenter que des miettes qui tombent de la table, mais sans doute plus encore - nous parlons de réalités juridiques et politiques - au fait que lorsque l’on est minoritaire, plaider pour l’universalité citoyenne, c’est aussi plaider concrètement pour que sa particularité soit admise. 

Le protestantisme peut-il, doit-il aujourd’hui jouer un rôle pour rendre la citoyenneté vivante et inclusive, alors même que la fameuse « globalisation » la chahute sévèrement, via le multiculturalisme d’un côté et l’hyperindividualisme de l’autre ? Il a sans doute un rôle à jouer grâce à sa sensibilité à l’altérité qui lui vient de sa situation minoritaire en France. Mais toute minorité n’est pas bonne en soi et la différence ne fait pas l’excellence. Il faut donc d’abord prendre conscience soi-même des choix fondamentaux qui sont les nôtres par un héritage de notre histoire, car ce sont eux qui fondent l’unité qui permet la plus grande pluralité possible au sein de la cité. Il faut ensuite faire œuvre de pédagogie à l’égard des jeunes générations comme à l’égard des nouveaux venus. Ce travail, les protestants peuvent le faire dans leur vie sociale, ils le font comme citoyens justement. L’humanité de l’homme est protégée dans une cité qui respecte une certaine idée du droit. Or les plus belles idées du monde ne tiennent jamais toutes seules, il faut les hommes de chair et pour les expliquer et les défendre. L’Église protestante - avec d’autres sans doute - devrait être dans la cité des hommes comme la tête de pont et un centre de ressourcement de la cité de Dieu pour que l’humanité ne soit pas défigurée sur la terre. 

Au-delà de ces défis d’aujourd’hui auxquels on ne peut échapper, il en est de plus nouveaux encore qui ne sont plus seulement politiques mais cosmiques. Le développement de notre puissance nous a fait prendre conscience que c’est désormais la création entière qui mérite d’entrer dans une forme de citoyenneté : on ne peut plus traiter la terre et les animaux comme nous le faisons aujourd’hui, ni écologiquement, ni moralement. La cité terrestre qui n’a jamais été aussi bien nommée, doit indiquer, ici et maintenant, la cité céleste sans vouloir d’une manière totalitaire se confondre avec elle. 

P. G.

Jéricho - Bondy 

par Marion U. 
Urbaniste 

« Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville (…) » - Luc 19:1 

18h00 - A portée de mes fenêtres, les cloches de l’église se sont tues car des voisins s’en plaignaient, mais des dizaines d’enfants, aux familles venues des cinq continents, jouent à s’en rompre le cœur sur l’Esplanade de l’Hôtel de Ville. Je contemple ce lieu que nous avons créé pour eux et leurs mouvements incessants, comme un permanent manifeste antiraciste, une proclamation de joie entre les hommes. « (…)

Jésus ajouta une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’on croyait qu’à l’instant le royaume de Dieu allait paraître (…) ». Luc 19:11 

Dominant ces échanges, la République rappelle sa devise de liberté, d’égalité & de fraternité. Elle évoque tant de luttes, de conflits, de morts, presque tous en milieu urbain, fruits de femmes et d’hommes engagés, qui l’ont défendue envers et contre tout, y compris au prix de leurs vies, sans abandonner ou relativiser leurs convictions.

Mais « comme il approchait de la ville, Jésus, en la voyant, pleura sur elle (…) » Luc 19:41 

Ces convictions reposaient sur un ancrage solide. Mais y croyons-nous encore suffisamment ? S’il revenait en effet, cette tristesse de Jésus pleurant sur la ville ne nous surprendrait peutêtre pas. Comment ne pas pressentir que nos conceptions technicistes et normées risquent de nous isoler les uns des autres, nous laissant croire que, dans un monde sans esprit, nous pourrions être plus libres et plus fraternels. Face à l’individualisme urbain, au cloisonnement des institutions, à l’urbanisme de procédure, à la gestion normalisante de la ville, aux religions qui divisent les espaces pour en faire des champs de bataille ou des préscarrés sociaux, les pierres de ce monde appellent et crient leur solitude, leur détresse, leur ségrégation, leur soif et leur besoin de liens.

C’est pourquoi « jetant les regards sur eux, Jésus dit : que signifie donc ce qui est écrit : la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l’angle ? (…) Luc 20:17. « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » Luc 20:25 

Quelle mission encourageante par sa simplicité et sa clarté. N’attendons pas le retour du Christ dans nos villes pour construire le Royaume des cieux. Aidons-nous plutôt les uns les autres à faire l’éloge du désintérêt de soi et de l’amour des pierres, même toutes petites, qui passent devant nos portes. Ainsi, nous pourrons réapprendre à rendre à César la République qui lui appartient, avec ses comptes et ses lois, et à Dieu « ce pauvre amour dit du prochain », comme l’invoquait Albert Cohen, en écho à la faiblesse de notre cœur.

Qu’ainsi le Christ, aujourd’hui arrêté aux portes de nos villes ou réfugié dans des camps péri-urbains, nous aide à en faire des portes de miséricorde, au nom du bel amour, celui qu’incarne cette pierre angulaire sans laquelle notre monde ne tiendrait pas et que tant d’hommes et de femmes, vivant leurs convictions, ont manifesté pour nous, alliant parfois le visible et l’invisible, au nom du Christ ou de la République.

« Le serviteur n’est pas plus grand que son seigneur, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. Si vous savez ces choses, vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez. » Jean 13:16-17

Amen, merci

Les enjeux de l’accueil des étrangers 

par Geneviève Jacques 
Présidente de La Cimade 

Quand je vois dans nos permanences d’accueil à La Cimade la façon dont sont traitées les personnes étrangères par les politiques publiques, quand je croise dans les rues de Paris des exilés en souffrance et en errance faute d’accueil, quand je regarde les images de désespoir des survivants du cauchemar des chemins de l’exode et qui se retrouvent parqués dans des camps indignes, bloqués derrière des murs, je me demande : que retiendront les générations futures des positions des politiques et des citoyens face à ces réalités ? 

Qu’il s’agisse de l’accueil des exilés d’aujourd’hui ou du sort réservé aux « étrangers » dans nos sociétés, le bilan des politiques dominées par l’obsession sécuritaire ressemble à une collection d’échecs désastreux, sous tous les angles : humanitaire, politique ou éthique. 

L’histoire retiendra les morts, les murs, les souffrances et les humiliations. Elle soulignera aussi l’offensive idéologique et politique des courants les plus réactionnaires qui s’est développée sur le rejet de l’immigration en utilisant tous les ressorts de la peur, du repli ethno-nationaliste, de la haine. 

Mais ce n’est que la face sombre de la réalité. Il en existe une autre, plus lumineuse même si elle est moins visible dans l’espace public : elle a pour nom la solidarité et pour visage ces milliers d’acteurs de la société civile, organisés ou pas, qui s’engagent sur le terrain. Des « aidants solidaires » se mobilisent partout en France pour apporter leur soutien aux personnes migrantes laissées au bord du chemin, au bord du droit. Ils se trouvent en première ligne pour pallier l’absence ou les insuffisances des dispositifs publics dans les domaines de l’aide humanitaire d’urgence, de la santé, de l’orientation pour l’accès aux droits, de l’apprentissage de la langue. Ils se chargent aussi d’accompagner les « laissés pour compte » de plus en plus nombreux. 

Toutes les initiatives qui inventent et font vivre la solidarité au quotidien sont la preuve qu’il y a plus de courage, de générosité et d’humanité au sein de la société que dans les appareils politiques. 

Ne décrochons pas trop vite les banderoles qui proclament : « Exilés, l’accueil d’abord » sur les murs de nos églises ! Ce n’est pas un slogan de campagne, mais l’affirmation forte d’une éthique qui met l’humanité au centre et qui mérite plus que jamais d’être défendue. 

Au final, les enjeux de l’accueil vont bien au -delà du partage (d’un peu) de nos richesses : il s’agit aussi de recevoir celles que les exilés portent en eux, avec leurs histoires et leur force de vie et de rappeler que la France s’est construite depuis toujours avec ces apports. 

Pour que l’histoire retienne aussi une page dont nous n’ayons pas honte, retrouvonsnous parmi toutes ces forces vives qui revendiquent l’hospitalité plutôt que l’hostilité ou la peur « de l’autre ». Qui partagent la conviction que la solidarité est le seul véritable rempart contre les risques de fractures sociales que l’on voit déjà poindre.

De beaux enjeux, éthiques et politiques pour tous, accueillants et accueillis. 

G. J.

Ce protestantisme qui s’engage dans la Cité 

par O. G.
Syndicaliste

En préalable, dans un monde non religieux et une organisation syndicale laïque, un syndicaliste de confession protestante ne se distingue pas. L’objectif syndical reste le même entre camarades : organiser les salariés dans l’entreprise ou l’administration, faire émerger des revendications collectives, défendre des intérêts particuliers en ayant le souci de l’intérêt général, débattre des orientations qui guident l’action, libre vis-à-vis de toute chapelle, qu’elle soit religieuse ou politique. J’ai choisi de ne pas observer le théâtre du monde en spectateur passif et de ne pas m’arrêter à l’indignation stérile. Je suis un citoyen qui agit pour plus de justice s

ociale, une meilleure répartition des richesses, une économie au service de tous les hommes, sans asservissement, engagé dans une organisation qui, avec d’autres, vise à transformer la société. Pour ma part, parce que je n’ai pas à renier ma confession, ce n’est pas faire le Royaume de Dieu sur terre mais c’est déjà tenir lieu de témoignage de ma fidélité à l’Évangile. 

Albert Schweitzer, tenant d’un christianisme social, a démontré que la prédication de Jésus porte sur le Royaume de Dieu. Dès lors, suivre l’Évangile, comme l’écrit Laurent Gagnebin, c’est « orienter sa vie et sa foi vers le Royaume de Dieu ». A. Schweitzer écrivait : « S’unir à la volonté de Jésus, c’est vouloir changer le monde ». Et L. Gagnebin d’ajouter que Tertullien et Origène traduisaient Lc 17, 21 par « Le Royaume de Dieu est entre vos mains ». On peut lire aussi Mt 17:21 : Il ne suffit pas de me dire : « Seigneur, Seigneur ! » pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon père qui est aux cieux.

En perspective protestante, c’est la théologie de la grâce qui mène à vouloir agir dans le monde. Parce que je suis aimé et pardonné, les œuvres deviennent utiles et nécessaires dans l’amour du prochain, pour son prochain et non pour son propre salut.

Je me reconnais dans ce protestantisme qui s’engage dans la cité par ses œuvres et ses mouvements et par l’action de ses membres dans tous les domaines de la société, ce
même protestantisme qui interpelle les puissants et bouscule les conventions. 

O. G.

(1) Préface à Alain Houziaux : Christianisme et conviction politique, (Ed. DDB, 2008)

Prison et citoyenneté, prisonnier et citoyen

par Irène Carbonnier
Magistrate

S’il arrive au législateur de s’emparer de la question des prisons, ainsi au sortir de la Seconde Guerre mondiale sous l’impulsion du Conseil national de la Résistance et, dans une moindre mesure, avec l’intervention consensuelle de la loi pénitentiaire de 2009, il faut bien, à se reporter aux constatations du contrôleur des lieux de privations de liberté ou de parlementaires, constater une certaine ineffectivité de la loi au regard du principe de respect de la dignité de la personne détenue ou de la citoyenneté des prévenus comme des condamnés. C’est que tous jouissent, sauf exception, de leurs droits civiques. 

Dès 1975, l’Aumônerie nationale protestante des prisons a donc pris l’initiative de transformer sa révolte devant la dimension sociale de la délinquance, la misère des détenus, l’arbitraire régnant en détention en fondant l’Arapej (Association réflexion action prison et justice) avec l’aide d’une petite équipe d’indignés partageant la même vision des droits de l’Homme, ainsi qu’avec le soutien de la Fédération protestante de France et de plusieurs paroisses. L’Arapej, désormais Casp (Centre d’action sociale protestant), a pour objet de faciliter la réinsertion des sortants de prison et dénoncer les conditions d’incarcération. Elle poursuit son combat par une réflexion enracinée dans la doctrine de la « Défense sociale nouvelle » - justice humaine, personnalisation des peines, resocialisation de l’individu - et par une action de terrain en concordance avec ces principes. 

En 2016, dans les interstices laissés par la loi pénitentiaire, l’Arapej s’est associée, avec l’association « Lire c’est vivre », à la Maison d’arrêt de Fleury-Merogis, au Conseil départemental d’accès au droit, au Service pénitentiaire d’insertion et de probation pour mettre en place, dans le cadre de l’élection présidentielle, un partenariat sur les thèmes de la démocratie et de la citoyenneté avec l'implication active des personnes sous main de justice. Ce projet comprenant des actions de sensibilisation à la citoyenneté menées avec le concours de journalistes du Monde et d’enseignants a pour objectif de favoriser l'exercice effectif du droit de vote des détenus en sollicitant l’administration pour leur inscription sur les listes électorales, en organisant les permissions de sortie et en facilitant les demandes de procuration comme en permettant l’accès à l’information sur la campagne électorale et l'acheminement des professions de foi des candidats.

I. C

Engagement politique et besoin de Dieu 

par Fabien H. 
Conseiller municipal

L’engagement politique, cela fait partie de mon ADN : je me suis engagé dans un parti (le RPR alors) si tôt que mes 17 ans. La politique, j’y suis venu par des sujets de politique nationale et un fort sentiment d’attachement à mon pays, à la République, à ses valeurs. Sans doute, cela est-il indissociable aussi du besoin que j’ai, en tant que chrétien, d’agir pour mes semblables et améliorer leur vie quotidienne. Cet engagement très prenant, toutefois, les études, la vie personnelle et professionnelle m’en ont éloigné un temps, et ce n’est qu’en 2010 que j’y suis revenu. 4 ans plus tard, j’intégrais l’équipe municipale de ma commune comme conseiller délégué au commerce, à l’artisanat et aux jumelages. 

L’occasion pour moi de découvrir une fonction riche : qu’y a-t -il de plus au centre de la vie d’une ville que son commerce, poumon de la vie de la commune, sa première source d’animation. Et en même temps délégué aux jumelages, une dizaine de par le monde, belle chance d’ouverture aux autres. Je découvrais alors que, bien davantage que la politique nationale, la politique locale me passionnait peut être en cela que dans sa dimension assez chrétienne, elle permet d’agir au plus près et directement sur les préoccupations les plus quotidiennes des gens. 

C’est avec entrain que je me lançais comme jeune élu dans cette nouvelle fonction, avec l’engagement que j’essaye de mettre dans tout ce que je fais. 

Assurer l’animation commerciale de la ville, développer et entretenir la relation quotidienne avec plus de 500 commerçants sédentaires exigeants, 150 commerçants de marché, et des artisans dispersés sur toutes la ville et souffrant souvent d’un manque de visibilité, une dizaine de villes jumelles avec qui entretenir les liens. Beaucoup de nouvelles rencontres, une vie riche, toujours occupé, avec en parallèle une vie professionnelle bien remplie. J’étais à la fois passionné par cette découverte, mais aussi un peu troublé par ce maelström d’activité qui me prenait tant de mon temps sur ma vie personnelle. 

2 ans après cette prise d’activité j’ai commencé à ressentir ce besoin de paix et de sérénité, ce besoin de Dieu, qui m’a toujours lanciné quand mon équilibre est déstabilisé. Car bien que dans un objectif juste, mon équilibre s’était déstabilisé sans que je m’en aperçoive. Equilibre pourtant d’autant plus indispensable, quand la sollicitation est forte. 

Cette fonction, je l’exerce aujourd’hui beaucoup plus disponible pour les autres qu’elle est en équilibre avec vie professionnelle, temps pour mes proches, temps pour moi-même. 

Ne jamais perdre sa boussole, se ménager et savoir conserver l’équilibre, c’est le conseil que je donne à tout nouveau jeune élu ou souhaitant l’être car cet équilibre est tout autant fragile que précieux. 

F. H.

Qu’est-ce que la laïcité ? 

par Nicolas Cadène 
Rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, auteur de La laïcité pour les Nuls (éd. First, 2016). 

Depuis plusieurs années, tout le monde ou presque se revendique de la laïcité. Reconnaissons-le, la laïcité est devenue le nom générique que nous posons sur des approches diverses et souvent contradictoires. L’historien Émile Poulat disait : « il y a la laïcité dans les textes et la laïcité dans les têtes. Quand on parle de la laïcité, on parle de la conception que l’on peut en avoir à titre personnel, sans même connaître la loi ». Il faut donc rappeler — et c’est d’ailleurs ce que s’efforce de faire l’Observatoire de la laïcité — qu’il n’y a qu’une laïcité qui s’applique, celle qui est définie par le droit et qui découle de notre histoire. Cette laïcité, qui n’a pas à être adjectivée, renvoie pour l’essentiel à l’unité d’un peuple libre de toute emprise. 

Mais durant de très nombreuses années, nous avons collectivement délaissé la pédagogie et l’explication de la laïcité, laissant le champ libre à certaines contestations et à son instrumentalisation détestable. Le glissement consistant à user du principe de laïcité pour dresser des Français les uns contre les autres est bien sûr un non-sens.

Historiquement, la laïcité a d’abord été théorisée (notamment par le philosophe protestant Pierre Bayle) pour assurer la paix civile dans un pays profondément marqué par les guerres de religion et les persécutions contre les minorités. En 1905, lors des débats parlementaires précédant l’adoption de la loi du 9 décembre concernant la séparation des Églises et de l’État, les tenants d’une laïcité antireligieuse — empêtrés dans leurs paradoxes sur la liberté, soucieux qu’ils étaient de la limiter quand  il s’agit de se vêtir, de croire et de dire — avaient perdu face à ceux —Briand, Jaurès, Buisson— qui pensaient qu’au contraire, la laïcité se définissait comme la liberté des individus, l’égalité des citoyens en droits et en devoirs, et la neutralité de l’État, arbitre impartial. Rien de plus, c’est déjà beaucoup ; rien de moins, ce serait insuffisant. 

Les protestants ont très largement participé à cette définition. On pense à Rabaut Saint-Etienne, Boissy d’Anglas, Buisson, Quinet, Rossel, Méjean, Desmons, Allier, etc. La laïcité n’est pas là pour oppresser. Elle est là pour protéger chacun d’entre nous de toute emprise et de tout diktat, que l’on soit athée, agnostique ou croyant, et quelle que soit notre croyance. Elle est là pour assurer l’émancipation de tous ; pour garantir un cadre de bonne entente avec son voisin qui croit autrement, sa voisine qui ne croit pas et son collègue qui déteste les religions. 

La laïcité est la clé de la construction de la citoyenneté dans un des pays les plus diversifiés au monde, encore présent sur cinq continents. C’est ce qui fait, de chacun d’entre nous, au-delà de nos appartenances propres, des citoyens français à égalité de droits et de devoirs. Ce qui nous permet de ne former qu’un peuple, en dépassant nos différences individuelles, tout en les respectant et même en en faisant une richesse. 

N. C.