Sommaire du N° 747 (2001 T4)
Articles retranscrits
- Une histoire juive, par le pasteur J.M. Perraut
- Un dimanche après le culte, par Annie Vallotton
- Les femmes à l'Oratoire du Louvre, par Odile Roure
Vous pouvez télécharger le bulletin au format PDF
Dossier du mois
Une histoire juive
Comment répondre à la question ?
Lorsque le grand rabbi Israël Baal Chem-Tov devait répondre à une question difficile, il avait pour habitude d’aller se recueillir à un certain endroit dans la forêt ; là, il allumait un feu, récitait une certaine prière et le miracle s’accomplissait, il savait comment répondre à la question !
Plus tard, lorsque son disciple, le célèbre Maguid de Mezeritch, devait lui aussi répondre à une question ou à une difficulté que traversait sa communauté ou le peuple juif dans son ensemble, il se rendait au même endroit dans la forêt et disait : « Maître de l’univers, prête l’oreille. Je ne sais pas comment allumer le feu, mais je suis encore capable de réciter la prière. » Et le miracle s’accomplissait.
Plus tard, le rabbi Moché-Leib de Sassov, pour trouver réponse aux questions difficiles et sauver son peuple, allait lui aussi dans la forêt et disait : « Je ne sais comment allumer le feu, mais je peux situer l’endroit, cela devrait suffire. » Et cela suffisait : là encore le miracle s’accomplissait.
Puis ce fut le tour du rabbi Israël de Rizbin de répondre aux questions difficiles. Assis dans son fauteuil, il prenait sa tête entre les mains et parlait à Dieu : « Je suis incapable d’allumer le feu, je ne connais pas la prière, je ne peux même pas retrouver la forêt. Tout ce que je sais faire, c’est raconter cette histoire. Cela devrait suffire. » Et cela suffisait.
De l'interprétation
Cette histoire hassidique très connue peut être lue comme une métaphore de notre relation à la Bible.
Il y a bien longtemps, des hommes ont été capables de percevoir ce que Dieu a à dire aux hommes. Ces hommes étaient exceptionnels, non pour leurs qualités morales ; certains d’entre eux étaient des filous ou des vaniteux, ou de jeunes hommes sans expérience. Mais pour leur capacité, que Dieu leur avait donnée, à soulever légèrement le voile qui le cache aux autres hommes. Cette expérience les a amenés à raconter, à parler, à agir : ils ont donc interprété, avec leur intelligence et leur culture, ce qu’ils ont cru percevoir de l’autre côté du voile. Soit ils ont écrit eux-mêmes l’essentiel de leur expérience et de leur vie, soit des disciples, ou des disciples de disciples l’ont fait à leur place. Et bien sûr, chacun a interprété l’expérience originale à sa manière.
Ces écrits ont été la plupart du temps remaniés, corrigés, réorganisés par des écrivains-interprètes pour qu’ils soient transmis de génération en génération. Et puis des copistes et des traducteurs, qui ont eu leur propre lecture- interprétation, ont permis à d’autres hommes parlant d’autres langues dans d’autres cultures, d’avoir accès à ces écrits. Enfin, avant même que nous n’ajoutions notre propre interprétation, des générations nous ont précédés et ont apporté la leur, qui nous est bien utile.
À chaque interprétation nouvelle et au fil des siècles, quelques détails a pu se perdre ou se déformer, mais le miracle s’est toujours produit : la Parole de Dieu, devenue Écriture, a atteint des hommes se posant des questions.
Reste pour chacun d’entre nous cette ultime question : saurai-je raconter
l’histoire ?
pasteur J.M Perraut
Rencontres - Un dimanche à la sortir du culte
Une dame photographie la liste des morts 14-18. Elle le fait avec soin.
Intéressée, je m’approche.
Après, au café (bien sûr) avec elle et ses deux amies américaines. La “photographe” dit sa recherche : sa famille est d’origine française. Sa carte de visite
mentionne “présidente de la Société huguenote du Texas” ! Elle raconte le périple
de ses aïeux : d’abord Paris, puis Amsterdam, Londres, Boston, et enfin le Texas,
dans une terre désolée et inculte. L’église huguenote construite là-bas vers 1725
tombe en ruines. Mais elle est pieusement restaurée et un nouveau temple se
construit actuellement juste à côté.
Une dame amie, fidèle du café, s’offre pour conduire ces dames au Louvre. Ce
qu’elle fait jusqu’à 17 heures.
Dans le taxi qui me ramène chez moi, le chauffeur est un noir, grand format. Sa voix
est grave et superbe.
- J’espère que vous chantez, Monsieur.
- Oui, Madame, dans une chorale évangélique.
- ... et quel cantique aimez-vous le mieux ?
- ... un phare sur la plage… à toi la gloire…
Il se met à chanter – Moi aussi – Nous chantons les trois strophes, à tue-tête. Il est si
heureux.
- Vous devriez ouvrir la fenêtre pour que d’autres puissent en profiter !
- Et pourquoi pas !
Dans le rétroviseur, son visage est rayonnant de bonheur.
Annie Vallotton
Les femmes à l'Oratoire
Après avoir écouté avec grand intérêt notre nouvelle pasteure, Florence Taubmann, nous parler l’autre soir des femmes dans la Bible, je me suis dit tout d’abord qu’il y avait eu une grande évolution dans notre paroisse, qu’elle était de plus en plus féminisée et des mots forts comme “à l’abordage”, ou à “l’assaut” me venaient à l’esprit. Après quelques jours de recherche dans nos précieuses Feuilles Roses qui détiennent nos archives, j’ai dû modérer mes propos. Jugez-en.
C’est le 12 mars 1961 que les deux premières dames entrent au conseil presbytéral, à la demande de ces Messieurs, pasteurs y compris ; il s’agissait de Madame d’Hauteville et de Mademoiselle Fruitière, d’un certain âge et de grande qualité, fort dévouées, fort capables, ce qui n’est pas très étonnant sinon personne n’aurait pensé à elles... A cette époque, notre conseil était composé de 17 hommes et de 2 femmes.
Après une période un peu terne, et après les élections (les cooptations ?) de 1973, notre conseil comportera 4 femmes, ce qui double le contingent douze ans après la grande première. Il y aura même une femme au bureau puisque Jacqueline Rohé acceptera les fonctions de secrétaire.
C’est en mars 1979 que Madame Averous (expert-comptable dans le civil) entre au conseil pour occuper les fonctions de Trésorier. Du jamais vu auparavant. Pendant 9 ans, elle réorganisera avec une grande compétence la comptabilité et le secrétariat de notre paroisse (j’ai été bien placée pour en juger puisque j’ai été appelée en 1988 à lui succéder...) À cette époque, le conseil réunit 5 femmes sur 19.
C’est en mars 1985 que le conseil fait appel aux jeunes femmes (moins de 40 ans) ; il y a alors 13 hommes et 6 femmes. En mars I988, la féminisation grimpe : 12 hommes, 7 femmes, dont deux au bureau, ce qui est une première.
À partir de 1988, il y a une nette accélération : en 1995, 10 hommes et 9
femmes dont une vice-présidente (Lise André) ce qui entraîne logiquement en 1997,
et pour la première fois dans l’histoire de l’Oratoire, la présidence féminine du conseil
presbytéral. L’année 2000 confirmera cette évolution, comme vous le savez. Le
conseil presbytéral actuel comporte 10 hommes et 9 femmes (dont trois au bureau). [Présidente en 2001 : Isabelle Veillet]
La parité, si difficile à établir au Parlement de la République, a été mise en place dans notre paroisse lentement mais sûrement (qui va piano va sano) et l’on pourrait actuellement craindre plutôt une surcharge, sinon un matriarcat... Attention aux élections de 2003, car avec l’arrivée de notre pasteure, le conseil aura 10 femmes et 9 hommes.
En conclusion, et en quarante ans, l’Oratoire a fait un bond en avant, a été plus moderne qu’on ne le dit, puisque à l’heure actuelle sur les 16 paroisses de Paris intra muros, il n’y a que trois femmes pasteures titulaires, dont la nôtre, et cinq femmes seulement occupent la présidence du conseil presbytéral. L’Oratoire conservateur ? Allons donc...!
Odile Roure, juin 2001