Comme un enfant…

Marc 10:13-16

Culte du 4 octobre 2009
Prédication de pasteur James Woody

( Marc 10:13-16 )

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Culte du 4 octobre 2009 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, en quoi les petits enfants sont-ils une image du royaume de Dieu ? en quoi les petits enfants sont-ils un modèle de foi ? selon la sagesse populaire, il paraîtrait que la vérité sort toujours de la bouche des enfants. Et ceux qui se fient à ce dicton vont souvent jusqu’à penser que les enfants seraient purs, innocents… ben voyons… c’est bien connu… les enfants ne font jamais de caprices… ils ne mettent jamais des stratégies en place pour obtenir ce qui leur fait plaisir… ils ne font jamais de chantage affectif pour parvenir à leur but… ils ne se mettent jamais en colère non plus… cette idée d’une pureté originelle pourrait aussi faire penser que les enfants croient tout, sans poser de question. C’est la raison pour laquelle ils seraient des modèles de foi. Comme si un enfant croyait tout comme cela… comme s’il ne redemandait jamais, et à plusieurs personnes, ce qu’est ceci, comment on appelle cela, à quoi sert tel ustensile et « c’est quoi cette bouteille de lait ? ». L’enfant, s’il est plus crédule que les adultes n’en est pas moins un fervent partisan du doute qui prend le temps de vérifier que ce qu’on lui dit est véridique. Un enfant ne prend pas tout pour argent comptant. Il a aussi des critères de vérification.

Alors, en quoi les enfants sont-ils une image du royaume de Dieu et un modèle de croyant ? en ce qu’ils sont capables de tout.

Un enfant qui vient de naître est capable d’apprendre n’importe quelle langue. S’il naît en France d’une mère vietnamienne, d’un père hongrois et qu’on lui parle espagnol, il saura parler l’espagnol. Un enfant n’est pas déterminé à un parcours de vie unique à sa naissance. Il peut encore développer un esprit scientifique, il peut encore développer une sensibilité artistique, il peut encore devenir un voyou. Tout est possible. A sa naissance, une enfant ne sait pas tout, contrairement au conte qui prétend qu’un nouveau-né a un savoir absolu (même sur Dieu), mais que Dieu obligerait l’enfant à se taire, et lui ferait tout oublier, en posant son doigt sur ses lèvres, laissant comme trace cette légère dépression que nous avons entre le nez et la lèvre supérieure. Un enfant ne sait pas tout mais il est capable d’apprendre, de faire sien de nouveaux savoirs. Il peut encore changer considérablement. Il n’est pas enfermé dans une image fixe, définitive. Les connexions entre ses neurones ne sont pas aussi figées que peuvent l’être celles des adultes.

De même qu’il est plus facile à un chameau de passer par une aiguille…il est plus facile à un enfant d’être dans le Royaume de Dieu, qu’à un adulte qui campe sur son savoir, un adulte imbu de sa personne, de ses connaissances, de ses trésors personnels.

Nous le voyons bien avec les disciples qui font barrage devant les gens qui veulent amener auprès de Jésus des enfants, qui représentent la nouveauté : il y a des adultes qui veulent garder jalousement ce qu’ils possèdent (en l’occurrence, dans ce passage, les disciples pensent peut-être qu’ils possèdent Jésus, que ses bénédictions sont pour eux seuls, selon une clause d’exclusivité) et ces adultes vont se contenter de ce qu’ils ont. C’est ce qu’on appelle la thésaurisation : on a un capital (que ce soit de l’argent, des connaissances, des amis, des livres, une famille) et on va vivre sur ce capital jusqu’à la fin de sa vie, sans le renouveler, sans le partager. Jésus, en reprochant à ses disciples cette attitude bien peu généreuse, souligne que la vie est faite de nouveauté, de nouvelles relations, de nouvelles questions, de nouveaux visages, de renouvellement, de résurrection.

Les enfants sont une belle image de cette vie selon Dieu, qui recommande les questionnements nouveaux, qui encourage à renouveler ses centres d’intérêts, à ne pas s’en tenir à son quant à soi !

Accueillir la différence, l’Autre

Outre le fait qu’il est capable d’apprendre de nouvelles choses, il y a un deuxième aspect qui rend l’enfant modèle de croyant, c’est qu’un enfant est dépendant des autres. Un petit enfant ne prépare pas son repas tout seul, il ne choisit pas son rythme de vie, il ne choisit pas les vêtements qu’il va porter pendant la journée, il ne choisit pas non plus ses parents, d’ailleurs. Un petit d’homme est le seul être vivant qui ne s’en sortira pas s’il n’est pas pris en charge par des plus grands pendant ses toutes premières années.

Un enfant est extrêmement dépendant de son entourage. Il accueille la vie qu’on lui organise même s’il essaie parfois de se rebeller pour affermir et affirmer son identité. Il est vrai que le travail des parents est d’enseigner aux enfants à se débrouiller tout seul au fur et à mesure qu’ils grandissent. L’enfant saura faire ses nœuds de lacet en entrant à l’école primaire, il saura lire et écrire en entrant au collège, il saura faire cuire des pâtes en entrant au lycée, il saura conduire en commençant ses études supérieures, il saura remplir sa feuille d’impôt sur le revenu en entrant dans la vie active etc. Mais le jeune enfant nous rappelle que tout ne dépend pas de nous dans la vie ; qu’une part importante, si ce n’est essentielle, consiste dans ce que nous recevons… des autres personnes et, dans une perspective chrétienne, de Dieu.

Notez bien que Jésus que le propre du Royaume de Dieu est d’être reçu. On ne part pas à la conquête du Royaume de Dieu, ce n’est pas comme dans les jeux vidéo où il faut conquérir sa place au soleil, les romans de chevaliers où il faut partir en quête du château qui retient la princesse, ou les feuilletons politiques où l’on part à l’assaut d’un mandat électif. Le Royaume de Dieu n’est pas quelque chose qui se gagne, qui s’achète, qui se conquiert : le Royaume de Dieu se reçoit, comme l’enfant reçoit en cadeau la vie, sa chambre, son lit, ses jouets, ses repas, ses vêtements, ses frères et sœurs, ses loisirs, ses réprimandes et les bons conseils des parents qui tiennent à lui. La vie du petit enfant est marquée par le signe de l’accueil. C’est ce qui manque le plus souvent aux adultes.

Il suffit de regarder de près tous les sondages sur les croyances pour constater que la plupart des français font leur petite cuisine religieuse. On remplace la résurrection par la réincarnation, on remplace le prêtre ou le pasteur par un coach, on remplace le culte dominical par la grasse matinée ou les courses au supermarché… et tout cela avec la meilleure conscience qui soit. Bien évidemment la communauté ecclésiale composée de personnes que nous n’avons pas choisies est remplacée par les relations amicales que nous avons triées sur le volet.

Un enfant ne fait pas tous ces choix-là. Il accueille. Il accueille ce que ses parents lui ont préparé de bon pour qu’il grandisse en grâce, en stature et en sagesse, devant Dieu et devant les hommes. Et c’est ainsi qu’ils sont de plain-pied dans le Royaume de Dieu c’est-à-dire le monde espéré par Dieu et non la vie que l’on se construit sur mesure. Et réfléchissons bien à ceci : ce qui nous va comme un gant à un moment donné et que nous ne quittons plus, a un nom. Cela s’appelle un cercueil. Voilà pourquoi il faut se méfier des vies sur mesure : cela devient rapidement un carcan dont nous n’avons pas conscience et qui arrête notre vie en pleine lancée.

De l’audace

Cela nous conduit au troisième aspect qui caractérise les enfants à savoir l’audace. Un enfant est capable d’audace. Un enfant est capable d’audace parce qu’il n’est pas encore prisonniers de tous ces carcans qui risquent de brider, plus tard, sa créativité. Dans le domaine de la peinture, par exemple, un enfant est capable de couleurs inédites. Quand il se promène, l’enfant prend souvent des chemins inattendus pour les adultes : un parapet, un joli massif de fleurs, des flaques d’eau…l’enfant est capable d’une audace – qui confine parfois à la prise de risque – parce que les conventions ne sont pas son affaire. L’audace est ce trait qui caractérise les parents qui amènent les enfants à Jésus pour qu’il les touche, à la manière des amis de l’homme paralysé qui le feront passer par le toit qu’ils auront troué pour rejoindre Jésus, a priori inaccessible au milieu d’une foule dense.

Ce sont ses audaces successives qui permettent à un enfant de grandir : oser prendre tout seul sa cuiller pour manger, même s’il en met partout ; ou, dans un autre registre, avoir l’audace d’ouvrir une Bible alors qu’on n’a pas encore cinq ans… en refusant le conformisme, l’audace nous rend plus grand et nous permet de rendre le monde plus vaste et plus intéressant. Les plus grands artistes font preuve d’audace en apportant une part personnelle à leur discipline plutôt qu’en copiant ce qui s’est fait jusque là. Ce que les uns appellent le « trait de génie », d’autres le nomment « inspiration ». Nous pouvons y voir la part que nous laissons à Dieu pour hisser notre vie hors du commun, la part que nous laissons à Dieu pour nous attirer jusqu’à lui, comme pour ces parents attirés et attirant leurs enfants jusqu’à Jésus c’est-à-dire jusqu’à un niveau d’existence qui fait de nous des êtres pleinement humains.

Le petit enfant, lui, ne cesse de connaître plus grand et plus grand encore. Et quand cette audace ne vient pas de l’enfant lui-même, il faut qu’elle vienne des stimulations de ses parents, de ses parrains marraines, de ses chefs scouts, de ses enseignants, de ses catéchètes, de tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, font figure d’éducateur pour eux, sont autant de portes qui s’ouvrent sur un univers plus grand. Le Royaume de Dieu est pour tous ceux qui n’ont pas fait le choix de scléroser leur existence mais restent ouverts, disponibles à autre chose que leur nombril, attentifs à une autre parole, une autre pensée que la leur.

Jésus nous exhorte à ne pas nous construire nous-mêmes un royaume de Dieu, à ne pas forcer le passage vers ce que nous pensons être le paradis, mais à accueillir ce que Dieu nous offre, en terme de situations de vie, en termes de dons personnels, en termes de personnes dont nous croisons la route, en terme d’actions possibles, en termes d’engagement.

Il y a des trop plein de soi qui nous empêchent de vivre. Jésus nous recommande, quand c’est le cas, de retrouver l’esprit de l’enfant qui sommeille en nous pour retrouver l’audace propre aux enfants de Dieu. C’est alors que le Royaume de Dieu cessera d’être une chimère mais deviendra le concret de notre existence.

Amen

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